Pauline Ferrand-Prévot avait besoin de lumière

Crédit photo Jean-Michel Ruscitto - DirectVelo.com

Crédit photo Jean-Michel Ruscitto - DirectVelo.com

2015 restera sans doute une année spéciale pour Pauline Ferrand-Prévot. Elle a réalisé un incroyable triplé en devenant Championne du monde de cyclo-cross et de cross-country après son titre acquis sur la route fin 2014. Un exploit tant les trois disciplines demandent des qualités différentes. Pourtant, cette année triomphale est aussi l’année des blessures. Une sciatique l’a gênée au printemps, même si elle a été capable de décrocher un nouveau maillot tricolore en juin dernier. "Un immense soulagement", dira-t-elle (lire sa réaction). En fin d’année, c’est son genou (fracture du plateau tibial) qui l’empêche de défendre ses titres en cyclo-cross. "Un vrai coup dur, difficile à accepter". Après cinq mois sans épingler le moindre dossard, Pauline Ferrand-Prévot a repris sa saison début mars. Dimanche dernier, elle a levé les bras pour la première fois, devant son clan, sa mère, son frère Evan aussi. Après avoir remporté la première manche de la Coupe de France de Cross-Country, elle est revenue pour DirectVelo sur ces derniers mois avant de se tourner vers 2016 et Rio. Forcément, on y parle vélo mais aussi famille et soleil.

DirectVelo : Après ces blessures, où en es-tu au niveau physique ?
Pauline Ferrand-Prévot : Je dois retrouver le rythme de la compétition, surtout en VTT. Je sais que je dois être patiente mais ce n’est pas ma qualité première. Malgré tout, cette victoire est rassurante. J’ai été blessée, je sors de cinq mois sans course. J’ai eu une alerte au dos il y a deux semaines. Ma sciatique s’est réveillée, je me suis finalement aperçue d’où venait le problème et j’ai vite corrigé. Ça m’a quand même empêchée de bien me préparer, notamment pour faire des intensités. Mon genou ? Je pense que ça appartient au passé, je ne ressens plus de douleur.

« J’AVAIS BESOIN D’ETRE RASSUREE »

Les frustrations de l’hiver sont-elles évacuées ?
Il y a eu des moments difficiles à gérer, surtout en novembre. Ne pas pouvoir défendre mes titres de Championne de France et du Monde en cyclo-cross a été difficile à accepter. Je me suis dit qu’il fallait bien le prendre et que ça m’aiderait à rebondir. Depuis que j’ai cinq ans, j’enchaîne les saisons de route, VTT et cyclo-cross mais mon corps avait besoin de repos. Évidemment que l’on passe par des moments de doute. Je me suis demandée si j’allais réussir à revenir, avant une année olympique de surcroît. Je pense que rien n’arrive par hasard. Je suis quelqu’un qui a besoin d’être rassurée. Mes proches m’ont accompagnée, j’avais besoin de passer du temps avec eux. Il y a la championne qui paraît peut-être sûre d’elle mais je suis aussi quelqu’un de fragile.

Rio et les Jeux Olympiques sont déjà présents dans ton esprit ?
Oui même si ce je n’en fais pas une obsession. Aujourd’hui, une médaille olympique, c’est la seule chose qui manque à ma carrière. Je m’alignerai sur la route en début d’olympiade puis en VTT à la fin de la quinzaine. Pour moi ce n’est pas un risque. Je fonctionne comme ça toute la saison et je pense que je peux gagner dans les deux disciplines. Le VTT est sans doute moins aléatoire mais la route sera une bonne préparation.

« QUAND JE PRENDS LE VTT, J’AI L’IMPRESSION D’AVOIR 15 ANS »

Tu es la seule à faire les deux disciplines, voire les trois avec le cyclo-cross. Pourquoi ?
J’en ai besoin ! C’est l’alternance entre la route et le VTT pendant la saison qui me motive et me booste. C'est ce qui me pousse à aller m’entraîner. Quand je prends mon VTT, j’ai l’impression d’avoir 15 ans. Je m’amuse. J’adore le côté sport mécanique, les trajectoires. D’un autre côté, j’aime également partir pour une longue sortie sur route. La tactique, le bluff par moment me plaît aussi. Au final les deux disciplines m’apportent une complémentarité entre explosivité et puissance.


Dans quelle discipline as-tu obtenu ta plus grande émotion ?
En Andorre, quand j’ai remporté le Championnat du Monde de Cross-Country, c’était vraiment un moment magique. Toute ma famille avait fait le déplacement. Je fais la course en tête, j’ai 1’30’’ d’avance, puis à un tour de l’arrivée plus qu’une minute. Là je me suis dit que je n’y arriverais pas. Finalement je gagne après mes ennuis du printemps. La ligne franchie, je me dis que je l’ai fait, que c’est un truc de fou ! Je viens de remporter les trois derniers Championnats du Monde ! Le triplé, j’essayais de ne pas y penser avant la course mais c’est devenu une réalité. J’en suis vraiment fière.

« LE TRIPLE A ANDORRE, C’ETAIT UN MOMENT MAGIQUE »

Ces titres t’ont apporté la notoriété, comment la vis-tu ?
Oui mon statut a évolué. Au niveau du sport français j’ai été plus reconnue. J’apprends à gérer mais j’en suis contente. Si mon exemple donne envie à des petites filles de faire du vélo, c’est génial !

Justement, est-ce que tu te ressens une obligation de partager avec les autres filles ?
Partager, ce n’est pas facile. Certains me mettent peut-être sur un piédestal mais je n’ai que 24 ans. En tout cas j’essaie d’être le plus naturelle possible.

Tu parlais des petites filles, comment était Pauline Ferrand-Prévot enfant ?
Je pense que je suis née avec l’envie de gagner (rires). Depuis petite, dans tous ce que je fais je veux être la meilleure. C’était le cas à l’école et ça a été pareil sur le vélo. Pourquoi le vélo ? J’ai baigné dedans, c’est une histoire de famille. (Sa mère qui n’est jamais bien loin acquiesce : « Elle faisait du patinage puis un jour, elle m’a fait une crise parce qu’elle voulait faire du vélo. Je m’occupais d’une école de cyclisme donc elle a commencé avec moi. Elle avait 5 ans. C’était une petite fille très gentille, plutôt frêle. Mais dès qu’elle montait sur le vélo, elle avait cette rage en elle qui sortait, c’était une teigne. Elle avait envie de bien faire. De faire plaisir à sa famille, je pense que c’était important pour elle. Assez vite, j’ai compris qu’elle avait quelque chose de spécial mais tellement de chose aurait pu se passer. »). D’ailleurs ce côté teigne je pense que je le tiens de ma mère !

Après toutes ces victoires, qu’est ce qui te motive encore ?
J’ai toujours envie de gagner, je pense que c’est dans mon tempérament. En plus il y a les JO qui ne sont que tous les quatre ans, donc ça me booste encore plus. Rendre ma famille et mes amis fiers ça a toujours été important pour moi. Peut-être même que c'est ce qui compte le plus. Encore aujourd'hui je me pose la question après une victoire : est-ce qu’ils vont être fiers de moi ?

« LES DEPLACEMENTS, SEULE, SONT LES PLUS DURS A SUPPORTER »

C’est pour te rapprocher d’eux que tu as décidé de t’installer dans le Var ?
Oui, on a migré ! J’avais aussi envie de changer d’air. En janvier-février je savais que je devrais reprendre par des longues sorties foncières. A Reims il faut bien reconnaître qu’il ne fait pas très beau. J’avais besoin de lumière, de soleil. J’ai aussi changé de routes d’entraînement. J’avais assez vu les miennes !

Ta journée type, elle ressemble à quoi ?
En général je pars rouler le matin. L’après-midi il y a le kiné puis je me repose. Des fois je fais de la musculation. J’ai quelques sollicitations. J’essaie de penser à autre chose mais mes journées sont bien chargées. Bien sûr ça c’est quand je suis à la maison, car pendant l’année je suis souvent en déplacement pour aller en stage ou en course. C’est ça qui est peut-être le plus difficile à supporter pour moi. Les moments seule à l’aéroport ou dans les gares. C’est pour ça que j’apprécie encore plus le camping-car avec mes parents, c’est un peu l’esprit VTT. Je fais ce que j’aime le plus dans la vie et j’aurais beaucoup de mal à faire autre chose, ça c’est sûr.

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