Interview : Julien Bernard "Le Tour de France, c'est tout simplement magique"

Interview : Julien Bernard "Le Tour de France, c'est tout simplement magique"

Présent ce jeudi lors de la conférence de presse de Trek-Segafredo, Velo-Club a profité de l’occasion pour faire le point avec le seul coureur français de la formation américaine, à savoir Julien Bernard, à moins de 24 heures du grand départ de cette 106ème édition du Tour de France.

Julien, tu es dans ta 4ème saison comme professionnel et toutes accomplies chez Trek-Segafredo. Qu’est-ce qui te plaît au sein de cette formation américaine ?

Au sein de cette équipe, il y a énormément de nationalités différentes. Des gens qui viennent de régions mais aussi de cultures différentes. Je sens qu’au sein de ce groupe, en sortant de ma zone de confort, je progresse énormément et ce d’année en année. Je pense que cela m’est plus bénéfique que si j’étais resté en quelque sorte dans le stéréotype des équipes françaises.

Tu vas participer à ton second Tour de France mais tu possèdes déjà à ton actif 4 participations dans les grands tours (1 TDF, 1 Giro et 2 Vuelta). Quelles sont les grandes différences entre ces 3 épreuves mais aussi leurs similitudes ?

Il n’y a pas photo..Le Tour de France, c’est tout simplement magique, c’est celui qui donne la plus grosse envie. Bien évidemment, j’ai pris énormément de plaisir sur le Giro et sur mes 2 Vuelta mais le Tour de France lorsqu’on y a goûté, on a vraiment envie d’y revenir. J’ai axé toute ma préparation sur le TDF afin de pouvoir être sélectionné par l’équipe. J’y suis et je suis super content de revenir pour ma seconde grande boucle.

Pour l’instant, le moins que l’on puisse dire, c’est que Richie Porte n’a pas trop eu de réussite sur les épreuves de 3 semaines. Dans quel état d’esprit est-il à moins de 24 heures du grand départ ?

On essaye tous au sein de l’équipe d’être un peu psychologue avec lui afin qu’il ne pense pas à toute cette guigne qui l’a accablé ces dernières années sur les grands tours. On ne cesse de lui rappeler qu’il s’agit d’une nouvelle saison et qu’il doit faire abstraction du passé. C’est vrai que c’est parfois plus facile à dire qu’à faire et que ce n’est pas toujours évident de revenir sur des courses où l’on n’a pas spécialement toujours eu de bons souvenirs. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il a aussi connu de très bons moments sur le Tour lorsqu’il était équipier de Chris Froome. Il doit garder ces bons moments-là  et laisser de côté les mauvais afin de pouvoir avancer.

Le Tour 2019 part de Bruxelles, est-ce que l’équipe va jouer la carte Jasper Stuyven lors de la première étape ou l’équipe reste-elle concentrée sur son objectif principal, à savoir protéger au maximum Richie Porte avant les grandes échéances à venir ?

Bien évidemment, lors de cette première étape, on va jouer la carte de Jasper. Il est sur ses terres et c’est le meilleur sprinter de l’équipe. C’est toujours spécial de commencer un Tour de France chez soi. Une chose est sûre, c’est que Jasper est en forme et qu’il est super motivé par ce départ de Bruxelles. On va tout faire pour essayer qu’il brille chez lui lors de cette 1ère étape.

A ce propos, le contre la montre par équipes dès la 2ème étape, c’est déjà un vrai test pour les favoris à la victoire finale ?

Oui, carrément. C’est déjà un grand test pour toutes les équipes et les favoris de ce TDF. C’est un peu inhabituel. D’habitude, les premières étapes sont plutôt calmes et permettent ainsi aux équipes de monter progressivement en puissance afin d’être au top lors des 2 semaines suivantes. Cette année, on devra déjà être performant dès l’entame du Tour afin de ne pas perdre inutilement du temps. Ce contre la montre par équipes intervient très tôt  et cela fait un peu peur. Néanmoins, on a beaucoup travaillé cette discipline lors des dernières semaines afin d’aller chercher le meilleur résultat possible.

L’équipe a été construite autour de Richie Porte. Néanmoins, des coureurs comme Bauke Mollema (5ème du dernier Giro) ou Giulio Ciccone (maillot de meilleur grimpeur au Giro) pourront-ils avoir une certaine liberté ou sont-ils là essentiellement pour aider Richie dans les étapes de montagne ?

Concernant Bauke Mollema , on va le garder comme co-leader au moins jusqu’au Pyrénées. Il faudra aussi voir comment il aura récupéré de son Tour d’Italie, surtout qu’il n’a plus couru depuis cette épreuve. On est donc un peu dans le flou à son sujet même si on sait très bien qu’il récupère facilement et qu’il possède en plus de grandes qualités sportives. Néanmoins, la priorité, c’est Richie Porte. On va laisser tranquille Bauke lors de la première semaine, sans lui mettre de pression, et on verra à partir des Pyrénées où se situent nos leaders au général. Si tout se passe bien, Bauke pourrait peut-être même, en troisième semaine, aller chercher une victoire d’étape. Pour Giulio Ciccone, il ne faut pas précipiter les choses. C’est sa première participation au Tour de France, on se doit de le laisser grandir sans lui mettre de la pression. N’oublions pas qu’il y a de nombreux coureurs de qualité qui peuvent revendiquer ce maillot à pois. Néanmoins, et ce n’est un secret pour personne, Giulio est assurément une des cartes de l’équipe pour aller chercher soit une victoire d’étape, soit un maillot distinctif

Quel sera ton rôle exact au sein de cette formation Trek durant ces 3 semaines ? Protéger ton leader ou intégrer éventuellement les échappées afin de l’aider dans les derniers hectomètres des étapes alpestres ?

Effectivement, j’ai une double casquette. Cela dépendra des circonstances de course mais aussi de la tactique de l’équipe. Soit j’essayerai de me glisser dans une échappée afin de jouer la gagne ou d’aider un de mes coéquipiers, soit j’essayerai de servir de relais à Richie lors des étapes de montagne. Je sais que je grimpe bien mais certainement pas au niveau des meilleurs grimpeurs. Je me dois donc, comme je l’ai fait depuis le début de saison, de garder un coup d’avance sur les adversaires.

Justement, à ce propos, tu as été élu ‘Baroudeur du mois d’avril’ sur notre site web, est-ce que ce sont des reconnaissances qui font plaisir ou cela t’indiffère-t-il ?

Non, c’est toujours agréable d’être cité surtout lorsque c’est positif. J’ai fait un gros mois d’avril avec pas mal d’échappées. La forme était là et j’ai pris beaucoup de plaisir, même si parfois le temps n’était pas de la partie comme lors de Liège-Bastogne-Liège.

Ces dernières années, on a été habitué à voir le train SKY contrôler constamment le peloton. L’absence de Chris Froome, cela peut changer la donne à ton avis ?

Difficile de répondre à cette question. L’année dernière, au final, Geraint Thomas était sans aucun doute le plus fort  de l’équipe SKY. Cette fois, ils pourront compter en plus sur Egan Bernal. Ces 2 coureurs se sont très bien préparés et je ne m’attends pas à ce que l’absence de Chris Froome change grand-chose à la tactique de l’équipe INEOS. C’est sûr que pour eux, c’est une très bonne carte en moins mais ils ont une équipe solide composée de coureurs de très grandes qualités et pour moi, cela reste l’équipe numéro 1.

Avec des formations telles que INEOS (Bernal-Thomas et Poels), Movistar (Quintana-Landa et Valverde) et Mitchelton (les frères Yates), ton équipe va-t-elle essayer de dynamiter la course ou plutôt laisser la main à ces diverses formations en attendant la bonne opportunité ?

Ce n’est certainement pas à nous de dynamiter la course…. Il y a pas mal de formations, celles que tu cites mais aussi Astana avec Jakob Fuglsang,  plus fortes que nous sur le papier. Ce serait vraiment bête de présumer de nos forces. On se doit de courir intelligemment, de courir à l’économie et de frapper au bon moment lorsque l’occasion se présentera à nous. Trois semaines de course, c’est long, très long. Maintenant, est-ce qu’il y aura des opportunités ? Difficile à dire mais une chose est sûre, c’est que si elles se présentent, on sera prêt.

Ton Tour de France sera réussi si ….

Je suis au moins 5 fois dans une échappée.

Et celui de Trek-Segafredo si …

Richie Porte est sur le podium. C’est un coureur de qualité. Il l’a prouvé à maintes reprises lors de ces 10 dernières années. Certes, il a eu de la malchance mais on doit faire abstraction de cela et aller de l’avant.

Ton Top 5 final ?

Houlà, pas évident. Pour ma part, je vois trois gros favoris qui se dégagent en la personne de Jakob Fuglsang, Geraint Thomas et Egan Bernal. Après, c’est plus compliqué. Il y a toujours sur le Tour de France un plateau exceptionnel avec au moins 15, voire 20 coureurs capables de lutter pour un Top 5 final. Il faut juste parfois aussi ce petit truc en plus sur ces trois semaines de course pour être plus fort que ces coureurs.

Interview de Christian Hiernaut réalisée à Bruxelles

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