Retiré du cyclisme à cause d’une malformation cardiaque : «Ma vie est plus importante que le vélo»

L’ancien coureur de l’Essonne Tanguy Turgis a dû stopper sa carrière à 20 ans à cause d’une malformation cardiaque. Il se livre pour la première fois.

 « J’étais anéanti », raconte Tanguy Turgis, contraint d’arrêter le vélo à cause d’une malformation cardiaque.
« J’étais anéanti », raconte Tanguy Turgis, contraint d’arrêter le vélo à cause d’une malformation cardiaque. Franz-Renan Joly/Vital Concept-B & B Hotels

    Plus jeune coureur à finir Paris-Roubaix l'an dernier, Tanguy Turgis (20 ans) était l'un des grands espoirs du cyclisme français. Mais en octobre dernier, le natif de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), originaire de l'Essonne, a appris qu'il devait stopper sa carrière à cause d'une malformation cardiaque. Le frère cadet de Jimmy (Vital Concept) et Anthony (Direct Énergie) s'exprime en longueur pour la première fois, alors que l'une des plus anciennes courses cyclistes fêtera sa 117e édition dimanche.

    Comment allez-vous ?

    TANGUY TURGIS. Moralement, j'essaye de relativiser. Quand on m'a annoncé que je ne pouvais plus faire de vélo, j'étais anéanti. Je suis resté plusieurs jours au fond du trou. Mais j'ai été soutenu par mon père et Jérôme (NDLR : Pineau, le manager de Vital Concept) qui m'ont tout de suite inscrit à des formations. C'était la bonne solution car ça m'a évité de trop ruminer. La perspective de rester dans le milieu cycliste m'a permis de commencer à faire un peu le deuil de ma carrière. Mais j'ai encore vécu des choses très dures récemment. C'était différent de l'annonce, mais ça a aussi été un choc violent.

    Que s'est-il passé ?

    J'ai refait des crises, des malaises. J'en avais ras le bol, l'impression que ça n'en finirait jamais, qu'on remuait le couteau dans la plaie. J'ai eu peur pour moi, pour ma vie… Mais du coup, ça m'a rendu moins triste pour le vélo. J'ai compris que ma vie était plus importante que le vélo. Je dois me remettre de tout ça, normalement ça devrait aller mieux.

    Avez-vous le sentiment d'avoir grandi à cause de ses épreuves ?

    Forcément, je suis devenu moins insouciant. J'ai été obligé de réfléchir à mon futur. Avant, ma vie était entièrement tournée vers le vélo. Maintenant, j'ai compris que je pouvais profiter d'autres choses, des trucs tout bêtes de la vie quotidienne.

    Avez-vous eu besoin de couper avec le milieu du vélo ?

    Non, je suis toujours autant passionné. Mais j'ai maintenant un autre regard. J'avoue que ça a été compliqué de regarder certaines courses sur mon canapé. Mais il y a mes deux frères. Je parle beaucoup avec eux et je suis à fond derrière eux. Ça m'a énervé qu'on présente Anthony juste comme une révélation sur ces classiques alors qu'il marche très fort.

    À l'occasion de sa victoire au GP la Marseillaise début février, Anthony a déclaré : « Je venge mon frère de ce qui lui est arrivé »…

    Je ne m'y attendais pas. Avec Jimmy, on a beaucoup échangé sur mon problème. Comme ma mère, Anthony, lui, ne montre pas ses sentiments. En me dédiant sa victoire, il m'a montré que mon souci l'avait touché. Il était atteint, mais il n'était pas arrivé à me l'exprimer par des mots en face-à-face. Il attendait cette victoire pour me le dire. Forcément, ça m'a ému. On avait déjà des liens forts, mais avec ce qui m'est arrivé, ils ont été renforcés. C'est grâce à ma famille que je peux remonter la pente.

    Qui d'autres vous a soutenu ?

    Jérôme (Pineau) ne m'a jamais lâché. Il a montré que pour lui, l'homme est plus important que le coureur. Dans d'autres équipes, ça ne se serait pas forcément passé comme ça. Le soutien d'amis coureurs comme Pavel Sivakov (Sky) a aussi beaucoup compté. Sur le vélo, on joue parfois un rôle. On est forcé à être des personnes différentes que dans la vraie vie. J'ai découvert des coureurs que je ne connaissais pas. Dans une formation, j'ai beaucoup discuté avec Guillaume Levarlet. Lui aussi a vécu des choses dramatiques (NDLR : il conduisait la voiture lors du décès d'Arnaud Coyot en 2013). Tous les deux, on a eu des discussions très fortes.

    Comment voyez-vous votre avenir ?

    J'espère devenir un bon directeur sportif ou un bon manager d'équipe. Au lieu de l'être à 40 ans, je le serai à 25 (sourire)… Les formations me plaisent en tout cas. Je vais faire des stages avec le VCP Loudéac et Vital Concept. Bientôt, j'espère pouvoir refaire un peu de sport. Mais même si les médecins me donnent leur feu vert, je dois encore dépasser certaines appréhensions.

    Dimanche, c'est Paris-Roubaix…

    Cette course m'a marqué, donc forcément au moment du départ, je risque d'être un peu triste. Je devais venir aider l'équipe sur certains secteurs pavés même si j'appréhendais un peu de revoir tout le monde. Malheureusement, j'ai encore eu quelques soucis cette semaine et je ne vais devoir rester à la maison. Je serai à fond derrière mes frères !

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