Interview : Charles Planet "Rester dans le peloton, ce n'est pas mon truc"

Interview : Charles Planet "Rester dans le peloton, ce n'est pas mon truc"

Interview : Charles Planet "Rester dans le peloton, ce n'est pas mon truc"

Entre la Californie et l'Estonie, Charles Planet (Team Novo Nordisk) a pris le temps de répondre aux questions de Velo-Club. L'occasion pour nous de l'interroger sur ses récentes performances, mais aussi et surtout sur son attrait pour les échappées au long cours.

Un mot pour commencer sur ton tour de Californie, quel bilan tires-tu de ta course ?

Je tire plutôt un bilan très positif que ce soit au niveau personnel ou d’un point de vue de l’équipe. Je suis un coureur qui a besoin de se faire plaisir sur un vélo, et j’ai donc décidé de prendre l’échappée dès le premier jour. C’était vraiment une superbe journée, car j’ai réussi en fin d’étape à m’isoler et à remporter le maillot distinctif du plus combatif, qui est très reconnu aux États-Unis. Concernant le reste de la semaine, honnêtement je me suis vraiment surpris, d’autant plus que je n’avais pas couru depuis longtemps. J’avais de très bonnes sensations tout au long de l’épreuve, et même si on ne m’a pas revu dans les échappées, j’étais présent dans les moments durs où ça roulait très fort. Même si ça ne s’est pas forcément vu dans les résultats, j’ai remarqué que j’avais de nouveau passé un grand cap. Il ne m’a pas manqué beaucoup pour réaliser quelque chose de plus grand, mais cette semaine en Californie m’a donné énormément de confiance.

Justement, tu indiquais en début d’interview que tu manquais de rythme, quand tu vois que tu termines dans le premier tiers au général, est-ce que ça te donne des envies de jouer le général sur une épreuve comme ça ?

Après, les classements généraux ce n’est pas trop mon truc, car je sais très bien que quand je suis en grande forme, j’arrive à passer les bosses, mais il faut que je reste réaliste, je ne suis pas un grimpeur ou un coureur de classement général. Je suis vraiment quelqu’un qui a besoin de se faire plaisir sur un vélo. Moi rester dans le peloton, ce n’est pas mon truc. Sur une étape de 220 bornes avec vent de face, on m’avait dit de rester dans le peloton, et j’ai pris zéro plaisir.

Au final, qu’est-ce qui te plaît dans l’idée de prendre une échappée ?

J’aime être offensif, je fais beaucoup de sacrifices à l’entraînement et j’aime me donner à fond lors d’une course. De plus, j’ai toujours ce petit espoir au fond de moi, qu’un jour ça paye. Je fais du vélo pour moi, mais je suis aussi fier de montrer ce tempérament offensif, et c’est vrai qu’aujourd’hui je suis reconnu pour ça, le fait d’être quelqu’un qui ne lâche jamais rien, et va toujours au bout, même quand il n’y a plus aucune chance. Il faut toujours aller au bout, sinon ça ne sert à rien. C’est comme ça que je vois le vélo, et que je me fais plaisir.

Quand on fait 150 ou 200 bornes devant, est-ce qu’on est toujours concentré à fond sur la course, où est-ce qu’on a le temps de s’évader un peu mentalement ?

Il y a toujours des petits moments où on débranche un peu, où on pense à sa famille ou autres, mais la plupart du temps on reste quand même concentré sur son effort. C’est difficile à dire en fait, on est vraiment dans un autre monde, et pour moi c’est vraiment du bonheur de pouvoir m’exprimer dans les échappées comme ça. J’ai besoin de finir les étapes fatigué pour me sentir bien.

Quand tu entends les commentaires sur les échappées qui sont un peu dévalorisées, que ce soit par les médias ou sur les réseaux, est-ce que ça t’agace ?

C’est clair que je suis très déçu par certains commentaires. Cela me révolte parfois, et c’est dommage, je trouve qu’aujourd’hui on casse énormément les coureurs, et je trouve ça assez dur. Par exemple, mardi, je regardais l’étape du Giro et je sentais un peu les ricanements par rapport à l’échappée. Même sur les réseaux sociaux, où on dit vite que ça ne sert à rien, mais les mecs devant ils font leur course, et puis ils animent l'étape. Je trouve qu’il y a beaucoup de moqueries, même au sein du peloton.

De la part des coureurs ?

Ouais il y a une certaine arrogance de la part de certains coureurs, et c’est quelque chose qui m’attriste énormément. Franchement, je trouve ça vraiment dommage, mais bon j’essaie de faire abstraction de ça et je donne mon maximum.

Pour finir sur ce sujet, est-ce qu’il n’y a pas un problème au niveau de l’UCI et des organisateurs qui ne mettent pas assez en valeur les échappés ?

Oui c’est clair que par exemple en Californie c’est un maillot qui est très reconnu, il y avait vraiment de la bagarre pour l’obtenir. On voit que sur le Giro par contre il n’y a pas tout ça, et si c’était le cas, on aurait peut-être plus de monde pour prendre l’échappée, car ça veut dire monter sur le podium le soir, être médiatisé, et également être présent en première ligne le lendemain sur la ligne de départ. C’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas un maillot sur chaque course, on ne reconnaît pas la performance des baroudeurs. Pour donner un exemple, je me souviens du mec il y a 3 ans lors de l’arrivée du Tour de France à Vittel, il est tout seul échappé, et à l’arrivée il y a une chute avec Sagan qui se fait exclure, et au final on ne parle que de ça, et on oublie complètement le gars qui a fait 200 bornes devant seul à 38 de moyenne. Je trouve ça super frustrant et c’est dommage, mais c’est clair qu’un maillot à l’arrivée ça serait une belle chose à faire.

On pourrait même avoir un classement UCI avec un maillot pour le coureur qui a fait le plus de bornes devant ?

Oui carrément, il y a plein d’idée la-dessus. Car là on le voit sur le Giro, en attendant la montagne, on se dit à quoi bon y aller sachant que ça va arriver au sprint et qu’il n’y aura aucune récompense à l’arrivée. En terme d’audience en plus, personne n’a envie de regarder, et même pour les commentateurs, ça doit être super difficile de meubler. Donc oui, il y a beaucoup de choses à faire à ce niveau, mais en tout cas ce n’est pas ça qui va m’empêcher de continuer à prendre les échappées.

Pour passer à la suite, demain (interview réalisée mercredi 22 mai) tu vas prendre le départ du Tour d’Estonie, quelles seront les ambitions ?

On espère avec l’équipe ramener des résultats, après honnêtement, je n’ai aucune idée de comment cela va se dérouler, car il y a trois jours j’étais encore en Californie avec 10h de décalage horaire et 35 heures de vélo dans les jambes. On débute par un prologue de 3 kilomètres, et ça peut être un peu difficile, mais ensuite, et notamment lors de la dernière étape, j’espère pouvoir me montrer à mon avantage. Si je prends une échappée ici, j’aimerais bien que ce soit pour jouer la victoire, car je suis dans l’optique d’aller chercher un bon résultat.

Sur un tout autre sujet, ça fait déjà 6 ans que tu es pro, quel est ton meilleur souvenir depuis tes débuts ?

J’en ai beaucoup de bons souvenirs, mais si je devais un choisir un, je prendrais le Tour de Californie pour ma première année pro. J’avais décroché le maillot du plus combatif, et j’étais sur le podium avec Bradley Wiggins et Mark Cavendish. Quelques mois avant je les regardais à la télé, et c’était assez exceptionnel. J’ai encore la photo avec eux sur mon Ipad, et c’est vraiment un grand souvenir.

Pour conclure, quels objectifs te fixes-tu pour les année à venir ?

Sincèrement, je ne sais pas trop quoi dire. Mon premier objectif, c’est d’être satisfait de ce que je fais et d’obtenir de bons résultats. Je rêve de remporter ma première victoire chez les pros, ça serait vraiment une grand consécration pour moi, car quand je courrais en VTT, j’avais pas mal de victoires, et ça me manque de pouvoir lever les bras. Après comme je le disais, l’objectif numéro un c’est de prendre du plaisir, et si ça continue à être le cas tout le reste viendra naturellement.

Propos recueillis par Charles Marsault (crédit photo : Rene Vigneron)

 

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