Xavier Jan : « La solidité du modèle français »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Xavier Jan est depuis décembre dernier le nouveau président de la Ligue Nationale de Cyclisme (lire ici). Après la première vague des épreuves professionnelles de début de saison, disputées en France dans le contexte d’épidémie de coronavirus, DirectVelo fait le point avec le Breton.

DirectVelo : Toutes les courses pros françaises de début de saison ont eu lieu. Est-ce un miracle ?
Xavier Jan : Je ne sais pas si on peut parler de miracle. C'est le résultat d'un travail de coordination de tous les acteurs. Les organisateurs ont travaillé dans le cadre sanitaire. La Ligue a joué son rôle dans la relation avec les autorités politiques : le ministère des sports, le cabinet du premier ministre, tandis que les organisateurs étaient en relation avec leur préfecture. C'est le fruit de la volonté, de la détermination et de la responsabilité, fondées aussi sur l'expérience de 2020, alors qu'on s'est retrouvé face à une situation inédite. Il y avait la volonté des organisateurs mais aussi des collectivités locales et la couverture télé. Nous sommes là pour apporter une fenêtre de divertissement. Le message du gouvernement est de maintenir le sport pro. 

Est-ce que ça renforce la place du cyclisme français ?
Les courses ont permis de montrer la solidité du modèle français, la première nation en matière d'organisation, un sixième du calendrier international en temps normal, et du socle européen. Le maintien du calendrier a permis aux équipes de s'exprimer.

« NOUS APPORTONS DU RÊVE ALORS QUE BEAUCOUP DE GENS SOUFFRENT »

Cette crise va-t-elle faire naître une solidarité entre les ligues européennes ?
À l'initiative de la LNC, nous nous sommes concertés avec les Ligues espagnoles et italiennes pour obtenir 23 équipes au départ des Grands Tours. Il y a eu une solidarité qu'on veut à tout niveau. Le message qu'on veut donner c'est celui de l'unité, de tous les acteurs, des coureurs aux organisateurs en passant par les équipes, et de toutes les instances. Je retiens le message de Dave Brailsford à l'annonce des 23 équipes. Il s'est réjoui de cette nouvelle. À partir du moment où l'on peut organiser, il me semble mal venu de ne pas montrer un visage uni et solidaire au public. Nous apportons du rêve alors que beaucoup de gens souffrent, économiquement et sanitairement.

Avez-vous fait le bilan avec les organisateurs de l’application réelle des mesures de huis clos demandées par les préfets ?
Le huis clos était demandé pour les zones de départ et d’arrivée mais les organisateurs n’ont pas l’autorité “régalienne” pour empêcher les gens d’être sur le bord de route, d’autant plus que ce n’est pas simple de canaliser le public quand les arrivées sont en ville. On essaie de faire le maximum et nous n’y sommes pas trop mal arrivés avec les messages au public de ne pas venir au départ ni à l’arrivée. Nous avons préservé les athlètes du grand public même si c’est à l’opposé de tout ce qu’est le vélo.  

« NE PAS VOIR LE MONDE PRO HERMÉTIQUE AU MONDE AMATEUR »

Selon toi, qui as connu la DN avec Super Sport, est-ce que le monde pro connaît bien ce monde amateur ?
Dans la Ligue, il y a beaucoup d’organisateurs d’épreuves pros qui organisent aussi des courses amateurs. Certaines équipes ont des liens avec des clubs de DN. Il y a des échanges, il n’y a pas d’étanchéité. Tous les coureurs pros sont passés par les Amateurs. Je ne suis pas persuadé qu’il faille voir le monde pro hermétique au monde amateur. Et je ne suis pas sûr que le monde amateur ait bien conscience de ce qu’est le monde pro dans ses problématiques quotidiennes. 

Comment leur en faire prendre conscience, alors ?
Il faudra contribuer à mettre en place, avec la FFC, les conditions d’un dialogue élargi, c’est dans l’intérêt de tous. Le monde pro ne s’en lave pas les mains. Plus le monde amateur se porte bien et plus il apportera des talents au monde pro. Et si le monde pro se porte bien, il y aura plus de débouchés pour des talents bien formés. 

LES INDEMNITÉS DE FORMATION : « UNE QUESTION LÉGITIME »

Le sujet des indemnités de formation va-t-il revenir sur la table ?
Ce sujet n’a de sens que si on l’aborde au niveau international avec l’UCI car c’est une question légitime, surtout pour les clubs qui n’ont pas de relation avec les équipes pros. Ce serait contre-productif si on le traite seulement au niveau national. Il y a déjà la question des charges sociales. A salaire égal, un coureur d’une équipe française coûte plus cher. Si, en plus, au moment du recrutement, on alourdit la facture, on va embaucher des étrangers.

Dans le domaine de la sécurité, l’UCI va définir un modèle standard de barrières. La Ligue va-t-elle aider les organisateurs à se “mettre aux normes” ?
Ce sont d’abord les courses WorldTour qui seront concernées et donc principalement des courses ASO qui est déjà équipée, sans faire appel aux barrières des municipalités. Pour étudier la question de la sécurité, nous avons déjà un groupe de travail avec le ROCC et l’UNCP. Nous avons toujours le souci de réduire, encore et encore, les risques et d’accompagner les organisateurs dans la prévention, notamment dans les derniers kilomètres des courses où les risques sont les plus grands.

« FAIRE GAGNER DU TEMPS AU CYCLISME FÉMININ »  

Le regroupement géographique des épreuves prôné par la Ligue pour attirer plus d’équipes étrangères porte-t-il ses fruits ?
C’est le bon chemin mais il est trop tôt pour mesurer son effet et la nécessité de l’amplifier. On va voir ce que ça donne avec deux épreuves de ProSeries, le Tro Bro Leon et le Grand Prix du Morbihan, le même week-end. Et puis en ce début de saison, des équipes WorldTour étrangères ont découvert nos épreuves. Elles ont pu constater leur qualité d’organisation. J’espère qu’elles se souviendront que ces organisateurs ont fait de gros efforts pour accueillir le maximum d’équipes et que l’an prochain, elles privilégieront nos épreuves.

Quelles sont les compétences de la LNC en matière de cyclisme féminin ?
Aucune ! La question se pose dans le futur car on va vers la professionnalisation. La Ligue mène une réflexion commune avec la FFC pour apporter sa contribution au développement du cyclisme féminin. La Ligue ne peut pas être absente de ce débat, sans arrière-pensées. Nous pouvons apporter notre contribution grâce à notre expérience de plus de 30 ans. Nous avons essuyé les plâtres et nous pouvons faire gagner du temps au cyclisme féminin. C’est notre seule motivation.

« LE CHAMPIONNAT DE FRANCE, ÇA SE MÉRITE »

La LNC fait partie de l’ANLSP (l’association des ligues de sport pro) où elle est la seule à ne pas représenter un sport collectif. Avez-vous les mêmes intérêts ?
Nous avons des réunions régulières, encore deux fois cette semaine. Nous avons un grand nombre de points communs. En ce moment, il y a les dispositions sanitaires, les discussions avec les ministères concernés, mais aussi les frais de mise à disposition des forces de police et de gendarmerie. Mais nous gardons aussi notre spécificité.

Le Championnat de France professionnel sera-t-il toujours ouvert aux coureurs de Continentales étrangères qui n'ont pas de contrat pro ?
Le Championnat de France est une co-organisation avec la FFC. La réflexion est en cours avec la FFC. La question se pose sur la participation de certaines équipes. Est-ce que le qualificatif de professionnelle est adapté à ces équipes ? C’est aussi les mettre au même plan avec nos équipes Continentales où les coureurs ont des contrats. Le message est de mettre en évidence que ce n’est pas la même chose. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’athlètes dignes de ce nom dans ces équipes. Mais est-ce que c’est valoriser le Championnat de France professionnel de voir certains coureurs faire deux tours dans le peloton ? Si l’objectif est de faire 50 km dans le peloton, je ne suis pas persuadé que sa place est d’être au départ. Participer au Championnat de France pro, ça se mérite.

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