«Tom m'a offert une victoire pour mon mariage!»
- Publié le 27-01-2006 à 00h00
Kevin Hulsmans l'ami, le confident de Tom Boonen précise d'emblée: «Je ne suis pas son esclave»
DOHA Kevin Hulsmans (27 ans), ami et confident de Tom Boonen, s'est confié sans retenue sur sa relation avec le champion du mon- de devenu un véritable monument en Belgique en l'espace de quelques années.
Certains pensent que vous êtes des amis d'enfance tellement votre entente semble parfaite. N'est-ce pas le cas?
«Non, en réalité, j'ai fait sa connaissance alors que j'avais 17 ans (et lui 15 donc). Au début, on se côtoyait dans les courses, on était simplement des copains qui habitions la même région anversoise. On était jeunes et on n'avait pas encore de GSM pour s'envoyer des SMS. Puis, progressivement (surtout chez les espoirs), on est devenu de vrais camarades. Tout cela s'est mué en amitié plus tard, lorsque nous nous sommes mis à partager la même chambre lors des courses et des stages.»
Etre l'ami et l'équipier de Tom Boonen, vu ce qu'il est devenu, est-ce une charge supplémentaire?
«Pas une charge. Mais il est vrai, par exemple, que lorsque Tom doit se pointer quelque part pour une télé ou une interview quelconque et qu'il n'est pas là, on me téléphone tout de suite pour me demander où il reste. Je réponds toujours sans problème; cela ne me dérange nullement.»
En 2002, alors que vous n'étiez pas dans la même équipe (vous chez Mapei, lui chez US Postal), vous vous êtes un jour retrouvés en tête d'une étape du Franco-Belge et Tom vous a laissé gagner. Boonen avait expliqué par la suite qu'il trouvait que vous méritiez la victoire parce que vous aviez connu tellement d'ennuis physiques jusque-là.
«En réalité, c'était aussi un cadeau de mariage de sa part. Tom savait que j'allais épouser ma compagne Kelly. On était à trois devant, avec un gars de chez Coast, j'avais beaucoup travaillé et il était manifeste que Tom était le plus fort. Il s'est approché et m'a dit: Si tu gagnes, aujourd'hui, considère cela comme mon cadeau de mariage. Ça m'arrange, comme ça, je ne devrai plus rien apporter le jour J», avait-il ajouté en riant. Tout a été vite réglé et j'ai pu l'emporter, bien couvert par mon ami.»
Mattan était l'ami de Frank Vandenbroucke mais il devait, selon la rumeur, lui préparer son bain, cirer ses chaussures ou se taper l'une ou l'autre corvée pour son leader
«J'ai entendu cela aussi et, parfois, mes équipiers me font marcher avec ce genre de chose. Ils me demandent si je dois aussi jouer à la bonne. Mais non, Tom n'attend absolument pas cela de moi. On est deux amis, on roule dans la même équipe, on fait chacun son boulot. Il se fait simplement que Tom est devenu l'un des meilleurs coureurs du monde. Je ne cire pas ses chaussures, tout comme je ne porte pas ses valises (d'ailleurs, ici, à l'arrivée de Doha, il a porté la mienne!). Je ne suis ni son esclave ni son valet.»
Enviez-vous parfois ses qualités, son rôle de leader, sa vie de star?
«Absolument pas! Je suis même extrêmement content de tout ce qui lui arrive. Je ne suis ni envieux ni jaloux de ce qu'il a. Parce qu'il a amplement mérité ses victoires, et donc aussi tout ce qui vient en sus. Je ne me suis non plus jamais imaginé être à sa place.»
Il est si relax qu'on croit parfois qu'il ne la ressent pas, cette pression.
«Croyez-moi, c'est tout le contraire. Du moins à certains moments. Parfois il en souffre, même si le mot est sans doute exagéré. Il tente alors de s'isoler un peu pour repousser cette pression. Il est aussi partagé entre le sentiment de vouloir faire plaisir à tout le monde et le fait de devoir malgré tout se protéger. Et quand il le fait, les gens s'étonnent parce qu'ils sont tellement habitués à le voir sourire, être affable et aimable. Il lui arrive de vouloir tout d'un coup le calme, la tranquillité. Vous savez, il ne se passe par une heure de la journée sans qu'il soit sollicité par la presse, les sponsors, les supporters.»
Au Mondial de Madrid, vous reveniez de blessure. Vous n'étiez pas sélectionné et vous étiez consultant sur place pour la VRT télé. Etait-ce pénible de ne pas être dans l'équi- pe pour aider Tom?
«Je m'étais fait une raison. Je n'avais pas le niveau pour rouler mais, comme un footballeur qui est sur le banc des réserves, on est toujours un peu frustré de ne pas jouer. A Madrid, j'étais comme sur la touche, à part que je ne pouvais pas monter au jeu. Malgré tout, j'étais heureux d'être présent. Je me suis donc mué en supporter. Tom m'a appelé régulièrement et, dans les quelques jours précédant la course, je lui ai plusieurs fois rendu visite dans sa chambre, on s'est promené tous les deux, on est même allé manger ensemble avec les gars de la VRT. Cela lui a fait du bien, je crois. Après son titre, j'ai fait la fête avec lui, mais pour être honnête, je dirais que la soirée aurait été plus réussie encore pour moi si j'avais pu vraiment participer à son sacre. Ceci dit, j'ai quand mê- me ressenti une grande émotion. Quant à la course elle-même, je dois avouer que je suis passé par tous les états. Plusieurs fois, j'ai cru que tout était fini pour lui parce que de belles échappées s'étaient dessinées. Heureusement, tout s'est bien terminé.»
Croyez-vous qu'il puisse un jour gagner Liège-Bastogne-Liège?
«Je ne peux vraiment pas répondre à cela. Les organisateurs ont, en plus, tendance à durcir leurs courses. Or Liège est déjà terriblement difficile, dès lors»
Voilà 4 ans que vous roulez dans la même équipe, Boonen et vous. Avez- vous un accord de collaboration à long terme? Ne vous êtes-vous jamais promis de faire toute votre carrière ensemble?
«Honnêtement, non. On n'en a jamais sérieusement parlé. Parfois, on rigole: on dit qu'on ne se quittera jamais mais on sait bien qu'il y a tellement de choses qui peuvent arriver que prétendre cela ne serait pas réaliste. En plus, je ne voudrais jamais que quelqu'un dise que je suis dans une équipe grâ- ce à mon ami Boonen. Il faudra toujours que je force ma place grâce à mes prestations! Et si c'est le cas, au fond, on aura toutes les chances de rester ensemble, chez Quick Step ou dans une autre équipe. Et ce serait très bien ainsi. Mais on doit d'abord me prendre pour ce que je suis sportivement parlant, pas parce que je suis le pote de»
Avec ses victoires au Ronde, à Roubaix, à Madrid et au Tour de France, Tom a connu une année fabuleuse en 2005, est-il capable de faire mieux encore en 2006?
«Difficile mais je pense que s'il gagnait le Tour des Flandres avec le maillot de champion du monde, alors qu'il est encore plus surveillé qu'avant, sa saison serait déjà réussie. C'est en tout cas, je le sais, un de ses défis cette saison.»
Vous êtes-vous déjà disputés?
«Il nous arrive de ne pas être d'accord, de chacun développer des arguments différents, mais cela reste dans les normes. De grandes discussions oui, de grandes disputes, non. Cela dit, je l'ai déjà vu très fâché mais pas sur moi. Cela lui arrive en course mais il dit alors très vite sa façon de penser à celui qui a déclenché son courroux. Mardi passé, à l'entraînement, un gars qui voulait faire son show en voiture nous a presque renversés, en nous toisant du regard en sortant d'un parking. Là, Tom n'était vraiment pas content. Il y a eu des échanges de noms d'oiseau.»
Parlez-vous beaucoup à vous deux de la Boonenmania?
«On en rit pas mal. Sans doute pour mieux évacuer la pression. C'est devenu assez fou maintenant, alors que, au début, c'était plutôt sympa. Au bout d'un temps, cela devient répétitif et plus difficile à gérer. Je sais, par exemple, que Tom trouve difficile de ne plus pouvoir entrer dans un café ou un restaurant sans être apostrophé. Il se rend compte que cela sera comme ça jusqu'à la fin de sa vie! D'où son déménagement à Monaco où il est moins connu, donc plus tranquille. Mais pour s'entraîner, c'est sympa. Et moi, je ne dois plus louer de chambre à l'hôtel puisque Tom m'accueille chez lui. Il a une chambre d'ami. On espère d'ailleurs en profiter pour voir le Grand Prix de F 1 car nous adorons le sport automobile, mais j'ai peur qu'on soit en déplacement à cette époque. Tant pis, on se fera un duel sur la Playstation, dont on est fou tous les deux. Cela nous détend et nous empêche de penser tout le temps à la compétition. Et là, je suis plus fort que lui! Quand on joue l'un contre l'autre, je gagne 9 fois sur 10. Il n'aime pas trop ça, mais ça, c'est la caractéristique du champion.»
On dit que beaucoup de figures féminines connues en Flandre font le forcing pour sortir avec Boonen et qu'il faut même le protéger!
«Tom est parfaitement capable de se protéger lui-même. Pour sa compagne Laure, une fille vraiment très chouette, la vie n'est pas toujours facile. Les histoires les plus folles courent sur la vie privée de Tom (je me demande même comment on ose écrire ou dire pareils mensonges) et je sais que Tom souffre parfois pour sa compagne qui ne mérite vraiment pas d'être traitée de la sorte! Ce qui lui fait mal, c'est qu'on attaque sa fiancée avec des bruits parfaitement non fondés. C'est injuste. Tom n'est plus seulement un sportif mais une personnalité publique, avec toutes les dérives que cela entraîne.»
Quand Boonen arrêtera sa carrière, il ne devra plus jamais travailler de sa vie. Vous si!
«Et alors! Quoi de plus normal! Une autre vie commencera pour nous après le vélo. Je suis sûr, du reste, que Tom ne restera pas à rien faire. Il aura besoin de s'investir dans quelque chose. Parfois, il dit qu'il deviendra patron de discothèque mais c'est pour rire! En tout cas, en fin de carrière, je lui dirai merci, tout comme il remercie chacun de ses équipiers après une course. Qu'il ait gagné ou perdu!»
© Les Sports 2006