Depuis que vous êtes pro, quelle est la principale innovation qui vous a marqué ? 

C’est surtout tout ce qui est intégré. Je suis passé pro pile dans les années où les vélos étaient en train de changer avec les câbles apparents contre ceux aux câbles intégrés. Maintenant, je trouve que sur les vélos que ce soit de route ou de contre-la-montre, il n’y a pas un fil qui dépasse, c’est très très épuré. Je pense que c’est la principale innovation technologique, mécanique. Il y a aussi le mode de freinage qui est en train de changer, d’évoluer. Dans le monde professionnel, ce n’est pas encore totalement le cas mais pour moi c’est une véritable avancée pour le vélo surtout pour le monde cyclo sportif et loisir. En compétition, je trouve qu’on a un freinage beaucoup plus agressif avec les patins sur le sec tandis que sur le mouillé c’est un avantage énorme : il y a un peu, deux poids deux mesures. C’est pas forcément l’innovation que je retiens le plus même si ça bouleverse un peu tout avec les transmissions, les groupes qui sont différents. Avant, on partait avec de l’Ultegra on était avec des fils partout tandis que maintenant c’est du futuriste, avec des designs épurés, il n’y a plus un fil qui dépasse.

Au niveau de l’ensemble vélo-maillot, vous vous plaisez plus avec le look Direct Énergie ou Total Énergie ?

C’est deux choses complètement différentes, c’est dur de comparer car on est passé du tout au tout. Il n’y aucune similitude, ce n’est plus les mêmes couleurs que ce soit sur le vélo ou la tenue mais je me plais avec les deux. Je fais partie des coureurs qui sont là depuis le début, le début de l’aventure Direct Énergie, depuis 2016 donc ça fait 3 ans et j’étais content de changer de couleur. Après, les couleurs de Direct Énergie j’aimais beaucoup, c’était des couleurs visibles, qui avaient leur identité avec ce jaune et ce noir. Le bleu, c’est un peu plus utilisé mais je trouve que c’est un maillot qui est réussi, pour une première, pour un maillot qui a été fait avec des contraintes, une charte assez précise dans des délais brefs. Si on parle du côté technique et ainsi du vélo, le vélo bleu que Wilier nous prépose est juste magnifique, c’est un vélo qui tape dans l’œil tout en ayant une certaine sobriété donc c’est tout ce que j’aime.

Le fait d’avoir dans votre nom Total, ça a apporté un plus ? Une certaine forme de pression supplémentaire ? 

Non non pas trop. Il y a beaucoup de spéculations autour de Total qui est une grande boîte Française et Mondiale donc forcément ça fait des comparaisons avec des Team Sky (à présent, Ineos) mais c’est toujours Direct Energie, on n’a pas de pression particulière. On va continuer à faire le vélo qu’on aime et je pense que Jean-René Bernaudeau (le manager) cultive un vélo de baroudeurs, d’attaques et pas un vélo ultra-professionnalisé où tout le monde est un robot. La base de l’équipe, l’ADN n’a pas changé. On sent qu’on évolue vers le professionnalisme et si on a plus de moyens, ça ne peut qu’être une bonne chose.

Comment jugez-vous votre début de saison ?

C’est un début de saison qui n’a pas forcément été le plus prolifique. J’ai une seule victoire mais j’ai gagné et c’est déjà bien. C’est dur de gagner beaucoup de courses avec le niveau homogène. Sur les 25 premiers jours de courses, j’en ai eu une quinzaine en World Tour alors c’est dur de gagner au plus haut niveau. Aussi, j’ai fait le choix de découvrir les Flandriennes, de m’imposer des courses de très haut niveau, des courses que je ne connaissais pas forcément donc ça demande aussi pas mal d’expérience. Je me suis pas mal comporté, sans crever l’écran mais faut aussi accepter ça : c’est un investissement pour le futur. Dans 2-3 ans, on me verra peut-être lever les bras, marcher sur ces courses-là. 

La suite de la saison s’annonce meilleure donc c’est bien. Je suis content de mes sensations, de ce que le groupe m’apporte et à qui j’apporte. Tous les voyants sont au vert.

Vous vous définiriez comme Flandrien ou comme spécialiste des Ardennaises ? 

Ni l’un ni l’autre, je ne suis pas forcément un spécialiste de quelque chose, je suis un coureur un peu passe-partout. Les courses d’un jour c’est celles pour lesquelles j’arrive à mieux appréhender, à mieux m’épanouir et c’est une bonne chose. Les Ardennaises, je n’ai jamais eu la préparation idéale pour arriver au top sur ces dernières donc c’est difficile sans avoir fait un Pays Basque avant. Je pense qu’il faut continuer à faire les deux mais peut être après Paris-Nice, lever le pied pour avoir le jus nécessaire. Ce sont des petits réglages à trouver mais j’ai pris du plaisir. 

Le fait qu’un gars comme Philippe Gilbert gagne sur les deux domaines, c’est encourageant pour des gens comme vous ?

Je ne suis pas Philippe Gilbert, il s’est construit un palmarès complètement énorme et dans le cyclisme moderne c’est sûrement lui qui possède le plus gros palmarès. Quand on a un gabarit de 70kg et qu’on a les bonnes capacités de puncheur, c’est sur qu’on est entre les 3 : coureur de grand tour, chasseur d’étape et coureur de classique. Il faut goûter à tout et puis se spécialiser. Après c’est aussi la tête qui guide les objectifs, si on prend beaucoup de plaisir sur certaines courses, on a envie de revenir pour la gagner donc faut encore laisser le temps.

En étant en pic de forme, c’est des courses, dans un futur proche, où je peux inscrire de beaux résultats.

Le fait que l’équipe soit soumise aux invitations, c’est une gêne au niveau de la préparation ? 

Un petit peu. On définit un calendrier mais on sait qu’il y a des courses qui ne vont pas se faire, c’est un peu compliqué, c’est pas forcement pénalisant. On est dans un système où il faut marquer des points pour pouvoir être invité dans les années futures et ce qui est un peu pénalisant pour moi c’est que j’ai des objectifs à très haut niveau et à côté de ça, il y a des moments où je devrais lever le pied mais je suis obligé de m’aligner sur des courses à un plus bas niveau pour faire des résultats. Et parfois on perd sur les deux terrains et ça c’est un peu frustrant.

Vous avez eu des inquiétudes quant à votre participation au Tour de France ?

Ce serait trop facile de dire non après coup mais je n’ai pas trop douté, je n’ai pas voulu imaginer ça. Je pense que sur les 19 Tour de France de Jean René, ils ont toujours été réussis et ça a permis à l’équipe d’être l’une des équipes les plus populaires. Après on ne sait jamais, sur quels critères le choix est fait, qui sont les décideurs donc il y a toujours un doute qui plane mais j’ai pensé à mon début de saison sans inquiétude. On est une équipe qui va de l’avant et ça c’est une grosse force pour le Tour de France. Les plus belles victoires s’écrivent avec panache.

Vous sentez une certaine forme d’attente de la part du public pour récidiver votre victoire d’étape sur le Tour ?

Les attentes sont légitimes mais moi j’attends de regagner sur le Tour car je sais ce que c’est que de gagner sur le Tour, l’émotion que ça procure et je veux à tout prix revivre ça. Si je m’entraîne dur, si je fais des sacrifices, c’est pour moi, pas pour l’attente du grand public. Ce n’est pas une source de motivation mais certes quand on est propulsé avec des belles victoires, on a plus d’attentes. C’est quelque chose qui doit me pousser de manière positive. L’an passé je m’étais mis une certaine pression mais là je suis en train de trouver un bon équilibre et j’ai envie d’avoir du recul sur ce qui s’est passé. Faut rester serein et se servir des expériences bonnes ou mauvaises pour trouver cet équilibre.

Il y a une étape que vous ne pouvez absolument pas gagner c’est celle d’Albi parce que vous allez être plus que marqué. (ironie)

C’est vrai que c’est une étape complément folle mais c’est une étape un peu inconnue : on ne sait pas si ça arrivera au sprint avec la fin plus facile ou alors de baroudeurs. Je ne me fais pas trop d’inquiétudes là-dessus, j’essayerai de me faire oublier.

Quel va être votre programme au niveau des stages, des reconnaissances d’étapes de ce Tour de France ?

Il n’y a pas de nouveautés folles, le stage en altitude c’est quelque chose que je veux faire dans un futur proche mais je ne voulais pas investir seul là-dedans et prendre le risque de mal réagir. Je le ferai en janvier prochain plutôt, ce sera plus facile et moins pénalisant si ça ne fonctionne pas. Il y a du repos jusqu’à présent, je vais reprendre le vélo cette semaine. De mon côté, il y aura des reconnaissances d’étapes que j’ai « coché » et un petit stage perso que je ferai dans les Pyrénées, du 3 au 8 juin. Et après le Tour de Suisse qui sert de course de préparation. Si on peut avoir un résultat là-bas, on ne va pas s’y gêner mais vraiment de gros blocs avant le Tour de France pour finir la préparation.

Vous allez reconnaître les étapes plutôt de la première ou deuxième partie du Tour ? 

Pour moi le Tour de France ce sera surtout du premier jour à la fin de la deuxième semaine parce que la dernière laisse très peu de place aux baroudeurs avec des arrivées uniquement au sommet, très accidentées pour moi. C’est dans cette première quinzaine que je vais bien analyser les parcours.

L’altitude, c’est un paramètre que vous connaissez bien, que vous maîtrisez ? 

Non, la dernière semaine n’est pas une semaine sur laquelle je me penche, je n’ai pas envie de disperser mon énergie sur ça. Je veux me concentrer sur les objectifs qui sont dans mes cordes et réalisables. Souvent, en troisième semaine de Tour, il me reste encore un peu de fraîcheur mais je ne suis pas le plus fringant donc l’altitude c’est un peu compliqué avec des défaillances inexpliquées, des déshydratations. J’ai fait une étape au Tour de Suisse en très haute altitude, c’est ma seule référence.