À l’heure où la saison cycliste 2021 pointe le bout de son nez, plusieurs organisateurs ont d’ores et déjà dû jeter l’éponge, faute à une crise sanitaire qui demeure omniprésente. Si le calendrier connaît quelques premières évolutions, Yvon Madiot, directeur du pôle Sport au sein de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, se veut néanmoins optimiste au moment de faire un point sur la situation, à moins d’une semaine de la première course professionnelle sur le territoire hexagonal.

Yvon, quelles sont, à date, les annulations dont vous avez connaissance pour le début de saison. Et avec quelles conséquences ?

Pour le moment, nous concernant, il nous faut faire face à l’annulation du Tour d’Algarve, qui est normalement reporté en mai. Nous avons également appris l’annulation pure et simple, pour le coup, du Circuit de la Sarthe au mois d’avril. Cette dernière a notamment une incidence sur le programme d’Arnaud Démare. Mais de manière générale, il y a évidemment un risque pour toutes les courses qui se profilent, selon les restrictions qui seront annoncées cette semaine. Peut-être n’aurons-nous pas de courses du tout, ou du moins pas l’opportunité de nous y rendre. Ceci étant dit, on garde confiance. Les courses de reprise que sont Le Grand Prix La Marseillaise et l’Etoile de Bessèges ont l’air de bien avancer. Sur un autre front, nous avons le Tour de la communauté de Valence. Il y a eu une course dans cette zone le week-end passé et ils ont seulement eu à relocaliser l’arrivée à l’extérieur de la ville. Il est d’ailleurs possible qu’on assiste à ce genre d’aménagements récurrents concernant les arrivées, afin de ne pas les situer en ville. Pour ce qui est du Tour d’Algarve, ce devait être la rentrée des coureurs de Classiques. C’est le seul point problématique pour le moment. C’est dommageable, certes, mais c’est gérable. Cela va simplement bouleverser le programme de quelques coureurs. Certains ne pourront pas faire leur rentrée aux dates prévues et d’autres devront changer de front.

« Le château de cartes ne doit pas s’effondrer »

Vous étiez-vous préparés à ces éventuelles annulations ?

Oui et non, dans le sens où nous avons quand même souhaité rester sur les bases de la fin d’année passée, où le programme s’est déroulé comme prévu et les compétitions ont eu lieu quasi-normalement. On pensait que ce serait de même pour la reprise, qu’on repartirait sur le format des bulles, des tests, et des protocoles qui ont fait leurs preuves. Nous sommes naturellement conscients que tout peut s’arrêter, mais nous nous voulions, et nous nous voulons toujours optimistes. De toute manière, il aurait été impossible de mettre en place un plan B voire un plan C. Il n’y a pas énormément de courses en début de saison, donc nous n’avons même pas la possibilité de le faire. En revanche, c’est aujourd’hui qu’il faut savoir faire preuve d’adaptabilité et être prêt à réagir aux diverses annonces. Nous avons imaginé des scénarios dans le cas où les compétitions seraient maintenues. Nous n’en avons pas, en revanche, si le confinement général et strict est prononcé. Ce serait très difficile d’arrêter les coureurs en février. Ils n’ont pas du tout couru, ils ont fait des stages de préparation et se sont investis tout l’hiver. Ce serait la pire des choses. On préfère ne pas l’envisager, mais c’est dans un coin de nos têtes. De toute façon, nous n’avons pas la main sur ces décisions, nous sommes donc dans le devoir et l’obligation d’agir comme si la majeure partie des compétitions allait bel et bien avoir lieu. Ce serait trop dangereux de faire l’inverse, à savoir se dire : « de toute façon on va être confinés, à quoi bon ? ».

L’envie de compétition supplante aujourd’hui l’appréhension ?

On est tous compétiteurs, y compris nous directeurs sportifs. On ne va pas non plus dire « il n’y a pas de problème », car ce n’est pas vrai. Mais on est confiants et on est prêts à courir. C’est un peu le mot d’ordre général. Il vaut mieux être dans ces dispositions-là, même s’il faut ensuite accepter une annulation et un retour à la case départ. C’est le message que nous faisons passer aux coureurs. Aujourd’hui, tout est mis en oeuvre pour que nous soyons opérationnels pour les compétitions ; la préparation, l’intendance, tout est en marche. Nous sommes confiants, nous agissons, tout en étant prêts à encaisser une mauvaise nouvelle. Le château de cartes que nous avons bâti ne doit pas s’effondrer si une course est annulée. On agit pour être dans les meilleures dispositions le jour J, et on réagira s’il y a nécessité. À ce titre, nous essayons d’être proches de nos coureurs et de leur exposer notre plan de marche s’il devait y avoir un retard à l’allumage. On est maintenant moins stressés de ce point de vue. On sait aussi qu’on peut ne pas courir mais être en forme pour la reprise. On est aussi en mesure de changer nos équipes rapidement. Notre logistique nous le permet. On a moins d’appréhension vis à vis des difficultés qui peuvent se présenter.

« Nous sommes bien moins sous pression »

2020 a été source de nombreux enseignements dans la gestion de pareilles situations ?  

Cela nous a certainement aidés. Nous sommes moins en panique. L’an passé, on passait notre temps entre directeurs sportifs et entraîneurs à remodeler les programmes, pour apprendre deux jours plus tard que telle épreuve était annulée ou déplacée. Aujourd’hui, nous avons les grandes lignes en tête, nous pensons que les grandes courses auront lieu, et nous sommes bien moins sous pression. On a aussi acquis la certitude que même sans participer à telle ou telle course, les coureurs pouvaient être compétitifs à la première occasion grâce aux méthodes d’entraînement dont on dispose désormais. C’est aussi pour cette raison que nous voulons nous inscrire dans une perspective positive : on sait qu’on pourra gérer les changements de programme, notamment de par l’expérience de l’année passée. On s’est aperçu qu’on avait bien géré le premier confinement, nous avons donc une grande confiance de ce point de vue. On sait très bien que si annulation il y a, on saura réagir et garder nos coureurs en forme. Je ne suis pas inquiet du tout pour le volet physique. Nous avons le recul de l’an passé et les compétences pour y faire face. Le point plus délicat à gérer, en réalité, pourrait être le mental. Ce sera à nous de nous assurer que les coureurs ne fléchissent pas. Peut-être que certains subiront deux annulations consécutives et devront continuer de s’entraîner sans courir. Il faudra être là pour en discuter avec eux de sorte à ce que le château de cartes ne s’écroule pas.

Quoiqu’il en soit, la préparation semble battre son plein actuellement.  

La préparation n’a jamais été soumise à la crainte de telle ou telle annulation. On se doit d’être prêts, peu importe l’importance, le lieu ou le niveau de la compétition. Nous avons mis en place des stages à la carte. Cette année encore plus que d’habitude. Nous adaptons nos stages en fonction des qualités propres de nos coureurs. Nous nous sommes aussi adaptés vis à vis du nombre. Nous ne voulions pas nous retrouver à une centaine, malgré l’aspect pratique et les bénéfices que cela comporte. Il aurait non seulement été difficile de trouver des hôtels suffisamment grands, mais surtout, cela aurait été délicat à gérer. Il y aurait eu une pointe de risques, et ce n’est pas le moment d’en prendre. D’où notre idée de proposer ces stages à la carte. Pour nous, c’était la chose la plus prudente à faire d’un point de vue sanitaire pour nos coureurs, pour le staff et pour l’ensemble de nos employés. Les groupes sont donc bien moins conséquents mais nous avons conservé la même politique de dépistage, le même protocole. Nous reproduisons la « bulle course » lors des stages, et plus petite est la bulle, plus elle est simple à gérer. Si une personne venait à tomber malade, nous n’aurions pas à en isoler 80 autres. On limite ainsi le brassage. Logistiquement, cela a évidemment été un peu plus compliqué que d’habitude à organiser, notamment prévoir des véhicules un peu partout à des dates différentes, mais c’est aussi à ce prix-là qu’on peut assurer au mieux la sécurité de nos coureurs.

Si les annulations de courses affectent naturellement les équipes, elles affectent en premier lieu les organisateurs eux-mêmes…

C’est certain, et on pense forcément beaucoup à eux. Ce n’est déjà pas simple d’organiser une course cycliste en temps normal. Beaucoup de choses entrent en ligne de compte. Si en plus viennent s’accoler à ça des restrictions sanitaires importantes, on imagine facilement les difficultés auxquelles ils peuvent faire face. Je pense à ceux qui ont fourni un travail colossal mais qui sont, comme en Algarve, obligés de renoncer trois semaines avant. L’investissement a été énorme, les organisateurs ont sûrement eu des nuits agitées, et ce doit être un crève-cœur de voir tout s’envoler. Il faut rappeler que très souvent, les organisateurs sont des bénévoles, surtout pour les plus « petites » courses. Ils prennent des responsabilités simplement pour le plaisir du cyclisme et l’amour du vélo. Il ne faut pas oublier que ces personnes travaillent beaucoup pour peu de retours, voire aucun dans une période comme celle-ci. Nous avons une grosse pensée pour eux. Ce qui est en tout cas certain aujourd’hui, au vu de la situation, c’est qu’un organisateur qui aura réussi à maintenir sa course sera à peu près assuré d’avoir un plateau de très haut-niveau.

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2 commentaires

Courapied

Courapied

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Le 26 janvier 2021 à 17:18

Dimanche la victoire

Courapied

Courapied

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Le 26 janvier 2021 à 17:17

Bonne route 2021