Interview. Dmitriy Fofonov (Manager d'Astana) : "On roule pour les victoires"

Interview. Dmitriy Fofonov (Manager d'Astana) : "On roule pour les victoires"

Interview. Dmitriy Fofonov (Manager de l'équipe Astana) : « On roule pour les victoires »

Le manager de la formation kazakh fait le point avec nous depuis Calpe avant le début de la saison 2020.

Quel bilan faites-vous de cette saison 2019 ?

Excellent. On a eu un groupe très homogène qui a été capable de gagner du début de saison jusqu'à la fin tout en n'ayant pas de sprinters.

Il y a des équipes qui sont spécialisées dans ce domaine avec un sprinter qui peut gagner vingt courses, mais nous c'est autre chose. On ne joue pas sur le même terrain. La force du groupe ce sont les courses par étapes et les victoires au général.

À tel point que contrairement aux années précédentes (Guardini, Minali) il n'y aura pas de sprinter dans l'effectif en 2020 ?

On a tenté des choses. On avait pris Guardini en espérant qu'il fasse un saut en avant pour briller sur certaines courses. On a essayé avec Minali aussi qui lui n'a que vingt-trois ans et qui nous a été proposé à nouveau à l'intersaison. Je lui souhaite de progresser encore. Physiquement il est très fort, mais il faut qu'il prenne plus d'expérience.

Quel est le mot d'ordre pour 2020 ? Essayer de faire aussi bien qu'en 2019 ?

(Rires) C'est sûr qu'on ne peut pas baisser nos objectifs. On a renouvelé notre effectif avec beaucoup de jeunes coureurs. On sait que ça va être difficile de faire une saison identique. Après, il y a de la qualité et on a notre savoir faire. On roule pour les victoires et on continuera à rouler pour les victoires.

Il y a sept arrivées. Évoquons tout d'abord le basque Alex Aranburu. Qu'attendez-vous de lui sur la prochaine saison ?

C'est un jeune coureur qui aime attaquer. Il a eu de bons résultats cette année et il faut voir ce que cela donnera au niveau World Tour. Mais ça ne vient pas tout seul, il faudra travailler. Quand on est un jeune coureur, à moins d'être un phénomène qui écrase tout, il faut un certain temps d'adaptation.

Il a cependant du potentiel...

Oui, et c'est pour ça qu'il nous a tapé dans l'oeil. On espère qu'avec nous il franchira un nouveau cap sur les grands tours notamment.

Autre coureur prometteur, le champion de Russie Aleksandr Vlasov...

Il est déjà plus confirmé. Il a fait une saison complète et donne certaines garanties. C'est le moment pour lui de faire un grand pas en avant sur les courses World Tour.

On le verra peut-être sur le Giro ?

Il y a des chances. Sur le papier, c'est prévu.

Un mot également sur Oscar Rodriguez qui est en pleine progression...

C'est encore un jeune qui doit progresser. Avec le départ de certains coureurs, on cherchait des gars capables de gagner mais aussi de travailler pour les leaders. On compte beaucoup sur lui, mais on sait qu'il faudra être patient. D'une façon générale, quand vous prenez un jeune coureur vous partez sur un cycle de trois ou quatre ans pour l'amener au meilleur niveau. On n'est pas une équipe qui change de coureurs toute les années.

Vous évoquiez les départs. Il y en a que vous regrettez ?

Non. On ne peut pas dire qu'on regrette. Des gars comme Cort, Cataldo ou Hirt ont bien travaillé. Après, c'est le vélo il y a de meilleurs offres. D'autres coureurs après plusieurs années chez nous voulaient aussi peut-être changer d'air.

Pour les classiques flandriennes, vous avez fait venir Davide Martinelli et Fabio Felline...

Tout à fait. On sait que ce n'est pas notre point fort, mais on peut s'améliorer comme on avait fait à l'époque avec Valgren. On sait qu'on ne va pas jouer les premiers rôles, mais pourquoi pas des Top 10.

Abordons désormais les leaders. On peut s'attendre à voir débuter Miguel Angel Lopez sur le Tour ?

C'est ça. Jakob préparera le Giro et Miguel Angel doublera Tour de France et Vuelta.

Quid d'Alexey Lutsenko qui lui serait capable de jouer la gagne sur certaines courses flandriennes comme le Tour des Flandres ?

On a beaucoup de coureurs qui peuvent briller sur le Tour des Flandres. Jakob aussi peut y faire quelque chose, mais ça dépend des objectifs de chacun. On sait que c'est une année olympique et Jakob avait terminé deuxième il y a quatre ans. Le parcours qui s'annonce lui convient bien et il a à cœur de bien y figurer surtout après la saison qu'il vient de réaliser.

Elle vous a surpris ?

Non. Il ne vient pas de nulle part. C'est un ancien champion du Monde de VTT. Il sait gagner des courses et a été longtemps coéquipier de coureurs comme Nibali ou Aru. Dès qu'il a eu la liberté d'être leader, il a remporté le Dauphiné et si vous regardez les trois dernières années il a démontré qu'il était en croissance constante. Il gagne de plus en plus. Toutes les troisièmes ou quatrièmes places qu'il faisait il les a transformé en victoires. Puis il n'a pas de haut et de bas.

Vous avez eu peur de le perdre à l'intersaison ?

Non, on est resté confiant. C'est sûr qu'il y a eu beaucoup de discussions avec son manager, mais c'est normal. Jakob avait comme priorité de rester chez nous, mais après comme je vous ai dit on peut au bout d'un certain nombre d'années réfléchir à faire quelque chose d'autre. On a discuté, on a un bon rapport. Puis tout ce qu'il est devenu il l'est devenu avec Astana. C'est pour ça qu'il a pris la décision de rester avec nous et de grandir encore.

Revenons à Alexey Lutsenko. On imagine que les JO vont être un gros objectif. Comment allez-vous orienter sa saison ?

On va essayer de faire en sorte qu'il parte un peu plus tranquille. Car il a pour habitude de démarrer toujours très fort. On a déjà essayé de le freiner pour l'amener sur les Ardennaises ou sur les Flandres, mais il était déjà au top niveau dès le Tour d'Oman et a continué trois mois dans les mêmes conditions.

Son calendrier sera similaire à 2019 ?

Non, on va l'adapter. On va discuter et on a des idées. On va essayer avec les entraîneurs de l'amener dans les meilleures conditions. C'est un coureur important, c'est le meilleur coureur kazakh. On va tout faire pour qu'il soit au top lors des JO.

Un autre coureur kazakh pourrait faire parler de lui dans quelques années c'est Vadim Pronskiy qui vient de vous rejoindre. Qu'attendez-vous de lui ?

C'est un jeune coureur. Ce n'est pas comme Alexey, c'est différent. Alexey passe partout. Vadim lui est plus un pur grimpeur. C'est un diamant à travailler. Il a du potentiel et a brillé chez les jeunes. Il est très déterminé et on va l'accompagner.

Évoquons maintenant Miguel Angel Lopez qui a eu une saison contrastée. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

Il y a plusieurs facteurs. On va corriger certaines choses dans la préparation pour aller dans la meilleure direction. Miguel Angel avait à cœur de prendre part au Tour de Colombie 2.1 où il y a une grande rivalité entre coureurs locaux. Il a donc été très en forme très tôt. Il y a eu ensuite en avril la naissance de son premier enfant et pour un homme c'est toujours un moment particulier. Il est donc rentré en Colombie. Toute cette énergie lui a manqué sur le Giro. Puis on peut faire des erreurs. On va essayer de corriger tout ça.

Niveau budget. Celui-ci va rester le même en 2020 ?

Oui, on reste au même niveau. Mais parler budget c'est toujours particulier. C'est une question de valeurs. Si vous voulez investir et embaucher un Christopher Froome c'est un autre discours. Une autre direction, un autre investissement.

Comment faire face, aujourd'hui, à des formations comme Ineos, Jumbo ou UAE qui semblent avoir des moyens illimités ?

Je ne connais pas leur budget, mais avoir de très bons coureurs ne fait pas tout. Il faut travailler avec. Nous, on a obtenu des résultats grâce à notre expérience. Si on a des victoires, ça veut dire que ça fonctionne bien à l'intérieur de l'équipe. Je pense qu'on peut continuer comme ça avec les jeunes en les faisant progresser.

Pour cela, vous aurez de nouveaux vélos puisque Wilier prend la suite d'Argon 18...

Oui, on a eu trois très bonnes années de collaboration avec Argon 18. Ils ont répondu à nos attentes. Ils vont désormais plus s'orienter vers le triathlon. De notre côté, c'est un pas en avant avec Wilier. Le matériel est déjà très bon. On va continuer à le développer ensemble. On va passer, aussi, aux freins à disques sur tous les vélos. Avec Argon on était à 50/50. On est tous très motivés. Nous on attend du développement et eux des victoires.

Propos recueillis par Alexandre Paillou

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