Cyclisme : la grande interview de Benoît Cosnefroy

Sa campagne de classiques ardennaises, sa victoire à Paris-Camembert, ses objectifs, ses chances de découvrir le Tour... Benoît Cosnefroy s'est confié à La Presse de la Manche.

Benoît Cosnefroy à l'arrivée de la Flèche Wallonne, où il s'est classé 12e.
Benoît Cosnefroy à l’arrivée de la Flèche Wallonne, où il s’est classé 12e. (©Equipe cycliste AG2R-La Mondiale)
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Pour ta 2e participation à Liège-Bastogne-Liège (45e) dimanche, tu as réussi à passer à l’offensive. Peux-tu nous raconter ce final ?

J’ai suivi les consignes de l’équipe en tentant d’anticiper la côte de la Redoute. Romain (Bardet) m’a dit à un moment d’y aller. Au final, je me suis retrouvé dans un bon groupe de sept ou huit coureurs et j’ai eu le privilège de grimper La Redoute en tête de course. Au pied, je me suis dit : « profites-en à fond, ça n’arrivera peut-être qu’une fois dans ta carrière ! » Je suis resté concentré mais j’en ai bien profité ! En Belgique, il y a une ferveur de dingue, les gens sont fous sur le bord de la route ! Pour tout coureur, c’est le Graal d’ouvrir la route dans cette côte. En plus, ça allait bien ! Cela restera à jamais gravé dans ma mémoire. C’est mythique. Et puis, c’est une revanche par rapport à l’an passé car, avec mes problèmes d’allergies, je n’étais même plus dans le peloton à ce moment-là.

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Vous avez finalement été revus…

Oui, au pied de la Côte des Forges. Mais, j’avais encore suffisamment de forces pour aider Romain Bardet. Je l’ai placé en bonne position au pied de la Côte de la Roche-aux-Faucons, la dernière difficulté. Mon travail était fait et je suis rentré tranquillement pour voir Liège. J’étaiis très heureux de ma prestation et de ma condition physique.

Cela est venu conclure une semaine de rêve avec un bon Amstel Gold Race (42e) et une incroyable Flèche Wallonne (12e) ?

A l’Amstel, j’ai beaucoup de regrets car je ne me suis pas fait avoir à la pédale, j’ai sauté à cause de mon placement. J’étais déçu, car j’avais les jambes pour me faire plaisir dans le final. C’est la classique ardennaise qui me convient le mieux et j’avais beaucoup de frustration à l’arrivée. C’est pourquoi je voulais absolument me rattraper à la Flèche Wallonne. Pour la première fois, j’étais co-leader de l’équipe, au même niveau que Romain Bardet. C’était le moment pour moi de scorer, de montrer que je savais tenir un rôle de coureur protégé. Au final, j’étais tellement bien que je ne me suis jamais affolé durant la course.

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« Je ne pouvais pas aller plus loin dans la douleur, physique et mentale. »

Racontes-nous l’emballage final ?

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Dans l’ascension finale, j’étais dans la roue de Julian Alaphilippe, à côté de Valverde. Quand Alaphilipe part, je n’ai rien pu faire, j’ai vu que ce n’était pas de mon niveau. Mais, à 500 mètres de la ligne, j’avais encore de bonnes jambes et je suis encore 4e à 250 mètres avec le 3e juste devant moi. Là, à ce moment-là, je pense au podium. Je produis mon effort « max » et là, à 150 mètres, je n’ai plus rien du tout à donner. Je ne pouvais pas aller plus loin dans la douleur, physique et mentale. Les toxines ont explosé, je ne pouvais rien faire à part survivre ! J’ai mis cinq minutes à récupérer après l’arrivée tant l’effort produit était… incroyable.

As-tu des regrets ?

En gérant mieux, avec davantage d’expérience, je pouvais faire Top 5, au minimum Top 10. Je me suis peut-être un peu emballé. Mais, je ne regrette pas. J’ai appris des choses pour l’avenir. C’était la première fois que j’abordais le Mur de Huy à haute intensité. Ce n’est pas quelque chose que l’on maîtrise aussitôt. En tout cas, j’ai réussi à répondre présent après 5 heures de course, c’est bon signe. J’aime les courses longues. Plus les kilomètres défilent et mieux je suis.

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Comment réagis-tu quand tu te retrouves à jouer au milieu des meilleurs mondiaux ?

Cela peut paraître prétentieux, mais j’avais envie de faire ça et je savais que j’en étais capable. J’ai beaucoup travaillé ce genre d’efforts à l’entraînement. J’aime les efforts lactiques, les efforts punchys comme ça. Chez les pros, il faut essayer de se spécialiser dans un domaine et je pense avoir trouvé le mien avec les profils de courses comme les Ardennaises.

Les parcours casse-pattes comme à Paris-Camembert où tu as relevé les bras le 16 mars ?

Paris-Camembert, c’était top ! Je ne pouvais pas rêver meilleur endroit pour gagner. C’était chez moi, en Normandie, devant mes amis, ma famille… J’ai beaucoup couru en World Tour depuis le début de saison et je vais beaucoup courir en World Tour dans les mois à venir. Donc, je voulais absolument lever les bras sur cette courte période de courses en Classe 1. Sur la Route Adélie, je chute. Au Circuit de la Sarthe, j’ai dû travailler pour le collectif car « Gougou » (Ndlr : Alexis Gougeard) était leader. Il ne me restait plus qu’une chance : Paris-Camembert.

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Tu as fait fort en attaquant à 80 kilomètres de l’arrivée…

Oui, ça paraît fou ! Surtout que je n’avais pas le droit de faire de ça. Au briefing, il était prévu que j’attende le final. C’est Quentin (Jauregui) qui devait attaquer de loin. Mais, comme il n’y allait pas, j’ai saisi ma chance. J’ai débranché un peu l’oreillette et je suis parti car je me sentais tellement bien ! Dans le final, quand des coureurs plus frais sont rentrés sur moi, il y avait peu de probabilités pour que je gagne. Mais, finalement, j’ai trouvé l’ouverture. J’ai pu savourer sur les 200 derniers mètres, en solitaire. Cela fait trop plaisir !

« C’est quand même dingue ! Dans le final, j’arrive même à rigoler en course avec Julian Alaphilippe ! »

T’attendais-tu à atteindre ce niveau ?

C’est clair que j’ai franchi un gros palier physique. L’an dernier déjà, en fin de saison, j’avais de bons acquis. J’ai pu jouer à Plouay (9e), à Paris-Tours (3e), à Montréal (24e), au Québec (25e)… Mais là, j’ai passé un nouveau cap. A Liège, sur l’une des plus grosses courses du monde, j’arrive à jouer sur un parcours comme ça. C’est quand même dingue ! Dans le final, j’arrive même à rigoler en course avec Julian Alaphilippe ! Honnêtement, je ne m’attendais pas à progresser à ce point-là.

Benoît Cosnefroy (à gauche) à l'attaque dimanche à Liège-Bastogne-Liège.
Benoît Cosnefroy (à gauche) à l’attaque dimanche à Liège-Bastogne-Liège. (©Twitter AG2R La Mondiale.)

Comment expliques-tu cette progression ?

Depuis ma grosse chute, en 2015, j’ai la chance de disputer des saisons complètes, de février à octobre et cela m’enrichit physiquement. Cela me permet de passer un cap supplémentaire chaque année. Et puis, la confiance de l’équipe à mon égard grandit de manière linéaire et ça conforte l’aspect mental. C’est un tout qui permet que ça se passe bien pour moi. Mais, de là à espérer ce qui m’arrive…

Et tu n’as que 23 ans alors que la maturité cycliste intervient plutôt vers 28-29 ans…

Oui, mais il ne faut pas s’enflammer non plus. Après, c’est sûr qu’en continuant à progresser et à bien travailler, cela me donne des ambitions élevées pour l’avenir. Claquer une grande classique un jour, ça sera mon objectif un jour…

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« Pour le Tour de France, je pense que j’ai marqué des bons points »

En attendant, quel est ton programme ?

Là, cela va être du repos complet pendant une semaine. Je vais me ressourcer à la maison. C’est toujours mieux de couper quand on est en forme. Et puis, il est possible que je fasse un gros enchaînement de courses pour la suite de la saison donc c’est nécessaire pour moi de couper afin d’arriver frais sur les prochaines échéances. Je repends début juin avec deux épreuves de Coupe de France, le GP de Plumelec et les Boucles de l’Aulne à Chateaulin. Avant cela, je pars pour un stage en Sierra Nevada avec le groupe présélectionné pour le Tour de France.

Penses-tu être au départ du Tour ?

Je serai au départ du Dauphiné et je pense que c’est là que la décision va se jouer pour le Tour de France. Je pense que j’ai marqué des bons points depuis le début de saison. J’ai prouvé que l’équipe pouvait me faire confiance et j’ai montré que j’étais volontaire en allant faire la reconnaissance d’étape à la Planche des Belles Filles avec Romain Bardet. J’espère être au départ en tout cas, mais rien n’est joué.

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