D’où viennent les nouveaux professionnels Français du peloton 2019 ? Après Alan Riou (Arkéa Samsic), Geoffrey Bouchard (AG2R La Mondiale), Simon Guglielmi (Conti Groupama FDJ) et Mathieu Burgeaudau (Direct Energie) place à Clément Carisey qui rejoindra Israel Cycling Academy. Vous les retrouverez désormais chaque semaine le mardi sur Vélo 101 et vous découvrirez leur passé, les grands moments qu’ils ont vécu et les galères qu’ils ont connues…

Clément Carisey VC CaladoisClément Carisey VC Caladois | © Marine Comby

Clément, es-tu venu au vélo directement ou par quels autres sports es-tu passé avant ?

Je suis venu au vélo un peu par hasard, je cherchais un sport d’extérieur, j’en avais marre de pratiquer le judo depuis que j’avais 4ans. Je cherchais quelque chose pour m’évader et puis je suis tombé sur le Tour de France à la télé. Ça m’a plu, j ‘ai tout de suite adhéré même si au début c’était surtout pour s’amuser avec les copains. J’ai donc commencé à pratiquer le vélo de route en minime deuxième année.

Qui et qu’est ce qui t’a poussé vers le vélo ? 

Personne ne m’a poussé à faire du vélo, c’est vraiment venu comme ça. Personne de ma famille n’avait pratiqué ce sport ni même en était intéressé. C’est donc les superstars de l’écran et les paysages qui m’ont poussé dans cette voie.

Ton premier vélo ressemblait à quoi ? 

Mon tout premier vélo route était celui que mon club m’avait prêté pour tester 2/3 sorties avant de prendre une licence. Il s’agissait d’un Giant jaune, nombre de vitesses ? Aucun souvenir mais je me rappelle que je ne les changeais pas beaucoup. Ensuite mes parents m’ont acheté un Décathlon premier prix, j’étais fier. Je trouvais qu’il allait bien avec mes couleurs. L’ES Saint Martin d’Hères (ESSM) avait un maillot jaune et bleu, et le vélo était bleu et blanc.

Ta première licence tu l’as prise à quel âge ? quel club ? 

J’ai donc pris ma première licence dans la catégorie minime 2, ça doit être vers 12 ans je pense. C’était à l’ESSM, le siège du club était tout proche de chez moi, même pas 500m. On était plusieurs du même âge et on était content de se retrouver 2 fois par semaine pour rouler quelques kilomètres. 

As-tu goûté aux autres disciplines du vélo : bmx, vtt, autres ?  

J’ai rapidement goûté à la piste. Comme mon club possédait une grande quantité de vélos de piste à prêter à ses licenciés, j’ai pu découvrir la piste sur le vélodrome d’Eybens, toujours dans l’agglomération Grenobloise. Je n’ai jamais fait de VTT ni même de cyclo-cross lorsque j’étais jeune, et même encore aujourd’hui, il m’arrive de piquer le VTT de mon père pour 2 ou 3 sorties dans l’année mais pas plus.

Je suis resté fidèle à mon club formateur l’ESSM, jusqu’à ce que je monte en première catégorie. J’y ai donc passé mes années cadets, juniors et espoir 1. Ensuite j’ai atterri au VC Caladois (maintenant VC Villefranche) pour 4 saisons. Puis j’ai débarqué en DN1 au CR4C Roanne en 2016. Après deux années à Roanne je me suis exporté à Cournon d’Auvergne pour rejoindre le Team Pro Immo Nicolas Roux donc pour cette année 2018.

Quels dirigeants, formateurs, animateurs t’ont particulièrement marqué et pourquoi ? 

Le premier ‘personnage’ que j’ai rencontré est Philippe TARANTINI dit ‘Tartine’ pour les connaisseurs, quelqu’un de haut en couleur mais avec de grandes qualités. C’était mon entraineur pendant mes années cadet et junior, il est extrêmement impliqué et encore aujourd’hui il est acteur à l’ES St Martin d’Hères. J’ai gardé de bons contacts avec lui, lorsqu’on s’appelle il continue de me conseiller et de me motiver, il me connaît bien et j’aime sa façon de faire. Il a beaucoup fait pour moi et si je dois remercier une première personne dans le monde du vélo c’est bien lui.

Ensuite forcément il y a eu la famille BARLE au VC Caladois, Serge et ses 2 fils Anthony et Rudy. Anthony a su monter une équipe presque exclusivement financée par des sponsors privés. Ça restera l’équipe qui m’a fait découvrir le haut niveau amateur sur route. Je leur dois aussi beaucoup dans ma réussite même lorsque je n’étais plus avec eux. Ils m’ont toujours aidé. Plus récemment il y a eu Nicolas ROUX, quelqu’un d’adorable qui ne s’arrête jamais de parler, mais il a une bonne excuse, c’est un vrai passionné. D’ailleurs pour preuve, il permet à plusieurs coureurs de vivre de leur passion depuis maintenant plusieurs années. Cette dernière année chez les amateurs en 2018 est celle où je me suis le plus épanoui et c’est en grande partie grâce à lui et à Patrick BULIDON aussi membre du bureau du TEAM PRO IMMO. Les deux se donnent à fond pour nous et pour le vélo.

A partir de quel âge, as-tu eu un entraîneur ? 

Depuis que j’ai commencé le vélo j’ai eu la chance d’avoir un entraineur. Chaque catégorie avait son propre entraineur à l’ESSM. Tartine fut mon premier vrai entraineur. Mes deux dernières saisons, je n’en avais pas, par choix. J’ai les bases de l’entrainement grâce à une licence STAPS. Lorsque j’ai commencé à m’entrainer avec un capteur de puissance, Vincent GARIN du CR4C Roanne m’avait suivi pour m’accompagner avec ce nouvel outil d’entrainement. Une fois les mécanismes compris j’ai décidé de ne plus être suivi. Mais je fonctionnerai de nouveau avec un entraineur l’année prochaine, je pense qu’il y a tant à gagner à être suivi que pour avoir une chance de réussir à l’étage supérieur je me dois de construire une relation avec un entraineur.

Tu as senti un réel progrès à ce moment-là ?

Oui bien sûr, lorsqu’on ne se connait pas il est important d’avoir un entraineur qui va mieux comprendre les réactions de notre organisme. Il va aussi nous soutenir mentalement, il peut nous ôter certains doutes et questionnements dans les moments difficiles. Pour autant il faut avoir une relation de confiance et privilégiée avec son entraineur. Avoir un entraineur ne rime pas forcément avec progrès, il faut une alchimie entre entraineur et entrainé.

On sait que quelques fois, la cohabitation entre l’entraîneur et les objectifs des clubs n’est pas évidente, comment ça s’est passé pour toi ? 

De ce côté aucun problème pour moi, j’ai toujours fonctionné avec des entraineurs membres de l’équipe à laquelle j’appartenais donc les objectifs étaient ciblés ensemble.

Clément Carisey CR4C RoanneClément Carisey CR4C Roanne | © Léa Décourtet

A partir de quel âge, passer pro est devenu une évidence ? 

Cela n’a jamais été une évidence, ni même forcément un besoin, un souhait ou autre chose. Dans le cyclisme comme dans d’autres sports, la notion de dépassement de soi est prépondérante. La seule chose que j’avais en tête était de voir jusqu’où je peux aller, que ça s’arrête aux rangs amateurs ou professionnels. Je garde avant tout la notion de plaisir, je pense que c’est essentiel pour performer, du moins sur la durée. Donc passer pro, peut être une étape, un objectif pour certains mais pas pour moi, cela reste un niveau de performance, un peu comme s’arreter au niveau d’une licence à l’université ou bien passer en master. Être pro, c’est satisfaisant, tu te dis que tu étais parmi les meilleurs amateurs et que l’on te recompense pour ca. Mais tu prends un nouveau depart et tu dois tout reprendre de 0 et faire tes preuves.

Quel rôle ont joué tes parents dans tout ça ? le rôle de ton papa d’un côté, celui de ta maman de l’autre ?

Mes parents qui ne connaissaient rien au vélo n’ont jamais été un frein dans ma progression. Très vite ils se sont même pris au jeu. Mais jamais cela n’a été un poids pour moi. Ils gardaient leur casquette de supporters et n’ont jamais essayé de s’impliquer davantage, ce qui, je pense, aurait pu rompre un certain équilibre. J’entends par là, aucune implication dans l’entraînement ou autres domaines dans lesquels ils n’avaient pas les clefs pour m’aider, ils ne m’ont jamais mis de pression. Encore aujourd’hui ils viennent sur quelques courses lorsqu’elles sont dans le coin, c’est quelque chose que j’apprécie pour l’aspect décontracté puisqu’ils n’attendent pas de moi un résultat, même si je me sens obligé de faire les choses mieux. Les voir au bord de la route m’aura évité plus d’une fois de bâcher la course ça c’est sur !

La trajectoire a-t-elle été linéaire ou y-a-t-il eu des galères, des passages difficiles ? explications et sortie de crise, comment ? 

La trajectoire de toute personne évoluant dans le haut niveau n’est pas linéaire, il y a des hauts et des bas. Le but c’est de savoir gérer les bas mais aussi les hauts. Le sport n’est pas une science exacte ce qui veut dire qu’il y a beaucoup d’hypothèses et d’inconnues. Ce qui marche aujourd’hui ne marchera pas forcément demain. Il y a bon nombre de moments difficiles dans le cyclisme, à commencer par les sacrifices. Ils sont possibles quand tu as un entourage qui te supporte et qui t’aide, qui veut ton bien. L’entourage comprend énormément de personnes, parlons plutôt d’environnement : ça rassemble ta famille, tes amis, les personnes que tu côtoies, ton club… S’il ne t’est pas favorable, les crises sont plus fréquentes ou plus dures. Et puis il y a aussi les déceptions qui sont dures à encaisser, la différence entre l’objectif et le résultat brut. Tu as les chutes qui font aussi partie de la vie de cycliste. 

L’essentiel c’est de savoir rebondir, je ne suis pas quelqu’un qui manque de motivation donc c’est plus facile pour sortir des moments difficiles.

26 ans pour passer pro, tu y as toujours cru ?

26 ans on te vend comme vieux mais tu développes d’autres qualités qu’un jeune espoir. Alors oui sur le long terme tu présentes peut-être un moins fort potentiel. Encore que… ça dépend du niveau d’engagement du coureur, certains passent pro jeunes et ne réussissent pas car ils ont déjà presque atteint leur potentiel maximal. Mais à 26 ans tu as une plus grande expérience de la vie, tu es plus mature, plus développé et si tu n’as jamais été à 100% tu as encore une marge de progression. On ne régresse pas après 26ans. Paradoxalement, plus les années passaient avec des résultats en hausse et plus je me disais: et pourquoi pas moi ?’ Alors qu’en vieillissant tu te fermes des portes année après année 

Victoire sous le maillot de Pro ImmoVictoire sous le maillot de Pro Immo | © Perrine Sauvey

 

Passer pro ET dans une équipe Israélienne, tu l’aurais imaginé au début 2018 ?

Passer pro oui, je me disais que ce n’était pas impossible si je faisais une grosse saison même si j’étais bien conscient qu’il y avait peu de chances et que c’était ma dernière année. Alors penser passer pro chez Israel Cycling Academy, non je n’y ai jamais songé début 2018. Mon agent Joona LAUKKA a pu me trouver une place de stagiaire dans cette équipe. J’ai donc découvert un autre univers où tout est tourné vers la performance. C’est super plaisant ! J’ai appris beaucoup sur les 27 jours de courses avec eux et ça m’a donné envie de continuer pour 2019. Ce qui m’a le plus marqué c’est le professionnalisme du staff, bon ok c’est le monde pro, mais quand même, on est chouchouté. Passer pro ici est donc une superbe nouvelle pour moi car je vais pouvoir découvrir quelque chose de nouveau et cela va me permettre de progresser davantage. En plus de ça à l’étranger, ça va être riche d’expérience avec le mélange des cultures. L’an prochain je fonctionnerai avec deux entraîneurs en concertation, Vincent Terrier et le Canadien Paulo Saldanha. 

Israël Cycling Academy est candidate au Tour de France 2020, ça donne des idées ? 

Ça donne des idées pour l’équipe oui. Pour moi aussi mais je reste réaliste. Je ne veux pas brûler les étapes, je vais débarquer dans le monde pro l’année prochaine. Je vais d’abord tâcher de m’adapter au plus vite et de pouvoir être performant dans ce milieu. Le Tour c’est la plus grosse compétition cycliste de l’année. Ensuite adviendra ce que pourra. Je suis davantage porté sur la destinée donc je me concentre sur ce que je peux faire et j’essaye de prendre les opportunités qui s’offrent à moi. Donc si elles ne se présentent pas je ne suis pas frustré ou aigri. Il faut accepter ce qui vient mais si l’équipe est présente sur le Tour 2020 et que les dirigeants pensent que je peux être une plus-value au groupe sur un tel évènement, je ne ferai pas la fine bouche. En tout cas je crois sincèrement que l’équipe a le niveau, les qualités et les atouts pour participer au Tour 2020.