Steve Chainel : « Ce titre va énormément m'aider »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Le rêve d’une carrière toute entière ! Après l’avoir tant espéré pendant plus d’une décennie, Steve Chainel est parvenu à décrocher, ce dimanche à Quelneuc (Morbihan), son tout premier titre de Champion de France Elites de cyclo-cross (voir classement). Très impliqué dans le développement de sa discipline de coeur depuis plusieurs années, avec notamment la création de sa propre structure, le Team Canyon-Chazal, le coureur de 34 ans - en pleurs sur la ligne d’arrivée - sera parvenu à dompter son rival de toujours, Francis Mourey, et le grand favori Clément Venturini, trop juste après un hiver bien plus léger qu’à l’accoutumée. Le voilà sur le toit du cross hexagonal. Steve Chainel revient sur ce grand moment d’émotion pour DirectVelo.

DirectVelo : Ce titre, tu l’attendais depuis tellement longtemps !
Steve Chainel : Je vais vous faire une confidence… Quand j’ai terminé 4e du Championnat du Monde de cyclo-cross en 2006, à 22 ans, cela a été un cadeau empoisonné. C’est arrivé beaucoup trop tôt. L’année suivante, tu viens forcément pour faire mieux. J’étais passé pro grâce à ce résultat et par la suite, je m’étais dit que j’étais capable de gagner un Championnat de France ou de faire un podium sur un Championnat du Monde. Et finalement, cela n’est jamais arrivé pendant quatorze ans !

Pourquoi ?
L’approche des Championnats a toujours été compliquée pour moi. A chaque fois, j’avais ce souvenir de 2006 en tête. J’étais toujours cité parmi les favoris, à deux ou trois étoiles… Mais je me suis installé dans une spirale négative. Alors oui, on m’a toujours connu très souriant et jovial, à faire genre que tout allait bien, mais quand je m'entrainais seul dehors par -10°C ou que je soulevais de la fonte, ce n’était pas pour enfiler des perles ! Je n’avais qu’une envie : décrocher ce maillot de Champion de France. Pour moi, mais aussi pour tous mes proches, mon entraîneur, mon kiné, mon meilleur ami…

« COMME UN GAMIN, J’AI ATTAQUÉ BÊTEMENT »

C’est le plus grand jour de ta carrière ?
C’est très beau. C’est l’un des plus beaux jours de ma carrière sportive. Je n’oublie pas que j’ai remporté une belle étape aux Trois jours de La Panne, mais clairement, le cross c’est ce que j’aime le plus. Ce maillot, je vais le porter fièrement pendant un an. Et l’an prochain, le Championnat de France avec le dossard 1, il aura de la gueule aussi !

Revenons au déroulé de la course. Comment t’y es-tu pris pour gagner ?
J’ai essayé de prendre un bon départ, comme d’habitude. Je voulais essayer de m’isoler assez vite avec les meilleurs, mais tout en attendant. Il fallait attendre, attendre… Et ne pas faire la même connerie que mes gamins hier (les Espoirs du Team Canyon-Chazal, NDLR). J’ai vite senti que techniquement, j’étais très propre. Le vélo avançait tout seul dans les virages. Puis après 15 minutes de course, je ne sais pas ce qui m’a pris…

Tu as placé une grosse attaque !
Comme un gamin (rires) ! J’ai attaqué bêtement, en fait. Mais j’ai vite pris cinq-six secondes d’avance. Puis j’ai crevé en bas de la route et là, je me suis dit que ça n’allait encore pas être pour moi cette année. Mais finalement j’ai continué de rouler et en récupérant mon autre vélo, j’étais toujours en tête avec ces cinq secondes d’avance. A partir de là, je me suis dit que de toute façon, il fallait que j’y aille, que je tente… Je cherchais mon père du regard. Tout le monde me disait que je creusais l’écart :  20, 22, 25 secondes…

« SI UN ENTREPRENEUR A UN MILLION D’EUROS... »

Puis tu as commis pas mal d’erreurs dans le dernier tour de circuit : le stress ?
Je crois que je commençais à réfléchir à comment j’allais lever les bras sur la ligne d’arrivée (rires).

Que peut changer ce sacre pour ta structure du Team Canyon-Chazal ?
Ce titre va énormément m’aider dans la construction de cette équipe. Monsieur Chazal est bien gentil mais il ne va pas m’aider comme ça pendant quinze ans… Hier (samedi), son gendre David m’avait justement envoyé un petit mot pour me rappeler que de toute façon, la saison était déjà réussie, avec 14 podiums en Coupe de France, toutes catégories confondues, contre un seul l’an dernier. Donc quatorze fois mieux ! Il faudra passer les 20 l’an prochain ! Pour ça, il faut de l’argent… C’est le nerf de la guerre, on le sait. Alors, si un entrepreneur a un million d’euros à donner (rires). Non, deux millions même !

Ce titre national, dans ta carrière personnelle, c’est un aboutissement… Ou pas seulement ?
Je n’en sais rien. J’ai toujours dit que je voulais continuer encore deux ou trois ans. Mais après tout, pourquoi pas encore cinq ans ? J’ai toujours l’envie d’aller m’entraîner, de faire attention à ce que je mange, à ne pas tomber malade etc. Je ne suis pas cramé psychologiquement. A 34 ans, j’ai toujours la même envie. Tant que cette motivation est là, et que le physique ne baisse pas, je continuerai. Et puis, avec mon statut de consultant télé, j’ai la chance d’avoir une assurance à côté. Un pro qui arrête sa carrière, on s’est tellement fait torcher le cul, on a tellement été chouchouté pendant des années… Tu ne sais plus quoi faire. C’est malheureux à dire, mais je comprends les footballeurs ou les cyclistes qui pètent un plomb à la fin de leur carrière. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir mes parents, ma femme, mes proches au cas où je n’aurais pas été là. J’ai vite rebondi avec mon nouveau métier de consultant. Et finalement, j’ai une belle vie !

« JE N'AIME PAS QU'ILS M'APPELLENT PATRON»

Tu avais déjà terminé trois fois 2e sur les Championnats de France. Comment l’expliques-tu aujourd’hui, avec le recul ?
La première année, si je me souviens bien, j’étais content de faire 2e. J’avais lancé le sprint de façon complètement nulle face à Francis (Mourey). L’année d’après, j’ai encore fait n’importe quoi. Puis la troisième fois, face à Aurélien Duval… J’ai revu la course récemment, et je me suis dit que ce n’était pas possible d’avoir couru comme ça. Je n’écoutais pas les conseils, tout simplement…

Et pourquoi aujourd’hui, alors ?
Parce que je suis très bien entouré avec les gens que j’aime. Et je fais ça pour moi ! Ce n’est pas la performance à tout prix. Je fais des sacrifices, mais sans me prendre la tête.

Et maintenant : qu’est-ce qui t’attend ?
Je vais profiter de ma famille et du maillot. Mais la saison ne s’arrête pas ce soir. Il y a encore de belles courses à disputer. Et puis, il va falloir préparer, dès maintenant, la prochaine saison de cyclo-cross, avec nos gamins ! Un gars comme Antoine Benoist peut être Champion du Monde mais pour ça, il faut qu’il reste en cross et qu’on puisse lui permettre d’aller très loin. Ce sont mes gamins, même s’ils m’appellent “patron” et que je n’aime pas ça… Je suis venu les encourager hier. Moi, je ne suis qu’un guide qui veut les aider. Mais il n’y a pas de secret. Ils ont du talent, on essaie juste de leur apporter un petit plus.
 

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