Julien Taramarcaz : « Les contrats ne sont plus viables »

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo.com

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo.com

La dernière épreuve du calendrier international de cyclo-cross, le prix de clôture d’Oostmalle (Province d’Anvers) a aussi été l’ultime apparition en tant que professionnel de Julien Taramarcaz. Le coureur d'Era-Circus avait déjà annoncé ce retrait vendredi dans un communiqué. DirectVelo est allé rencontrer le valaisan de Fully, deux heures avant le départ de la compétition, remportée, dimanche, par Wout Van Aert. Le Champion de Suisse, vous le verrez, quitte les sous-bois mais pas les arbres.

DirectVelo : Tu as donc choisi à vingt-neuf ans de quitter le milieu cycliste professionnel à l’occasion de cette dernière épreuve UCI de la saison ?
Julien Taramarcaz : Oui c’est effectivement ma dernière course professionnelle aujourd’hui. Je tourne une page sur le monde professionnel du cyclisme après six ans dans les pelotons, que ce soit sur la route, en VTT ou en cyclo-cross. C’est un goût particulier et cela sera émouvant dans le dernier tour et au moment de franchir la ligne.

Quel bilan tires-tu de ta carrière que tu avais commencé  en 2004 par un titre européen Junior en cyclo-cross à Vossem, déjà en Belgique (1) ?
J'ai le regret de n’avoir jamais réussi  à passer un petit palier qui m’aurait peut-être permis d’être encore ici l’année prochaine. Ce qu’il m’a manqué, c’est de pouvoir de temps en temps monter sur le podium dans des grosses courses. Après une saison vraiment difficile en terme de résultats, de blessures et de maladie, j’ai pris le taureau par les cornes et j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière parce que les contrats qui m’étaient proposés ne sont tout simplement plus viables.

« JOHN LELANGUE ME VOULAIT CHEZ BMC »

Tu avais débuté chez BMC où tu avais ensuite été stagiaire durant l’été 2013. Tu n’as pas envisagé de bifurquer à un moment vers la route même si ton ADN est le cyclo-cross ?
Passer pro sur route reste toujours compliqué quand on sait le nombre de coureurs sur le marché et qu’on voit que même le champion de Suisse n’a pas de contrat en WorldTour ou Continentale Pro (Jonathan Fumeaux victime de l’arrêt de IAM Cycling et présent en 2017 chez Roth-Akros, NDLR). Moi j’ai clairement pu être stagiaire chez BMC grâce à John Lelangue qui était là à l’époque et qui avait pu voir mes courses de cyclo-cross. Il avait une idée très claire me concernant : me faire courir sur route l’été avec un programmé allégé et utiliser la structure et le personnel ici en Belgique pour me permettre de faire le cyclo-cross l’hiver. Cela permettait à l’équipe de bénéficier d’une visibilité toute l’année. Malheureusement, entre temps John a quitté le bateau BMC sans que cela ne remette en cause la place de stagiaire. Par contre des personnes à la direction avaient une autre vision que la sienne donc cela ne s'est pas fait. J’ai donc pris un autre chemin pour tenter l’aventure dans une équipe 100% belge.

Comment as-tu géré le fait de devoir t’expatrier vers la Belgique l’hiver ?
Avant d’avoir notre fils Axel qui a maintenant seize mois, cela était assez simple pour moi et ma femme car nous ne faisions que des aller-retours depuis la Suisse à chaque course, généralement en partant le jeudi et en revenant le dimanche soir par avion. Cela implique une maison en Belgique en plus de la nôtre donc doubles frais. C’était déjà certes compliqué au niveau financier mais comme je gagnais bien ma vie en tant que coureur professionnel il y a deux–trois ans, cela en valait encore la peine. Aujourd’hui le manque de résultats et la conjoncture actuelle pas bonne dans le cyclisme m’ont décidé à précipiter la fin de ma carrière.

Quel regard portes-tu sur le cyclo-cross actuel ?
Il se porte plutôt bien à voir le public qui se déplace sur les courses majeures. Pour parler de la Suisse, la discipline repart avec la création de l’EKZ Tour qui fédère et pérennise les courses. Mais à l’international, le danger reste que tout se fait principalement en Belgique. Avec un calendrier de quarante courses entre septembre et février dont toutes les principales télévisées et leur culture pour le cyclo-cross, les Belges n’ont pas besoin d’aller courir ailleurs ni d’attirer des coureurs étrangers dans leurs équipes. En prenant mon cas personnel, je ne suis pas certain que mon titre de champion de Suisse intéressait d’ailleurs véritablement une formation car elle ne peut pas mettre tous ses sponsors sur la tenue…

« LES COUPES DU MONDE AMERICAINES M'ONT COÛTE 9000 BALLES »

Pourtant le cyclo-cross tend comme la route vers une mondialisation avec des manches de Coupe du Monde de plus en plus hors Bénélux ?
Justement si on prend le cas de cette saison avec les deux volets américains à La Vegas et Iowa, cela limitait quand même les possibilités de participations européennes hormis les coureurs des grosses structures belges. Moi cela m’a coûté "neuf mille balles" non pris en charge par l’équipe pour aller faire deux courses et séjourner là-bas. C’était un budget conséquent et peu de coureurs ont pu se le permettre. Si on veut rendre plus intéressante la Coupe du Monde, pourquoi ne pas obliger les nations à participer avec un minimum de coureurs ?

Pour terminer, tu vas donc te retrouver avec une nouvelle vie à partir de ce lundi ?
Le cyclo-cross d’Oostmalle était toujours la course de fin à l’international donc je rangeais les vélos aussitôt et faisais une coupure de trois semaines, donc lundi, je ne m’en rendrai pas spécialement compte. Ce qui me fera drôle et va peut-être me manquer, c’est de ne pas remonter sur le vélo pour préparer la saison suivante à l’issue de cette coupure. Au niveau travail, je ne me retrouve pas sans rien car j’ai préparé mes arrières. A partir du 1er mars, je vais travailler auprès de mon père et de mon oncle dans l’entreprise familiale d’arboriculture. Je serai quelque part toujours en plein air, dans les champs, en bottes et parfois dans la boue (rires). Le plus important est que je vais pouvoir profiter maintenant pleinement de ma famille car on en a qu’une !

(1) Chez les professionnels, Julien Taramarcaz a remporté quatre titres de Champions de Suisse (2012 et 2013 sous les couleurs BMC, 2015 pour le compte de Kwadro-Stannah et 2017, NDLR), une place de sixième au championnat du Monde à Louisville, deux places de quatrième sur des manches de Coupes du Monde à Roubaix en 2012 et Heusden-Zolder fin 2014

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