Audrey Cordon-Ragot : « Pendant dix minutes, j’étais K.O »

Crédit photo Patrice Fouques

Crédit photo Patrice Fouques

Audrey Cordon-Ragot est passée par toutes les émotions, à l’occasion de la 5e et dernière étape du Tour de Bretagne. Pour le retour de l’épreuve au calendrier féminin, celle qui portait pour l’occasion le maillot de l'Équipe de France a d’abord cru parfaitement gérer la situation, avant de se faire une énorme frayeur sur la ligne d’arrivée, la faute à un manque d’informations de la part de RadioTour. Après dix minutes de stress et d’incompréhension, la Bretonne de 29 ans a finalement bel et bien accroché l’épreuve à son palmarès pour la deuxième fois, après 2013. La quadruple Championne de France du contre-la-montre va désormais se concentrer sur la quête d’un cinquième titre consécutif dans la discipline, à la fin du mois.

DirectVelo : Ce Tour de Bretagne a bien failli se terminer de façon rocambolesque !
Audrey Cordon-Ragot : Oui, c’était tendu jusqu’au bout. On ne s’attendait pas trop à ça. On avait réduit les probabilités de perdre le maillot l’avant-dernier jour puisque Kristen Wild n’a pas remporté l’étape, et les bonifications qui vont avec, ce qui la rendait moins dangereuse pour la dernière étape. Le seul danger qu’il restait, c’était Cecilie Uttrup Ludwig. Si elle gagnait le sprint, c’était compliqué… Et c’était possible avec cette arrivée en bosse qui pouvait lui convenir. Je voulais donc éviter un sprint massif et je préférais qu’une échappée aille au bout.

C’est ce qu’il s’est produit…
Mais pas dans les conditions que j’espérais.  Déjà, c’était une étape nerveuse avec le mauvais temps et plusieurs chutes. J’ai même pris la décision de faire arrêter la course quelques instants, avec d’autres filles, car nous avions toutes été choquées par l’une des chutes, et on ne se voyait pas continuer sans savoir ce qu’il en était des filles les plus touchées. Lorsque l’on a repris la route, ce n’était pas évident du tout car nous étions complètement gelées, alors qu’il pleuvait des cordes et qu’il faisait super froid. Finalement, une échappée de cinq-six filles est sortie mais nous n’avons jamais eu la composition complète du groupe, ni les écarts. Sauf que Jessica Roberts était devant, mais même notre directeur sportif ne le savait pas. En fin de course, on a cru reprendre l’échappée grâce au travail des équipes de sprinteuses. De notre côté, nous n’étions pas inquiètes. Mais Jessica Roberts était toujours devant et elle a gagné l’étape.

Tu as finalement remporté le classement général pour cinq secondes !
Lorsque Kristen Wild a remporté le sprint du peloton, elle a levé les bras. Tout le monde était persuadé que l’on se jouait la victoire d’étape. Mais j’ai entendu le speaker dire que Jessica Roberts avait gagné en solitaire et qu’elle n’était pas loin de prendre le général. Et là, j’ai vu le visage de mon père décomposé sur le bord de la route. Il était tout blanc, comme le père de Juliette Labous, d’ailleurs. Pendant dix minutes, j’étais K.O. Je me suis dit que l’on avait perdu la course sans même en avoir conscience… C’était très tendu. Finalement, ça l’a fait. Mais que c’était stressant ! C’est dommage d’être à deux doigts de perdre le Tour de Bretagne de cette façon-là.

Toujours est-il que tu es parvenue à décrocher un deuxième Tour de Bretagne, après ta victoire en 2013. Que représente ce nouveau succès pour toi ?
Je suis récemment retombée sur la photo de ma victoire il y a six ans. Le temps passe vite… C’est une victoire importante pour moi. J’ai été hyper impressionnée par la qualité de la course. Cela n’a plus rien à voir avec ce que j’avais connu il y a six ans. Bien sûr, il y a eu cet aléas le dernier jour, mais ça peut arriver à tout le monde. Ils peuvent être très fier de ce qu’ils ont réalisé, en moins d’un an, finalement. J’imagine déjà une édition 2020 exceptionnelle !

« ELLE VA BIEN FINIR PAR ME BATTRE... »

Qu’as-tu pensé du parcours proposé durant ces cinq jours de compétition ?
Tous les jours, nous avions un circuit final. C’est bien pour les spectateurs. D’un autre côté, c’est sûr qu’il n’est jamais simple de trouver un circuit en ville qui ne soit pas trop technique et trop dangereux. C’est aussi à nous de nous adapter, en tant que coureurs. Dans l’ensemble, c’était bien mené et bien découpé. Si je devais vraiment chercher la petite bête, je dirais que le chrono était un peu trop court. Soit on faisait un chrono aussi court en proposant deux demi-étapes dans la journée, soit il aurait fallu proposer une distance un peu plus longue. Pourquoi ne pas imaginer un chrono par équipes également ? Ca peut être une idée pour les années à venir. Mais sinon, vraiment, c’était bien.

Ce chrono, justement, tu ne l’as pas remporté, pour quatre secondes. Etait-ce une déception ?
Non, pas du tout, car je suis diesel et pas adepte des chronos aussi courts. Il était quand même technique et pas complètement plat, ce qui n’était, en revanche, pas pour me déplaire. Mais je n’étais pas très sereine. Finalement, c’est vrai que je ne suis pas passée loin. Mais la première (Mikayla Hervey, NDLR) a disputé ce chrono dans de meilleures conditions que moi. Elle avait moins de vent que les dernières concurrentes. Sans ça, je pense que Juliette et moi aurions fait 1 et 2. Enfin… Pour une première sur mon vélo de chrono cette année, c’est déjà pas mal.

Place maintenant à la préparation finale des Championnats de France !
Je vais rester à la maison pendant deux semaines. Puisque j’étais au Tour de Bretagne, je ne participe pas à l’OVO Energy Women’s Tour et ce n’est pas plus mal. Quand je vois le temps qu’il y avait là-bas sur la première étape, je ne suis pas jalouse (sourires). Je vais prendre le temps de récupérer puis je vais bien travailler le chrono du Championnat de France. La course en ligne, ça reste toujours aléatoire, alors je n’en fais plus un objectif.

Tu vas courir après un cinquième titre national contre-la-montre consécutif. Ta motivation à l’idée de conquérir un nouveau maillot bleu-blanc-rouge est-elle toujours la même ?
Bien sûr ! Je suis quelqu’un qui ne lâche jamais rien. Tant que je pourrai gagner, je le ferai. Si je gagne, je serai la première française à remporter cinq titres consécutifs. Même Jeannie Longo ne l’a pas fait. Ce serait énorme ! Le circuit me convient très bien, mais je ne me mets pas de pression. Il faudra être présente le Jour-J. Je sais que Juliette Labous se rapproche de moi d’année en année, je ne me voile pas la face. Elle va bien finir par me battre, mais si je peux repousser l’échéance… Il y aura aussi Aude Biannic, Séverine Eraud… Ce sera une belle bataille face à ces filles-là, mais on sait que le chrono est d’abord et surtout une bataille contre soi-même.

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