10 ans après sa victoire à Liège-Bastogne-Liège, Frank Vandenbroucke (Cinelli): "je ne pouvais appeler à l'aide"
LA LONGUE INTERVIEW | Frank Vandenbroucke remportait, voici dix ans, la Doyenne. Quelques mois plus tard, il va connaître une décennie noire.
- Publié le 25-04-2009 à 06h00
Il y a de ces succès qui ont marqué l'histoire du cyclisme. Celui de Frank Vandenbroucke dans la Doyenne 1999 en fait partie et nous l'évoquons dans les pages suivantes. L'enfant terrible du cyclisme a ensuite connu des années noires, faites d'une lente descente aux enfers. « Bimbo » s'est récemment épanché sur cette période qu'il pense avoir surmontée aujourd'hui.
Frank, comment expliquer cette déchéance ?Nous étions en 1999 et, dès le mois de mai, je suis tombé dans la toxico dépendance. Je travaillais avec Bernard Sainz (alias le docteur Mabuse). Le processus d'auto-destruction était enclenché, surtout au soir des mondiaux de Vérone, après ma chute et les deux poignets fracturés. J'étais perdu. Et je n'aurais pas pu appeler à l'aide. C'était hors de mes convictions. Je n'avais pas été éduqué à tout perdre.
Pensez-vous être devenu une star trop vite ?C'est une formule... On peut passer à travers les mailles du filet. Je ne connaissais rien du star system. J'étais un imbécile, heureux de cet engouement autour de ma personne. Tout avait été si facile : je ne faisais que gagner. Et puis j'étais devenu dépendant à certains produits. Les amphétamines, c'était mon refuge, une échappatoire. Je fuyais la réalité. Pourquoi ? On est fait comme cela.
Et aujourd'hui ?Le processus est maîtrisé. Je ne ressens plus de besoin chimique. Le mental était intoxiqué. J'ai lutté des années contre cela, comme un alcoolique. Je suis en sursis permanent. Il ne faut jamais dire jamais. Mais je peux aussi affirmer que c'est Jef Brouwers, un psychologue, qui m'a sauvé la vie.
Frank, cette dépendance chimique, elle est venue comment ?Je suis tombé, comme les autres, dans un système pourri, mis au jour par l'affaire Festina en 1998. Tout le monde savait. Mais je faisais tout dans les règles de l'époque. Je n'ai jamais craint de donner mon urine après une course. Je savais que je ne pouvais pas être positif. Cela n'a d'ailleurs jamais été le cas.
Puis vinrent les ennuis avec la justice.J'étais chez Philippe Gaumont (ndlr : coureur chez Cofidis), en France, en 1999. On a sonné à son domicile à cinq heures du matin. On a été emmené par la brigade des stups à Paris. Sans savoir trop ce qui se passait. Cela m'a fait un choc. Je n'étais plus le même, même si je me sentais toujours aussi fort sur la Vuelta.
Les années qui ont suivi ne furent pas davantage roses.2000 fut une année noire, totalement. En 2001, je passe chez Lampre, où je ne remporte aucune victoire. En 2002, alors que j'ai signé avec Lefevere (Domo-Farm-Frites), c'est rebelote avec la police. Sainz est arrêté à Lebbeke, on fouille sa voiture. Cela débouche sur une perquisition chez moi. C'est un deuxième coup de massue. En 2003, toujours avec Patrick, je fais deuxième du Tour des Flandres. Puis rien, plus rien. Aucun succès, que cela soit chez Fassa Bortolo ou chez Mr. Bookmaker...
Et de quoi est fait votre proche avenir ?D'abord, je roule dans une formation, Cinelli, qui n'a pas de gros moyens financiers. L'équipe peut vivre ou mourir avec moi. Pour l'instant, je ne suis pas payé. Et on est obligé de s'aligner sur des courses pas vraiment médiatisées. Mais je suis toujours autant motivé pour courir. Les grandes classiques, c'est ma vie. Avec Nico Mattan, on multiplie les contacts. On espère que cela va se concrétiser très bientôt. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Et puis, je reste VDB.