Tour de La Provence : "Transmettre, c'est important" (Philippe Gilbert)

Même s'il ne connaît pas par coeur les routes de Provence, Philippe Gilbert sera presque à domicile, lui qui réside à Monaco.

Même s'il ne connaît pas par coeur les routes de Provence, Philippe Gilbert sera presque à domicile, lui qui réside à Monaco.

Photo Sigrid Eggers / Deceuninck-Quick Step Cycling Team

Motivé à la tête de l'équipe Deceuninck-Quick Step, le Belge parle de ses ambitions et de son envie de léguer aux plus jeunes

Attention, la meute de loups débarque ! Autoproclamée ainsi ("the wolfpack", en anglais), la formation Deceunick-Quick Step arrive en Provence avec l'ambition de faire honneur à son statut de N.1 mondiale, acquis en 2018 au fil de ses 73 succès.

Philippe Gilbert, l'ancien champion du monde, sera évidemment l'une des têtes d'affiche de l'épreuve et pourrait partager le leadership avec le champion de Belgique Yves Lampaert. Au sortir d'un stage de préparation en Algarve (Portugal), Gilbert raconte aussi les raisons qui le poussent, à 36 ans, à transmettre le témoin à la jeune génération débordante de talent.

En 2016, lors de la 1re édition du Tour de La Provence, Quick Step avait raflé deux des trois étapes (Martinelli, Gaviria) et deux maillots (Gaviria, Vakoc). Bis repetita cette année ?

Êtes-vous impatient d'effectuer vos premiers tours de roue de la saison 2019 cette semaine au Tour de La Provence ?
Philippe Gilbert : Oui, j'ai hâte d'y être ! C'est toujours bien de mettre un dossard, j'aime la compétition, je viens avec plaisir. Je ne l'ai jamais disputé, l'idée de découvrir de nouveaux parcours me branche aussi.

Connaissez-vous les routes que vous allez devoir affronter ?
Philippe Gilbert :
Pas trop. J'ai dû y passer lors du Tour de France ou de Paris-Nice peut-être, voire sur le Tour Méditerranéen à l'époque. Je ne connais pas mais généralement, les livres de route (document fourni par l'organisation à toutes les équipes) ne sont pas trop mal faits, on ne sera pas totalement dans l'inconnu.

Il n'y a pas de haute montagne mais le parcours sera très accidenté. Pas évident pour un début de saison. Dans quel état d'esprit prendrez-vous le départ ?
Philippe Gilbert : Je viens avant tout pour faire des kilomètres avec un rythme de course. Reprendre la compétition sous le soleil de Provence, c'est plutôt pas mal ! Le but sera de travailler le rythme durant les trois étapes en ligne, de monter en régime gentiment en vue de la saison.

Avez-vous regardé le plateau, les coureurs annoncés ?
Philippe Gilbert : Non, je regarde ça seulement la veille du début de course. Je ne me prends pas trop la tête avec ça.

C'est la 4e édition, il y aura neuf équipes World Tour dont la vôtre. Quelles seront vos ambitions ?
Philippe Gilbert : On arrive avec une composition d'équipe assez forte. Le prologue permettra rapidement de voir lequel d'entre nous sera le plus fort et qui sera protégé pour éventuellement jouer le général. Ensuite seulement, on avisera sur la tactique. Quand on est au départ d'une épreuve, Deceunick-Quick Step est toujours là pour faire le meilleur résultat possible.

Et personnellement ?
Philippe Gilbert : On sait très bien qu'en début de saison, il peut y avoir d'énormes différences de niveau selon les états de forme et la préparation. Certains coureurs sont déjà très prêts dès les premiers coups de pédales (sourires) ; c'était mon cas voilà quelques années, maintenant je fais tout pour arriver en forme fin mars-début avril, quand arrivera la période de mes objectifs (les classiques printanières). Me concernant, on est trop tôt dans la saison, je ne serai pas encore au top de ma forme.

Quick Step était l'équipe N.1 mondiale 2018, avec 73 victoires, un record historique. Vous en êtes déjà à quatre succès cette année. Vous aurez forcément un statut à défendre et honorer.
Philippe Gilbert : On repart sur de bonnes bases. Au-delà du nombre, l'équipe cherche aussi la qualité. Donc les courses qui nous tiennent vraiment à coeur, qui seront vraiment les moments forts du début de saison, ce sont les classiques. À partir de Milan-San Remo et pendant un mois et demi, ce sera là qu'il faudrait gagner. La pression sera à ce moment-là, mais on essaye déjà de se mettre en place, de prendre les automatismes entre coureurs.

Quels seront vos objectifs personnels en 2019 ? En janvier 2018, vous aviez déclaré vouloir remporter les deux "Monuments" manquants à votre palmarès...
Philippe Gilbert : Ça n'a jamais été un secret. Après avoir remporté le Tour des Flandres (en 2017), cet objectif de gagner les 5 "Monuments" du cyclisme devenait encore plus réalisable. Il m'en reste deux à chasser... Je m'en rapproche mais ça reste toujours aussi compliqué. J'ai déjà terminé deux fois sur le podium de Milan-San Remo (3e en 2008 et 2011) sans réussir à gagner. J'ai disputé peu de fois Paris-Roubaix (deux fois, en 2007 et 2018) mais c'est une course que je cible bien davantage désormais.

Le 23 mars prochain, vous devriez participer pour la 15e fois à la Primavera (la classique printanière, le surnom de Milan-San Remo). Vous rêvez toujours de faire un coup comme Nibali l'an dernier, en sortant du Poggio pour aller gagner en solitaire ?
Philippe Gilbert : Ce qu'ont fait Nibali et Kwiatkowski ces deux dernières années, ça donne évidemment de la motivation à des coureurs comme moi. Le moral est gonflé à bloc quand on voit que c'est possible de fausser compagnie au peloton et de résister à son retour dans la descente. Pendant de longues années, mes chances et opportunités étaient assez réduites car on avait régulièrement des sprints massifs à l'arrivée.

Vous avez délaissé Paris-Roubaix, avant d'y goûter à nouveau l'an dernier. Est-ce l'un de vos derniers gros objectifs ?
Philippe Gilbert : Clairement, j'ai vraiment envie d'essayer de briller sur "l'enfer du Nord". C'est une course particulière mais amusante : ça change sans arrêt, il y a des rebondissements dans tous les sens. Malgré les oreillettes (pour la liaison radio avec leurs directeurs sportifs), on peut vite se retrouver perdus, on ne sait plus trop où on en est. C'est une course dure à contrôler.

L'an dernier, vous n'avez eu qu'une seule victoire (GP d'Isbergues). Était-ce une saison en demi-teinte ou ratée ?
Philippe Gilbert : Je n'ai pas eu la réussite nécessaire pour rafler plusieurs succès, mais j'avais le niveau, je répondais présent. J'ai aussi joué des rôles très importants pour l'équipe. J'ai vécu des moments de joie par procuration, j'étais dans l'équipe vainqueur du Tour des Flandres (Terpstra) et de Liège-Bastogne-Liège (Jungels). Dans le passé, j'avais gagné ces épreuves, là j'ai vécu la victoire d'une autre manière. Cela procure des émotions différentes, mais ça reste de grands moments de l'histoire du cyclisme quand même. Maintenant, il ne me restera plus qu'à les remporter en étant directeur sportif, et je pourrai dire que j'aurai tout connu sur ces courses.

Devenir directeur sportif, une fois votre carrière de cycliste terminée, pourrait vous intéresser ?
Philippe Gilbert : Je ne sais pas, je ne me suis pas posé la question encore, mais vivre la victoire selon différents points de vue, ce sont des moments particuliers et rares dans une carrière.

Doit-on s'attendre désormais à voir un Philippe Gilbert plus équipier que leader alors ?
Philippe Gilbert : En 2018, c'était plutôt vrai, mais cette année, je repars sur de bonnes bases. 2019 s'annonce une bonne année.

Vous aurez 37 ans en juillet prochain. N'êtes-vous pas lassé ou fatigué, par dix-sept saisons au plus haut niveau, par la répétition des efforts, l'entraînement foncier l'hiver ?
Philippe Gilbert :
Pas du tout. J'ai une vie très bien organisée pour faire ce métier-là, j'ai mis toutes les chances de mon côté pour mener une carrière longue. J'ai quitté la Belgique en partie pour ça, afin d'avoir de meilleures qualités de vie ; le fait de vivre dans le Sud ça aide. Du côté de Monaco, on ne connaît pas vraiment les soucis liés à l'hiver. J'ai fait des sacrifices mais ça paye.

Jusqu'à quand pensez-vous continuer ?
Philippe Gilbert : Tant que je sens que j'ai le potentiel pour gagner des grandes courses, ça me donne envie de continuer. Mais si une année, j'ai tout fait à bloc, que j'ai l'impression d'avoir tout donné pour faire seulement 10e du Tour des Flandres, je pense que je réfléchirai... Ça ne servirait à rien de devenir ridicule. Il faut savoir s'arrêter, le luxe c'est de choisir le moment où on range le vélo. J'ai envie de prendre la décision moi-même.

Au sein de votre équipe, la relève pousse très fort. Vous êtes très proche de Julian Alaphilippe, le jeune (19 ans) Remco Evenepoel est décrit comme un véritable phénomène. Est-ce important pour voir de transmettre certains conseils, des valeurs, aux plus jeunes ?
Philippe Gilbert : Oui, ça me plaît, j'y vois un côté amusant. Ces jeunes sont à l'écoute. Nous avons un groupe très discipliné et c'est bien de transmettre. Surtout de le faire sur le vélo : en course, j'aime partager mon expérience, c'est en situation que l'on apprend le plus.

Quand vous étiez jeune, quelqu'un a-t-il joué ce rôle de grand frère, qui vous a pris sous son aile ?
Philippe Gilbert : Durant mon époque Lotto principalement (2009-2011), un coureur comme Mario Aerts s'est montré très présent pour me conseiller, me transmettre son expérience. Un mec comme Leif Hoste aussi, a joué un rôle crucial dans beaucoup de mes victoires ; il me plaçait exactement où il fallait au bon moment. Ce genre de coureurs d'expérience m'a vraiment aidé dans la construction de mes succès dans les classiques. C'est important de pouvoir transmettre et de compter sur un coureur plus âgé. Donc je le fais avec d'autant plus de plaisir à mon tour aujourd'hui.

Philippe Gilbert

Né le 5 juillet 1982 à Verviers (Belgique). Réside à Monaco.

Taille : 1,79 m. Poids : 69 kg. 17e saison professionnelle.

Équipes successives : FDJeux.com (2003-2004), La Française des Jeux (2005-2008), Silence-Lotto (2009), Omega Pharma-Lotto (2010-2011), BMC Racing (2012-2016), Quick-Step Floors (2017-2018), Deceuninck-Quick Step (2019- ?).

Palmarès : Champion du monde (2012), champion de Belgique (2011, 2016), champion de Belgique du contre-la-montre (2011).

Tour de Lombardie (2009, 2010), Liège-Bastogne-Liège (2011),

Flèche wallonne (2011), Tour des Flandres (2017), Paris-Tours (2008, 2009), Amstel Gold Race (2010, 2011, 2014, 2017), Clasica San Sebastian (2011).

Sur les Grands Tours : 1 étape du Tour de France et maillot jaune durant 1 jour (2011), 3 étapes du Tour d'Italie (2009 et 2015), 5 étapes du Tour d'Espagne (2010, 2012 et 2013) et maillot rouge durant 5 jours en 2010.