Julien Thollet : « Maintenir un lien social à distance »

Crédit photo Aurélien Regnoult - DirectVelo

Crédit photo Aurélien Regnoult - DirectVelo

Mi-mars, Julien Thollet devait regrouper deux groupes de dix coureurs au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (lire ici). “J'ai rapidement annulé quand ça a commencé à se tendre avec le coronavirus, avant même le confinement”. Ce rassemblement devait être une revue d'effectif. “Je partais cette année pratiquement d'une feuille blanche car j'avais retenu peu de J1 l'an passé. C'était donc nécessaire de rencontrer les coureurs pour faire connaissance, mais ça n'a pas pu se faire”. Alors, depuis deux semaines, le sélectionneur de l’Équipe de France fait connaissance avec les coureurs au téléphone. Et tente de les rassurer, comme il l'explique à DirectVelo.

DirectVelo : Quel discours tiens-tu aux coureurs que tu as au téléphone actuellement ?
Julien Thollet : Tout d'abord, je prends de leurs nouvelles. C'est la chose principale car le reste est actuellement accessoire. Comme beaucoup d'acteurs du monde du vélo, nous sommes dans l'incertitude. Le calendrier se réduit comme peau de chagrin. Les opportunités se réduisent pour voir évoluer les coureurs ou leur faire prendre de l'expérience et les former sur des courses internationales. Ils auront moins de possibilités de courir avec l’Équipe de France. Certains coureurs m'en parlent. Les J2 sont forcément plus affectés. Ceux qui regardaient du côté des Classiques ne pourront pas les vivre. C'est une de leurs déceptions...

« SE RACCROCHER À D'AUTRES CHOSES »

Que peux-tu dire pour les rassurer ?
Au niveau de la FFC, concernant l'activité des jeunes, on essaie d'anticiper cette sortie de crise. C'est l'exercice le plus difficile car on n'a pas de date. Chez les jeunes, il faut se caler sur le calendrier scolaire. Il faudra voir quand les établissements vont réouvrir. À partir de là, on pourra reconstruire. On se doute qu'il y aura une baisse de niveau de forme, il faudra une période « tampon ». On n'arrive pas à mesurer la perte de repères d'un point de vue technique. Aujourd'hui, ils ne pilotent plus leur vélo même si c'est encore plus difficile en VTT ou BMX. Il faudra un temps de reprise pour cela également. Au niveau de la route, on regarde surtout vers les Championnats internationaux. Mais il faudra voir comment l'Italie du Nord, où doit avoir lieu en septembre le Championnat d'Europe, va sortir de cette crise.

Le problème est qu'on ignore la date de reprise...
C'est la grande difficulté mais en tant qu'adulte, on doit pouvoir donner des points de repères. On peut fixer le cadre mais je leur explique tout de même que ça reste nouveau pour tout le monde. Personne n'a vécu cette situation. Au fil des entretiens, mon discours évolue un petit peu. Un des bons points de repères peut être le Championnat de France de l'Avenir, fin juillet. Ils doivent se raccrocher là-dessus. Cet après-midi, j'étais au téléphone avec un coureur quand j'ai lu sur DirectVelo que la Classique des Alpes était annulée. Il a pris un coup sur la tête. Mais il faut se relever après ce type de déception et se raccrocher à d'autres choses.

Cette période peut-elle freiner la progression des coureurs à moyen terme ?
Je ne pense pas qu'il y aura un impact. Les coureurs s'entretiennent. Bien sûr, on fait en sorte que les charges de travail soient progressives en Cadets/Juniors. Cette période est un frein à leur progression mais ils pourront le gommer assez rapidement. Je n'ai pas trop d’inquiétude de ce côté-là même si c'est difficile à mesurer. Il faut comparer la situation à un coureur qui revient d'une « grosse » blessure. Il lui faut un peu de temps mais il revient à son niveau ensuite. 

« ON NE PEUT PAS COMPARER AVEC LA TRÊVE HIVERNALE »

Les J2 semblent inquiets pour la suite (lire ici)...
Les coureurs sont inquiets de ne pas pouvoir montrer leur valeur pour un futur recrutement par une DN. Ils ont la crainte de ne pas être dans les radars des équipes professionnelles. Je les rassure par rapport à ça car le système va se réorganiser. Les recruteurs ont la même crainte. 

Un coureur pourrait aussi craquer et arrêter le vélo...
Ma plus grande crainte est de voir des jeunes se démotiver. Le risque de voir un coureur arrêter existe mais je ne veux pas tomber dans la sinistrose ou noircir le tableau. Notre responsabilité est d'y penser dans nos réflexions. Chaque club ou structure doit maintenir un lien social à distance. Un Cadet ou Junior, il vibre pour la compétition alors il peut abandonner la pratique car il n'a plus rien à se mettre sous la dent. Le rôle des éducateurs est important dans ces cas-là.

As-tu parlé à un coureur que tu as senti proche de craquer ?
Je suis dans la position du sélectionneur. Certains me vouvoient, ce qui me rappelle mon âge (sourires). Il y a donc de la distance et de la pudeur. Mais personne ne m'a dit qu'il était au fond du trou. Ils sont bien occupés par le lycée. Les entraîneurs ont aussi pris le relais. Bien sûr, certains me disent que le home-trainer les gonfle mais ils ne sont pas démobilisés. La principale question est toujours la même : « Quand est-ce qu'on reprend ? ». Mais je n'ai pas la réponse. Contrairement à ce que j'ai pu lire, on ne peut pas comparer avec la trêve hivernale. Là, on ne sait absolument rien sur la suite.

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