Interview. Cyril Barthe "Aujourd'hui, le but est aussi de ne pas se lasser mentalement "

Interview. Cyril Barthe "Aujourd'hui, le but est aussi de ne pas se lasser mentalement "

Interview. Cyril Barthe "Aujourd'hui, le but est aussi de ne pas se lasser mentalement "

Après un début de carrière prometteur de l'autre côté des Pyrénées, au sein de la Fondation Euskadi en amateurs, puis un passage réussi chez les professionnels avec la défunte Murias, Cyril Barthe porte depuis cet hiver les couleurs de la formation BB& Hotels-Vital Concept. Cet espoir du cyclisme français nous raconte comment il vit la période actuelle, entre patience et réalisme.

Dans quel état d'esprit es-tu après ces trois premières semaines de confinement?

Disons que ça commence à être un peu long, mais la situation est difficile pour tout le monde, alors il faut prendre son mal en patience. Sinon ça va plutôt bien mentalement.

Le Home-Trainer est devenu le compagnon indispensable du coureur en ce moment. Peux-tu nous raconter, comment se passe tes entraînements? Quelle est ta journée type?

Le Home-Trainer est indispensable pour nous en effet. Une journée type commence par une petite séance à jeun, d'une demi-heure, entre 8h et 9h. Ensuite vers midi, je fais une séance d'1h30 avec des intensités ou des exercices de force, pour essayer de rester dans le coup. Enfin l'après-midi, je fais souvent un peu de musculation et de renforcement pour terminer la journée.

Malheureusement si on peut travailler le spécifique sur Home-Trainer, le foncier va rapidement manquer...

Pour l'instant on ne s'en rend pas trop compte. Là je fais donc des séances d'1h30, maximum 2h, mais le manque de foncier se verra au moment de la reprise. C'est sûr que les premières fois où on va dépasser les 4h d'effort on le ressentira, mais je pense qu'il y aura un temps d'adaptation et ça viendra naturellement.

Certains coureurs n'hésitent pourtant pas à s'offrir de longues séances sur Home-Traineur tandis que des entraîneurs mettent en garde, notamment par rapport à un risque de saturation, physique et mental.

Il faut bien sûr se maintenir en forme, mais aujourd'hui, le but est aussi de ne pas se lasser mentalement, de garder de la fraîcheur de côté là, pour ensuite embrayer comme il faut quand on pourra reprendre la route. Je pense que ces coureurs qui font de longue séances, voire des défis personnels, le font peut-être moins dans une optique d’entraînement pur, mais plutôt pour se faire plaisir et avoir des petits objectifs, pour que la période passe plus vite.

Pour ce qui est des entraînements justement, tu restes en contact avec le staff, malgré le chômage partiel dans l'équipe? Avec les coéquipiers aussi, j'imagine?

Avec les coéquipiers, on a la chance de faire des meetup sur Zwift, deux fois par semaine. Cela permet de se retrouver un peu, de rester en contact de manière divertissante tout en s’entraînant. Même si c'est virtuel, c'est toujours plus agréable que de rester seul dans son coin. On garde aussi des contacts avec le staff, malgré la situation actuelle et tout le monde reste motivé. On essaie tous de passer ce moment le mieux possible.

Qu'est-ce qui est le plus dur finalement? D'être seul dans son coin? D'essayer de trouver la motivation sans connaître la moindre date de reprise?

Déjà en tant que cycliste professionnel on a un métier qui restreint beaucoup de choses, notamment les sorties. Cela tourne finalement autour de l’entraînement, de la récupération, de la diététique. Là c'est un peu la même chose, même si c'est de manière plus extrême. C'est peut-être pour ça que mentalement, on le vit peut-être plutôt bien. Après pour la motivation, ne pas connaître de date de reprise, c'est peut-être ça le plus dur, ne pas pouvoir planifier ses entraînements par rapport à des objectifs de course. Je pense qu'il faut essayer de se faire plaisir sur le vélo en ce moment, l’entraînement détaillé en fonction d'objectifs viendra après, quand on en saura plus sur le calendrier.

Tous les pays ne sont pas à logés à la même enseigne en matière de confinement et certains coureurs peuvent s’entraîner sur route. N'y a-t-il pas là une forme d'injustice?

C'est sûr que tous coureurs français aimeraient pouvoir aller s’entraîner sur la route, mais nous avons des règles, il faut les respecter, prendre son mal en patience et faire du mieux possible en restant chez soi.

Pascal Chanteur, le président de l'UNCP, voudrait un assouplissement pour que rapidement, les coureurs professionnels puissent exercer leur métier et s’entraîner sur la route. Qu'en penses-tu?

De toute manière on se pliera aux règles et c'est notre équipe aussi qui nous dira ce qu'il faut faire. On verra bien si ce sera accepté ou non, mais je crois qu'il n'y a pas encore de réponse, donc pour l'instant bien entendu on continue de la même façon.

Cette année est, en principe, celle du premier Tour de France pour BB&Hotel-Vital Concept, mais le flou règne sur la suite du calendrier et la situation risque de fragiliser des équipes comme la tienne. Ce n'est pas trop difficile de faire abstraction de ce contexte?

Le problème c'est qu'on ne sait encore rien sur la suite. Est-ce qu'il y aurait des courses avant le Tour ou pas? Forcément ce n'est pas évident mais on a pas le choix, faut faire avec, essayer de passer le mieux possible cette période, c'est comme ça qu'on pourra continuer à avancer.

Pour un coureur en pleine progression comme toi, la situation doit être encore plus frustrante?

Oui c'est frustrant, mais ça l'est pour tout le monde, pour les amateurs qui rêvent de passer pro, pour tous les coureurs professionnels qui font des sacrifices pour bien faire leur travail et réussir leur saison. Il faut voir toujours le côté positif et se dire que ça ira mieux d'ici quelque temps, j'espère.

Ce dimanche a eu lieu un premier Tour des Flandres virtuel. Est-ce anecdotique ou cela préfigure-t-il quelque chose du cyclisme de demain?

Il faut prendre ça avec un peu de recul. Je pense que ça reste un amusement avant tout, ça permet de divertir les gens avec une autre façon de faire du vélo, surtout en cette période compliquée.

Revenons sur ton début de saison, comment l'avais-tu vécu?

On avait fait une très bonne préparation hivernale avec l'équipe. Ensuite j'ai couru principalement en France et ça se passait bien. La forme montait crescendo, l'ambiance était très bonne dans l'équipe, où je me suis bien intégré. Malheureusement, j'ai pas eu le petit truc pour aller chercher la bonne place, celle qui marque, mais j'ai pu aussi travailler pour l'équipe, comme à Paris-Nice, où je l'ai fait pour Bryan Coquard. J'ai pris du plaisir sur ce début de saison en tout cas.

Un mot sur ce Paris-Nice un peu particulier?

Oui c'était particulier en effet, il y avait ce virus qui commençait à arriver, on en parlait beaucoup, on se demandait si la course allait se terminer et après il y a eu ce huis-clos. On courrait surtout au jour le jour, on a quand même essayé de faire au mieux même si on a su qu'au dernier moment qu'on allait participer, donc la préparation n'était pas optimale.

Pour conclure, en dehors du vélo, comment-occupe ton temps?

J'en profite surtout pour regarder des reportages sur la montagne et apprendre sur ce milieu qui me plaît beaucoup, chose que je n'ai pas toujours le temps de faire en temps normal.

Propos recueillis par Ximun Larre (Crédit photo: Franz-Renan Joly / B&B HOTELS - VITAL CONCEPT)

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