Pierre Almeida : « Je ne me vexe pas »

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Longtemps coureur du Team Pro Immo Nicolas Roux et désormais sociétaire de Charvieu-Chavagneux IC, Pierre Almeida n’a pas le temps de s’ennuyer en cette période de confinement. L’ingénieur d’études dans une entreprise d’énergies renouvelables, actuellement en télétravail, est l’un des meilleurs français sur les plateformes de courses virtuelles. Il fait ainsi partie de ces coureurs amateurs qui ont récemment battus plusieurs professionnels de renom sur home-trainer. Comment cette situation est-elle possible ? Quels sont les principaux codes à comprendre pour espérer performer sur ces courses virtuelles ? Quelle valeur accorder à ces classements ? DirectVelo fait le point avec celui qui s’est imposé à cinq reprises chez les Élites par le passé.

DirectVelo : Quand et comment as-tu découvert les plateformes virtuelles ?
Pierre Almeida : C’est assez récent puisque j’ai commencé en janvier 2019. Comme je travaillais déjà en parallèle de ma pratique cycliste, j’ai décidé de m’y mettre pour adapter mes séances d’entraînement. Quand tu rentres du travail à 17-18h l’hiver, ce n’est pas possible d’aller ensuite rouler. Alors je me suis mis au home-trainer régulièrement. Et au final, c’est hyper prenant ! C’est vraiment de la réalité virtuelle. On est vite plongé dedans. Les efforts paient. Il faut faire attention de ne pas trop en faire car au bout d’un moment, on est tellement pris au jeu que l’on a envie de faire des courses tous les deux jours, voire plus encore. Mais ça reste des efforts éprouvants.

« ON APPREND LES CODES AU FUR ET À MESURE »

Tu es actuellement l’un des coureurs français les plus performants sur ces plateformes virtuelles. Était-ce le cas dès tes premiers tours de roue sur home-trainer ?
Pas du tout. Je me rappelle bien de ma première compétition à la maison. J’étais d’ailleurs avec Gaëtan Lemoine, et j’avais pris une raclée. Je n’étais pas du tout habitué. Il faut du temps pour comprendre tous les rouages. D’ailleurs, même au bout d’un an et quelque, je ne les ai pas encore tous. Il y a de vrais spécialistes comme Mathieu Drujon. C’est comme lors des “vraies” courses de vélo ; on apprend les codes au fur et à mesure. Il y a une certaine technique et un certain coup de pédale à prendre pour performer et pour faire moins d’efforts lorsqu’il n’est pas nécessaire d’appuyer comme un bourrin.

Quelles sont les principales clefs pour espérer gagner des courses virtuelles ?
Tout d’abord, il faut comprendre que les départs sont très particuliers. Le placement en début de course est primordial. En gros ; ça part à bloc, comme en cyclo-cross. Pour le reste, il ne faut jamais se retrouver tout seul. Le phénomène d’aspiration est accentué par rapport à ce qui se fait dans la réalité, sur la route. Si tu te retrouves seul dans la nature, tu ne pourras jamais revenir sur un groupe de dix coureurs et boucher le trou. Même si tu es le plus fort du peloton sur le papier. Les descentes sont importantes aussi. Il faut toujours rester au contact. Si tu es seul, là aussi, tu vas te faire perforer par des groupes qui arrivent lancés de l’arrière. Il faut toujours faire attention à son placement. Si tu perds le contact avec un groupe, c’est rédhibitoire. Je parlais à l’instant de la similitude avec le départ d’un cyclo-cross mais en fait, on peut même dire que l’ensemble de la course ressemble plus à un cyclo-cross qu’à une course sur route. D’ailleurs, beaucoup de courses se font sur une petite heure, comme en cyclo-cross.

Comment peut-on s’assurer de rester bien positionné ou de ne pas se faire lâcher d’un groupe ?
Il faut se baser sur les données de puissance des autres, que l’on peut voir. C’est aussi beaucoup une question de concentration. Lorsque tu es sur le point de perdre les roues, tu es averti par l’application. Il ne faut pas se déconcentrer pendant vingt secondes sinon, c’est cuit. Mais bon, sur une heure de course, ce n’est pas très dur de rester concentré.

« JE COMPRENDS LA FRUSTRATION DE CERTAINS »

Ces derniers jours, certains coureurs professionnels de renom ont été dominés lors de courses virtuelles. Des coureurs amateurs, ou de simples cyclos, ont été accusés de “tricherie”. Comment analyses-tu ce phénomène et qu’as-tu envie de répondre à ces propos ?
Je ne prends pas à coeur le fait que l’on puisse m’accuser de tricherie. Je ne me vexe pas, ça me fait même plutôt rire. Les pros dominent leur discipline sur la route mais ici, c’est un autre environnement qu’ils ne connaissent pas. Sur le coup, on s’imagine peut-être des choses en se lançant dans des courses virtuelles mais on se rend vite compte que ce n’est pas si évident que ça… Je comprends la frustration de certains. Je ne le prends pas mal. Forcément, ça fait bizarre d’être battu par des amateurs. Le format de course sur les plateformes, où les épreuves les plus longues font 85 kilomètres, ne correspond pas très bien aux qualités des pros. Mais surtout, comme je le disais précédemment, c’est une question d’habitudes. S’ils s’y mettent régulièrement, ils seront vite en haut des classements.

Comprends-tu que certains prennent les résultats de ces courses très à cœur ?
Disons qu’à partir du moment où tu te mets à bloc, même si tu es d’abord là pour te faire plaisir, il y aura forcément une part de frustration si tu te fais taper dessus. Il peut même y avoir une certaine aigreur. Ce n’est jamais facile à vivre, même si c’est du virtuel et il ne faut pas l’oublier. Dans tous les cas, ça se fait quand même à la force du jarret, et donc comme je le disais, à l’expérience. Mais c’est vrai que j’ai le sentiment qu’il ne faut pas grand-chose pour mettre le feu aux poudres... Sur une confrontation directe entre pros et amateurs, ça peut chauffer.

Tes résultats lors de courses virtuelles te rendent-ils fiers, sont-ils un minimum comparables à ceux acquis sur l’asphalte ?
Pour ma part, non, ça n’a rien à voir avec une performance sur route. Tout cela ne reste que du virtuel malgré tout. Il n’y a ni l’approche, ni l’engouement d’une vraie course de vélo. Bien sûr, ça fait toujours plaisir de gagner et de franchir une ligne d’arrivée en premier, mais ça n’a rien à voir… Je préfère quinze fois gagner “en réalité” que sur home-trainer.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Pierre ALMEIDA