Interview : Loic Chetout, la vie d'après

Interview : Loic Chetout, la vie d'après

Interview : Loic Chetout, la vie d'après

Loic Chetout a quitté le cyclisme professionnel il y a quelques mois, laissant à sa carrière un goût d'inachevé. L'heure est désormais à la reconversion pour celui qui fut un équipier fidèle et dévoué, désormais déterminé à retrouver le fil de sa vie d’homme, tout simplement.

C'est un jeune homme à l'allure soignée, qui s'avance sous les arceaux de la mairie de Bayonne, parmi un flot d'anonymes ne sachant encore qu'il vit là ses derniers moments de liberté avant de longues semaines de confinement. Loic Chetout n'est plus coureur cycliste professionnel. Le mercato réalisé par Cofidis aura fait des dommages collatéraux, que le coureur bayonnais n'aura pu voir venir à temps pour espérer trouver un contrat ailleurs. Sur la terrasse d'un café, l'ancien professionnel prend le temps de se confier sur ses projets en cours et sa manière d'aller de l'avant.

Cinq mois après la fin de sa carrière, l'heure ne semble pas aux regrets. "Pour l'instant je revis, si j'en ai ça sera plus tard peut-être, quand je verrai mes copains à la télé. J'ai eu ma chance de passer pro, voilà ça s'est arrêté, mais j'ai su rebondir immédiatement, me redonner des objectifs", assure d'emblée le bayonnais. Une certitude pourtant. "Physiquement, j'avais ma place encore quelques années". Par pudeur il n'en dira pas plus, mais l'amertume semble néanmoins palpable concernant une sortie de route qui restera à jamais prématurée.

Au volant en Arabie Saoudite

Pour autant, Loic Chetout n'en a pas terminé avec le vélo. Les suiveurs présents sur le Tour d'Arabie Saoudite, en février dernier, ont sans doute eu la surprise de le croiser au volant d'une voiture pour le compte d'ASO. "Tout le monde pensait que ça allait me faire bizarre d'être de l'autre côté, mais au final c'était génial". Un petit séjour lui ayant permis au passage de constater "les inégalités de ce pays riche". Et aussi de réaliser que l'on peut vite tomber dans l'oubli. "J'ai été surpris, à partir du moment où tu n'es plus coureur, beaucoup ne te reconnaissent plus. Au fond ça m'est égal, on voit les personnes avec qui on avait de vrais affinités, c'est le cas d'un certain nombre de coureurs heureusement". Une expérience qu'il espère renouveler, mais reste évidement suspendue à la suite des événements d'un printemps où le sport semble presque dérisoire.

Lorsqu'il était coureur professionnel, Loic Chetout était plutôt à l'aise devant une caméra ou un micro. Pas étonnant qu'on le retrouve donc bientôt sur le net, via un média parlant vélo sur un mode plutôt décontracté lui allant parfaitement. A vos écrans donc.

La moto, plus qu'une passion

Sa grande passion reste la moto. Son ami Julien Loubet, ancien coureur professionnel, entre autres, d'AG2R, Fortuneo Vital-Concept ou de l'Armée de Terre, possédait déjà à Bidart une affaire de location de vans, Blacksheep-van Pays Basque. Ce dernier l'a convaincu de s'associer avec lui afin d'élargir le concept et louer des motos pour des ballades en week-end ou des road-trips. En créant avec son compère la société Bee Wild (qui compte aussi deux agences, à Grenoble et Marseille, et aimerait devenir à terme une franchise), Loic Chetout joint ainsi l'utile à l'agréable, lui pour qui la moto est un mode de vie. "Cela fait partie intégrante de moi, je continue aussi à travers mon association, Bivouac et Saucissons, où l'on cherche à se faire plaisir et voyager entre potes".

Désormais cette image de motard ne risque pas de lui nuire, comme cela pu être parfois le cas dans le passé. Lui qui clamait pourtant haut et fort "j'ai une dégaine de rockeur, mais une vraie vie de curé", lui dont les sacrifices étaient constamment à la hauteur des exigences du métier, souffrait en silence d'une image ayant le seul tort de sortir des sentiers battus, dans un univers encore largement conservateur. Lui qui avait fait siens ces mots de Kurt Cobain, repris volontiers ensuite par Peter Sagan : "Ils se moquent de moi parce que je suis différent. Je me moque d’eux parce qu’ils sont tous pareils".

Pas le genre fainéant

Même s'il n'est plus coureur professionnel, l'homme n'est pas du genre à s'avachir des heures durant sur son canapé. "Je vais à la salle tous les jours, je fais de la muscu, je m'entretiens. J'ai repris la course à pied aussi mais j'ai eu une blessure". Et le vélo dans tout ça? "Je n'y ai pas touché depuis un mois et demi, la dernière fois c'était avec Christophe Laporte, lorsque j'ai été chez lui, il m'a fait faire 4h, j'étais mort, j'ai dit stop", lâche-t-il en rigolant. Le plus dur, pour un ancien pro est sans doute de perdre certains réflexes, d'envisager le sport différemment. " Il faut que j'arrive à me centrer sur le sport plaisir et non plus sur la performance, comme je l'ai fais depuis 15 ans".

A l'heure de la reconversion, Loic Chetout ne semble pas démuni et c'est déjà une victoire en soi, quand après leur carrière, tant d'anciens sportifs de haut niveau peinent à donner un nouveau sens à leur vie. "Disons que j'avais d'autres passions derrière. C'est aussi important pendant la carrière qu'après, cela aide à voir autre chose. Je pense que le vélo avait une part dans ma vie, différente que pour certains, il n'était pas en soi la ligne directrice de ma vie. Je le dis souvent, j'aurais pu faire un autre sport et je m'y serai tout autant investi". Les paroles d'un homme résolument optimiste, bien décidé à réussir cette nouvelle page de son existence.

Interview et crédit photo par Ximun Larre

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