La Grande Interview : Souvenirs, souvenirs

Crédit photo Patrick Pichon / FFC

Crédit photo Patrick Pichon / FFC

Depuis plusieurs saisons, DirectVelo vous propose d’en savoir plus sur la vie des hommes qui se cachent sous le casque et derrière les lunettes de coureurs cyclistes. L’endroit où ils ont grandi et donné leurs premiers coups de pédales, leurs souvenirs d’enfance, leurs moments de grand bonheur, leurs périodes de doute, de solitude ou de souffrance, leurs passe-temps entre amis ou en famille, leurs plus grands rêves et leurs plus terribles désillusions. En plus de 140 numéros de “La Grande Interview”, ils sont nombreux à s’être confiés en largeur. En cette période des Fêtes de fin d’année, DirectVelo vous propose de revivre quelques extraits de votre rendez-vous habituel du jeudi soir.
Aujourd’hui, les coureurs reviennent sur des souvenirs marquants de leurs plus jeunes années sur le vélo.

Tanguy Turgis (BMC Development) - Entretien réalisé le 5 janvier  2017 - lire ici

Il paraît que, gamin, tu regardais en boucle des cassettes du Tour de France...
Oh que oui ! Surtout la cassette du Tour de France 2004, avec Thomas Voeckler maillot jaune pendant dix jours. Je connaissais le film pratiquement par coeur et j’adorais Voeckler. J’étais à fond. Avec mon père, mon grand-père, mes oncles et mes frères, on parlait du Tour pendant des heures. Au-delà du plaisir de rouler, j’ai toujours suivi avec attention les courses des pros, depuis petit. Les résultats, les tactiques de course… tout ça m’a plu très vite.

On dit de toi que tu étais encore plus mordu de vélo que tes grands frères ?
Disons que eux ne passaient pas autant de temps devant les cassettes vidéos (sourires), mais c’était quand même un plaisir collectif et partagé. Par exemple, pendant des années, on se faisait un petit jeu de pronostics avant le départ du Tour de France. L’idée était simple : on écrivait une simulation de classement général final, avant la 1ère étape. On allait du vainqueur… au 50e ! Et à la fin du Tour on faisait les comptes. Il n’y avait rien à gagner, aucun pari, mais on s’amusait tout simplement.

Tu as rapidement quitté le poste de télévision pour aller soutenir Jimmy et Anthony sur les cyclo-cross…
En fait, je les accompagnais déjà dans la poussette. Mais là, je n’ai pas le moindre souvenir (rires). Par la suite, c’est vrai que je n’ai pas raté beaucoup de leurs compétitions. J’ai vraiment grandi en les voyant évoluer chez les Cadets, Juniors... J’ai des souvenirs très précis de certaines de leurs courses. Je me souviens d’une manche de Coupe de France Juniors où Jimmy avait tout perdu sur la dernière épreuve. Moi, j’avais à peine 10 ans. C’était à Quelneuc et il avait dû abandonner son maillot de la Coupe de France ce jour-là (voir classement). Sur la ligne d’arrivée, j’avais pleuré. J’étais dégoûté pour lui. J’ai aussi un souvenir similaire d’Anthony, qui filait vers la victoire à Lignières-en-Berry et qui avait tout perdu sur le dernier passage des planches, dans le sable. Romain Seigle le déborde et s’en va gagner (voir classement). Je revois encore les images comme si j’y étais.

Et tu te voyais à leurs places ?
J’admirais beaucoup mes frères. Je les trouvais très forts, sérieux et vraiment courageux.

Benoit Sinner (Team U Nantes Atlantique) - Entretien réalisé le 9 février 2017 - lire ici

Depuis des années, on parle de toi comme d'un capitaine de route ou un grand frère. Le vélo, c'est donc quand même des valeurs que tu aimes transmettre ?
Bien sûr ! C'est l'une de mes motivations premières. Je me plains de ce qu'est devenu le cyclisme de haut-niveau mais j'aime les valeurs que dégagent ce sport. C'est d'ailleurs aussi pour ça que je continue avec l'UC Nantes Atlantique : j'aime apprendre le métier aux jeunes, j'ai envie de les aider.

D'où te viennent ces notions de partage ?
Sans doute de l'époque de l'UC Châteauroux-Fenioux, au milieu des années 2000. On avait une équipe très solide avec Sébastien Portal, Jean-Marc Marino, Jonathan Hivert... j'en passe et des meilleurs. On vivait tous très bien ensemble. J'avais déjà ces valeurs-là mais disons que ça m'a conforté dans mes idées. On partait en stage et même en vacances en groupe. Même avant, au Team Peltrax, on s'entendait déjà tous très bien. Le soir, on se faisait des restaurants même si nous n'avions pas gagné la course. J'ai eu la chance de souvent tomber sur de bons groupes. D'ailleurs, j'ai retrouvé ce même style de relations à l'Armée et j'ai beaucoup apprécié.

Bernard Bourreau (Sélectionneur Equipe de France) - Entretien réalisé le 18 mai 2017 - lire ici

Les choses sérieuses avaient commencé pour toi, en tant que coureur, au début des années 70. Aujourd'hui, ça te semble très loin ou tu as l'impression que c'était hier ?
Il y a un peu des deux. Parfois, j'ai l'impression que c'est tout près mais quand je pense à ces années-là, ou que je me dis que ça fait 35 ou 40 ans... C'est énorme ! En fait, depuis que j'ai pris ma retraite, des souvenirs me reviennent. Je prends le temps d'y repenser. Lorsque j'étais en activité, j'étais sans arrêt porté vers le futur, dans la projection. Mais là, je peux me poser et repenser à tout ce que j'ai vécu. Et il y a eu beaucoup de grands moments. Lorsque je roule du côté de Sallanches, que je passe dans la Côte de Domancy par exemple [le circuit du Championnat du Monde 1980, NDLR], ça me fait tout drôle. Bon, cela dit, je ne suis pas nostalgique non plus. Ça me fait simplement plaisir de voir que j'ai pu passer autant de temps dans le milieu.

Quels sont tes plus grands souvenirs sur le vélo ?
Je me rappelle très bien de mes tous premiers Championnats de France, ou des stages avec le Comité du Poitou-Charentes. Puis ma victoire sur la Route de France. Après, tout s'est enchaîné.

Finalement, ce sont des souvenirs de tes "premières années" de coureur. Dans le milieu, il se dit énormément que les plus belles années sont celles dans les jeunes catégories...
Je suis entièrement d'accord et j'étais le premier à le dire aux coureurs en tant que sélectionneur. C'est vrai pour les années Espoirs et c'est encore plus vrai pour les années Juniors. Ce sont les premières vraies saisons pleines, les plus marquantes. Après, ça devient vite une sorte de routine.

Penses-tu que les Juniors d'aujourd'hui profitent pleinement de cette période-là ?
Je pense qu'ils en profitent moins qu'à notre époque. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que tout va trop vite. Cela dit, je suis impressionné par le niveau de performances de certains jeunes de 17 ou 18 ans. Quand j'avais cet âge-là, il nous fallait beaucoup plus de temps pour avoir un tel niveau. Par contre, on avait plus de temps pour se construire, y compris mentalement. Maintenant, j'ai peur que les jeunes manquent de certaines bases. Ils passent pros trop vite et derrière, la pression est souvent difficile à supporter.

Florian Maitre (Vendée U) - Entretien réalisé le 27 juillet 2017 - lire ici

Tu as donc commencé le cyclisme très tôt...
J'avais quand même découvert d'autres sports avant. Ma mère me freinait pour le vélo. Elle voulait que j'essaie d'abord d'autres sports car si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais fait du vélo dès mes 4 ans mais du coup, j'ai d'abord fait un peu de judo ou de natation. C'était pour essayer mais il n'avait rien à faire, je voulais faire du vélo. Cela dit, j'aime beaucoup d'autres sports comme le biathlon. Je trouve ce sport très difficile. Un mec comme Martin Fourcade m'impressionne car j'imagine l'entraînement qu'il y a derrière. Je regarde énormément le ski également, ce sont des sports qui m'impressionnent.

Ton frère roule également...
On est une famille de vélo, oui. Mon père et mon grand-père roulaient aussi, et mon arrière grand-oncle (Maurice Perrin, NDLR) a été Champion Olympique en 1932 à Los Angeles. J'ai toujours baigné là-dedans finalement.

Tu as rapidement doublé la pratique de la route avec celle de la piste ?
Oui car à Clamart, le club était porté sur la piste. Mon frère en faisait et ça m'a donné envie de le suivre. J'ai commencé la piste en Minimes. Je me débrouillais bien assez tôt. Mentalement, la piste m'a fait du bien et j'ai vraiment bien marché sur la piste comme sur la route à partir des Cadets.

Te rêvais-tu en cycliste professionnel ?
Je faisais d'abord du vélo par plaisir. Pouvoir vivre de sa passion, c'est quand même quelque chose que l'on a toujours dans un coin de la tête, mais quand on est Cadet ou Junior, ça semble encore très loin. Et puis au final, avec de l'entraînement, on voit que c'est possible. J'ai commencé à réaliser que ça pouvait devenir intéressant au début de ma saison de J2, lorsque j'ai gagné sur les Boucles de Seine-et-Marne. Je me suis dit que j'avais bien progressé en très peu de temps et que si je continuais sur cette voie-là...

Tu as changé physiquement...
Chez les jeunes, j'étais assez massif, un peu gros même (sourires). Puis forcément, j'ai commencé à m'affiner. J'ai grandi mais en gardant à peu près le même poids. Du coup je me suis affûté et ça m'a clairement fait progresser. Même mentalement, ça me donnait espoir d'avoir un physique plus intéressant.


Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Florian MAÎTRE
Portrait de Benoît SINNER
Portrait de Tanguy TURGIS