CHAUDFONTAINE Huit mois après, tout le monde a encore en mémoire les terribles images de la chute de Rik Verbrugghe dans la 14e étape du Tour de France, Montélimar-Gap, le dimanche 16 juillet. Samedi, le Liégeois va enfin remettre un dossard à l'occasion de Milan-Turin. À quelques jours de sa rentrée, nous avons rencontré Rik Verbrugghe, chez lui, sur les hauteurs de Chaudfontaine où le vainqueur de la Flèche wallonne 2001 coule des jours heureux avec les siens, Valérie, son épouse, et leurs enfants, Daphnée et Jens.
Son accident : "A quelques centimètres près, je passais. J'ai abordé le virage en tête, un peu trop vite même si j'avais vu que le motard qui nous précédait avait freiné. Avec la chaleur, le goudron avait fondu et, sur le bas-côté, il y avait des gravillons. J'ai glissé, Mario (Aerts) qui était dans ma roue a glissé et nos quatre autres compagnons ont glissé aussi. Canada est tombé et s'est cassé la clavicule. Moi, j'ai frappé contre le piquet qui supporte le rail de sécurité et mon fémur s'est brisé en deux endroits. On m'a opéré à Gap. J'ai un clou qui traverse l'os sur toute sa longueur, fixé à la hanche par une vis, et j'en avais deux autres dans le genou. On me les a enlevées au mois de novembre." Sa convalescence : "Le mercredi, on m'a transféré en Belgique. D'abord en ambulance de Gap à Grenoble puis en avion. Ça a été la galère, sur la Route Napoléon. J'étais content de voir arriver toutes les heures pour recevoir ma dose de morphine. J'ai été soigné ensuite à la clinique du Bois de l'Abbaye, à Liège, où je suis resté encore une grosse semaine, puis soixante jours sans pouvoir poser le pied sur le sol. Au début, j'ai pu faire de la kiné légère à Barchon, retrouver un peu de flexion, puis réapprendre à marcher. Aujourd'hui encore, je suis incapable de courir ou de sauter sur mon pied gauche. Ni de me relever tout seul d'une chaise sans me faire aider. Finalement, j'ai de la chance, si je jouais au foot ou au basket, je serais toujours à l'arrêt. Chez Cofidis, on m'a soutenu. Le lendemain de mon accident, on m'a d'ailleurs proposé un nouveau contrat. J'ai eu des contacts tous les jours avec mes employeurs." Sa rééducation : "Il y a quelques jours, Lieven Maesschalck, chez qui j'ai effectué la plus grande partie de ma rééducation depuis novembre, m'a avoué qu'il était surpris que je sois revenu si vite. Moi, je n'ai jamais douté. Le premier jour, à Gap, j'ai songé à Johan Museeuw, au fait qu'après son accident, il a encore eu une belle carrière. Je n'ai eu qu'un coup de blues, c'est quand on m'a enlevé les vis du genou car, du jour au lendemain, je me suis retrouvé à nouveau à zéro. L'avantage, c'est que je savais ce que j'avais. Une fracture, on sait combien de temps cela met pour guérir, même si elles ne sont pas toujours les mêmes. Je vois que Rasmussen, qui s'est brisé le fémur en octobre, a repris bien avant moi. La course, ce n'est pas l'entraînement. On prend des risques, on se touche. Plusieurs fois dans une course, on glisse et on se dit : je l'ai échappé belle." Sa reprise : "J'ai été chez Maesschalck tous les jours, aller-retour Liège-Anvers, puis trois fois par semaine, puis deux... Ça veut dire des séances de 4 à 5 heures, où tous les exercices se font dans la douleur. J'avais perdu 30 % de puissance dans ma jambe et 2 cm de volume. Il m'en manque encore 10 % et 1 cm. J'ai côtoyé Silvio Proto et Alan Haydock notamment. Le soir, je montais sur mes rouleaux et, le samedi et le dimanche, j'en profitais pour rouler sur la route. J'ai recommencé à rouler début décembre, quelques jours avant le premier stage de mon équipe. J'étais impatient : la veille au soir, j'avais préparé mon équipement, comme un débutant qui va à sa première course. Au début, ça m'a fait bizarre. En sortant de chez moi, je suis obligé de descendre une côte à 19 %. J'avais un peu d'appréhension." Ses espoirs : "Lors de la reconnaissance du Volk, la semaine passée, j'ai étonné mes équipiers. Je rêve d'être au Tour des Flandres, que j'avais découvert l'an passé (NdlR : bloqué par la chute collective du Koppenberg, il avait fini 26e). J'ai 9.000 km d'entraînement mais tout en endurance pure. Je n'ai pu refaire de l'intensité que depuis deux semaines. Ce n'est que depuis lors que je me sens enfin bien, que je n'ai plus de gêne au genou, plus de douleur au tendon. Normalement, je roule trois jours, puis je prends un jour de repos et je reprends trois jours. Au début, je devais alterner un jour d'entraînement et un de repos, tellement j'étais fatigué. Après Milan-Turin, je vais enchaîner une course au Portugal, Cholet, le Critérium international, le Tour des Flandres ou celui du Pays basque, Paris-Camembert, l'Amstel, la Flèche, Liège, même si je sais que je ne serai pas encore revenu pour les classiques wallones. Ma meilleure condition, je veux la retrouver au Tour puis à la Vuelta."
© La Dernière Heure 2007