Mickaël, quand tu as grandi dans le cyclisme, quel était ton coureur modèle ?

J’aimais beaucoup Alexandre Vinokourov pour son panache, notamment lors du Tour de France 2003, une année où j’ai commencé à suivre vraiment assidûment le vélo, parce qu’il attaquait énormément, il avait un profil extrêmement polyvalent donc j’aimais beaucoup ce coureur.

Tu es rentré progressivement dans ce rôle d’équipier. Comment définirais-tu la manière dont tu es rentré dans ce rôle-là ?

J’en ai pris conscience petit à petit. Jeune, j’ai essayé de courir pour moi-même en essayant d’aller chercher quelques résultats, puis j’ai vite compris que pour pratiquer le cyclisme en tant que professionnel à haut niveau, il fallait vite choisir un statut et tenter de tout optimiser pour le faire du mieux possible. Ag2r m’a offert la chance de courir très souvent auprès de Romain (Bardet) et il a vite senti mon bon feeling, mon sens du placement, mon sens de la course et je me suis dévoué à lui depuis son arrivée quasiment, depuis qu’il a percé en tant que leader et aujourd’hui je prends un plaisir énorme comme par le passé. Le fait de lui servir à aller chercher des victoires, c’est toujours des moments extrêmement beaux pour moi et parfois je suis même aussi heureux de le voir gagner que si c’était moi.

AG2R La Mondiale sur le CLM par équipesAG2R La Mondiale sur le CLM par équipes | © Getty Sport

Tu as manqué les deux derniers Tour de France, est-ce que tu as le sentiment que tu lui a manqué ?

Je ne sais pas, mon programme a été fait ainsi l’année dernière, c’est vrai que j’ai ressenti extrêmement de frustration pendant ces deux dernières années. Mon absence du Tour 2017 était due à une violente chute lors du stage préparatoire, mais l’année dernière, le corps directorial de l’équipe avait choisi pour moi un programme avec Giro-Vuelta donc je m’étais forcé à l’accepter.

Si on compare avec le ballon d’Or en football, ce ne sont jamais les défenseurs ni les gardiens, ce sont toujours les attaquants. Est-ce que tu trouves que c’est un peu la même chose en cyclisme ? Le fait que votre rôle ne soit pas reconnu comme il le devrait ?

Exactement, je fais souvent le parallèle avec le football. Moi je fais les passes, parfois elles sont décisives et j’en suis très heureux, mais je ne marque peu ou pas de but, mais on est tout de même dans une très belle équipe. Si on continue la métaphore avec le football, on joue en champions league et je suis très satisfait que mon rôle soit reconnu dans l’équipe. Romain a besoin d’équipiers comme moi et Vincent Lavenu ainsi que le staff accordent beaucoup d’importance à notre travail, nous, équipiers. Mon job est reconnu donc pour moi, c’est le principal. Effectivement, par rapport au grand public, on est pas souvent mis en lumière, mais ce n’est pas grave.

Tu voudrais qu’à la fin de saison, il y ait un trophée qui récompense ce travail là ?

Moi, j’ai vite fait le choix d’avoir ce rôle donc si j’étais là pour chercher la lumière, j’aurais changé d’équipe pour avoir un meilleur statut. En tout cas, je ne recherche pas particulièrement des titres ou la lumière. C’est vrai que le travail d’un équipier est peu valorisé par le grand public, parfois il y a une sorte d’incompréhension de mes supporters mais en tout cas quand le leader est reconnaissant de votre travail, c’est une grande satisfaction, et Romain l’est toujours.

AG2RAG2R | © Photo Laurent Villeret

Tu apprécies qu’il y ait des consultants comme Marion Rousse, comme Laurent Jalabert, comme Jacky Durand, qui connaissent votre métier, votre rôle et qui le soulignent dans les reportages ?

Bien sûr, ça, c’est sympathique parce qu’eux s’adressent véritablement au grand public. Mes grands parents paternels ne suivent presque qu’une course dans l’année, c’est le Tour de France, et beaucoup de gens sont comme eux d’ailleurs, parce que ça passe sur les chaînes du grand public, et le fait que notre travail est souligné quelques fois, c’est un petit clin d’œil sympathique quoi.

Dans une étape comme aujourd’hui (hier), la vie d’équipier, c’est le fait d’être jamais très loin de Romain ? Tu seras dans quelle position exactement ?

Je sais que la fin d’étape va être vraiment corsée, il peut y avoir des rebondissements et le débours qu’on a eu hier peut être comblé sur certains grands leaders. Mon rôle va être extrêmement important aujourd’hui et j’y accorde beaucoup d’importance, je sais que Romain doit être placé dans les 15 premiers au pied de la dernière ascension à 5 km de l’arrivée et ça, ce sera mon job, d’être là constamment à ses côtés dans les 30 derniers kilomètres. Tant pis si je suis pas là à l’arrivée mais si je le place dans les 5 derniers kilomètres, le travail sera fait et tout le monde sera satisfait de moi.

Une dernière question, le rôle d’équipier auprès de Romain Bardet veut dire que sur les 3 semaines vous faites chambre commune ou vous tournez ?

On est un groupe uni et très soudé avec une excellente cohésion. Nous, on a nos habitudes avec Romain, ça fait maintenant presque 6 années qu’on fait chambre commune, c’est important d’être dans la même chambre que quelqu’un qui a le même rythme biologique, les mêmes façons de fonctionner…

Vos femmes ne sont pas jalouses ?

Non, non, on en sourit beaucoup parce que certains nous appellent tic et tac (rires).

 

Par Nathan Malo