Interview : D.Fofonov : "Les années précédentes, on pensait surtout aux grands Tours"

Interview : D.Fofonov : "Les années précédentes, on pensait surtout aux grands Tours"

Interview. Dmitriy Fofonov : "Les années précédentes, on pensait surtout aux grands Tours"

Impressionnante depuis la reprise, l'équipe Astana Pro Team n'en finit plus d'enchaîner les victoires. L'occasion pour nous de revenir sur le début de saison de la formation kazhake avec son manager Dmitriy Fofonov.

Astana compte d'ores et déjà 13 victoires alors que nous terminons à peine le mois de février. Auriez-vous imaginé un si bon début de saison ?

Imaginer un tel début de saison, non. On s'est bien préparé à l'intersaison et notamment lors des deux camps d’entraînement pour être prêts dès le début de l'année. Après, le niveau de nos coureurs nous permet de gagner un peu partout.

Historiquement, c'est le meilleur début de saison de l'équipe...

Tout à fait. Mais les années précédentes on était surtout axé autour d'un grand leader (Nibali, Aru) et on préparait les grands tours. On repoussait donc notre préparation en fonction de ces échéances et on partait plus doucement. Là, depuis quelques années on a changé. On a tout d'abord renforcé l'équipe sur les classiques, on a pris des coureurs rapides capable de passer les bosses. Puis on a surtout rajeuni l'équipe. À l'époque, je me souviens que beaucoup se posaient des questions. Qu'est-ce que ça va donner ? Il a fallu deux à trois ans pour voir la différence et on en récolte les fruits aujourd'hui.

L'an dernier, déjà, on a été bien présents. Sur les courses à étapes et sur les classiques même si c'est dommage que Valgren soit parti. Mais bon, on a Magnus Cort qui est là et d'autres jeunes qui poussent. Tout ça fait qu'il y a une bonne dynamique. L'équipe est bien visible et on attend la suite avec impatience. Même si on a conscience que les courses World-Tour n'ont pas encore réellement commencé et que nous sommes que sur les courses de démarrage.

L'arrivée des frères Izagirre a considérablement renforcé votre potentiel pour les courses à étapes...

C'est ça. Ils avaient fait pas mal de podiums l'an dernier et je pense qu'ils ont chez nous plus d'espace. Ce sont des coureurs capables de gagner des courses à étape d'une semaine. On les a séparé un petit peu et ils ont gagné chacun de leur côté.

Ils ne pouvaient, en effet, rêver meilleur début...

Je n'étais pas sur ces courses là, mais je les ai appelé pour les féliciter. Ils sont bien motivés et apportent de la confiance et des garanties à l'équipe.

L'accent a été mis à l'intersaison sur le contre la montre avec notamment l'arrivée d'Ivan Velasco. Cela semble déjà porter ses fruits comme on l'a vu sur les chronos à Valence ou sur la Ruta del Sol...

Il avait déjà commencé à travailler avec nous l'an dernier à partir du Tour de Suisse. Il a pris part à tous les tests techniques avec Corima et Argon. Il est plus impliqué cette année. On sait qu'à ce niveau tous les petits détails comptent. Pour revenir à ces chronos, c'était en plus particulier car ils étaient décisifs pour le général.

En tant qu'équipe Kazakh, il est important pour vous d'avoir un coureur local capable de jouer les premiers rôles. À ce titre, les victoires d'Alexey Lutsenko à Oman doivent vous faire plaisir ?

Oui, c'est une période de l'année où il marche très bien. Il s'est très bien préparé. Ses objectifs sont un petit peu plus loin, on ne voulait pas le pousser. Mais bon, c'est un coureur sérieux et on avait déjà vu au camp d'entraînement qu'il marchait très bien. Après, on ne sait jamais comment se passe la première course. Comment sont préparés les concurrents ? Mais tout s'est bien passé, même si ce fut une course mouvementée. Alexey est un coureur qui grandit, il a plus de maturité et prend de la confiance. C'est rassurant pour le futur.

Peut-on espérer le voir sur Tirreno avec des ambitions ou bien Jakob Fuglsang aura le leadership ?

Ils seront co-leaders. Jakob a démontré en Andalousie qu'il était aussi en forme en faisant notamment un très bon chrono. Il s'était mis à disposition de Luis Leon Sanchez sur le Tour de Murcie pour sa course de reprise, l'équipe lui a bien rendu à la Ruta del Sol. Il n'y a pas de montagne cette année sur Tirreno, on verra au jour le jour.

Un autre coureur, plus discret, réalise un bon de début saison également c'est Pello Bilbao. Êtes-vous surpris par sa progression ?

Dès le départ j'ai cru en lui. Certains avaient des doutes sur lui, mais moi j'avais confiance. Quand Alexandre Vinokourov a pris la décision de le prendre dans l'équipe, je me souviens que beaucoup d'agents nous avaient dit : « Pourquoi vous prenez ce coureur ? prenez celui-là à la place il est meilleur » Il a fallu qu'il prenne ses marques dans l'équipe. Il a le potentiel. Pas après pas il a progressé et fait ses preuves. Depuis, je n'ai plus rien entendu à son sujet (rires).

Il sera sur le Giro pour épauler Miguel Angel Lopez qui vient de remporter le Colombia Tour 2.1. C'est une année charnière pour le colombien qui reste sur deux podiums sur le Giro et la Vuelta ?

C'est surtout la saison dernière qui a été importante pour lui. On savait qu'il était un super grimpeur et qu'il pouvait faire des numéros, mais il fallait qu'il se teste sur les Grands Tours. Il avait déjà fait la Vuelta, mais il avait chuté plusieurs fois. On ne savait pas ce que ça allait donné. C'est pour ça qu'il a été assez prudent dans sa façon d'aborder la course et qu'on l'a moins vu à l'attaque. Il a démontré qu'il pouvait être présent et qu'il était encore mieux en troisième semaine. Cela lui a apporté de la confiance. Je pense que cette année on peut s'attendre à autre chose de lui.

Le Giro sera son premier objectif.

Mais bon, on a vu qu'il était déjà en forme chez lui où il y a eu une grosse bagarre. Cela lui a fait plaisir de gagner chez lui.

Certains s'étonnent de votre choix de ne pas mettre Miguel Angel Lopez sur le Tour alors que le parcours semble lui correspondre. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Il faut bien qu'il commence par gagner quelque chose (rires). En général, la concurrence est plus forte sur le Tour. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de concurrence sur le Giro, mais si vous prenez l'équipe Sky l'accent sera plus mis sur le Tour de France. Après, le Giro est plus pour les grimpeurs. C'est une course ouverte où il y a du spectacle. Le Tour de France viendra un jour, il est encore jeune.

Un mot sur Magnus Cort qui sera votre leader sur les classiques mais qui semble plus en retrait en ce début de saison par rapport à l'an dernier ?

Sa préparation a été différente. L'an passé, il était arrivé chez nous après avoir couru le Tour de Guangxi. Il était déjà en forme.

Là, vu sa grosse saison on a vu qu'il était un peu fatigué donc on lui a laissé plus de temps.

Malheureusement, il est tombé malade avant le Tour d'Oman alors qu'il était en bonne forme. Il a eu du mal pendant deux jours et il a bien récupéré après. Il s'est mis du coup au service de l'équipe. Il sera présent sur les classiques et si il nous en gagne au moins deux ce serait magnifique.

Enfin, bien que les transferts ne soient officiels qu'à partir du mois d’août les tractations démarrent très tôt dans la saison. De plus en plus de rumeurs évoquent un retour de Mikel Landa chez Astana. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

On parle toujours, mais rien n'est signé. On a une bonne relation avec lui, avec Movistar aussi. Il faut de leur côté qu'ils pensent à l'après Valverde car il n'est pas éternel. Il leur faut un champion espagnol.

Quand je passe à côté de lui en voiture sur les courses je lui dit en rigolant : « Quand reviens-tu chez nous ? ». C'est un gars sympa qui a apprécié son passage chez nous. On a des bonnes relations. Le moment viendra peut-être.

Propos recueillis par Alexandre Paillou (photo : gonzague delmer)

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