La Grande Interview : Romain Campistrous

Un petit gabarit, une progression tardive, un côté sanguin : voilà Romain Campistrous. Le Tarnais qui est à l’aise dès que la pente s’élève est également un fin calculateur. Malgré sa "croissance tardive", comme il l’explique lui-même, AG2R lui a fait confiance en lui offrant un contrat de stagiaire début juillet. "J’ai régulièrement été sujet aux moqueries" explique le coureur de 23 ans. Mais comme le dit l’adage, ce qui ne tue pas rend plus fort, un proverbe que le pensionnaire du GSC Blagnac Vélo Sport 31 semble avoir respecté à la lettre. Les difficultés qu’il a rencontrées au cours de ses jeunes années lui ont permis de se forger un mental d’acier, malgré quelques élans de mauvaise humeur. Bref, Romain Campistrous est quelqu’un d’entier et a accepté de se livrer à DirectVelo.com, à quelques semaines de découvrir le très haut niveau.

DirectVelo.com : Tu es donc l’un des stagiaires AG2R La Mondiale. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
Romain Campistrous : C’est quelque chose d’énorme ! J’ai vu que Yoan Verardo (son coéquipier, NDLR) avait été pris comme stagiaire à Marseille 13-KTM alors qu’il avait bien marché jusque-là. Je me suis demandé : "mais qu’est-ce qu’il faut faire pour être pris dans une grosse équipe ?"

L’aurais-tu imaginé il y a seulement quelques mois ?
Honnêtement non. L’an dernier, c’était encore inimaginable : je ne cours en première catégorie que depuis 2013.

Quand as-tu compris que tu avais une chance de toucher au professionnalisme ?
Après mon bon début de saison, je me suis dit que peut-être j’aurais une opportunité. Mon Tour des Pays de Savoie était plutôt solide (il se classe 8e du général, NDLR) et je me suis montré au Championnat de France en étant longtemps échappé. J’imagine qu’ils ont dû entendre mon nom. Mais jamais je n’aurais pu penser qu’une formation WorldTour m’approcherait et je savais qu’en continentale ce n’était pas possible parce qu’ils ne prennent que des Espoirs…

Comment cela s’est-il déroulé ?
Je pensais qu’ils privilégieraient un coureur de leur équipe réserve même s’ils ont retenu François Bidard avec moi... Didier Jannel m’a appelé il y a une semaine ou deux. Je sais qu’il a été directeur sportif à Albi VS qui fait partie de l’Occitane. Bien qu’il soit parti je pense qu’il a gardé des liens avec l’équipe et qu’il a continué d’observer les jeunes qui marchent bien. Blel Kadri et Stéphane Poulhiès ont tous deux intégré l’équipe AG2R en sortant d'Albi VS. Ce n’est sans doute pas un hasard. Pour ma part j’ai fait deux belles saisons là-bas en 2013 et 2014.

« J'AI LONGTEMPS ETE A LA RAMASSE »

Avant de passer au GSC Blagnac Vélo Sport 31 l'hiver dernier...
Ça a contrarié beaucoup de monde... L'Occitane était en DN2 et je ne savais pas encore si le club allait monter en DN1. Cela dépendait de la décision de Bourg-en-Bresse qui avait terminé deuxième. En plus, Loïc Bouchereau quittait l’équipe pour le Vendée U. J’ai eu un peu peur de rester en DN2 à refaire les mêmes courses. Ça n’a pas été une décision facile, j’y ai réfléchi pendant longtemps. David Escudé m’a contacté et m’a dit qu’il comptait me donner un rôle de leader. Tout était acté aux alentours du 5 septembre. Je n’ai appris que bien plus tard que Stéphane Poulhiès revenait à l'Occitane. Ça a beaucoup fait parler dans la région mais je ne regrette pas mon choix. Je suis entouré par une bonne équipe et par un bon staff.

Comment expliques-tu le fait que tu aies "attendu" 2013 pour te révéler ?
En fait, j’ai eu une croissance tardive. Pour tout dire, j’étais même "à la ramasse" en Minimes, en Cadets et en Juniors (rires). Une fois, lorsque j’étais en Juniors 1, Arnaud Démare avait remporté une manche sur les Courses au Soleil. Quand j’ai franchi la ligne, le podium avait été démonté et tout le monde était parti. Mais je me doutais que tôt ou tard la courbe s’inverserait. Puis à la suite de l’obtention de mon diplôme, un BTS de Management Unité Communication,  je n’ai pas trouvé de travail dans mon domaine. J’ai alors trouvé un petit boulot comme surveillant en collège que j’ai occupé jusqu’en mai 2013. Ça m’a laissé beaucoup plus de temps libre par rapport aux années précédentes et depuis je ne fais que du vélo. C’est sans doute aussi pour cela que j’ai obtenu plus de résultats depuis 2013.

Pourrais-tu te décrire en tant que coureur ?
Je suis un puncheur : j’aime quand ça grimpe et j’ai une bonne pointe de vitesse au sprint. Je m’en sors bien dans les cols même si je ne me considère pas comme un pur grimpeur. De toute façon, j’estime qu’il faut savoir s’adapter en toute circonstance. Bien que je sois un sudiste, je n’apprécie pas les fortes chaleurs. Dès que je n’ai plus d’eau, je panique. Une petite pluie, 10°C, ça me va bien ! Je suis un combattant. Je l’ai toujours été. Je pense que j’en ai pris l’habitude après toutes les galères que j’ai traversées étant plus jeune. En Juniors je cherchais à m’échapper et à tenir le plus possible. C’était dur mais ça a bien forgé mon mental. Du coup, j’arrive à me faire mal. J’irais même plus loin : je suis un peu maso (rires). J’apprécie le fractionné et je n’aime pas ressortir d’un entraînement en n’étant pas fatigué. D’ailleurs je n’aime pas m’entraîner de manière générale.

Tu peux expliciter ?
Le temps me parait long. Il y a quelques années, j’avais un entraîneur qui disait de moi que j’étais une vraie plaie à l’entraînement. En course ça allait mais lors des sorties de groupe je traînais ma peine. A l’heure actuelle je varie mes itinéraires lorsque je pars rouler, j’en profite pour découvrir des routes que je ne connais pas. J’y reprends goût, je roule à mon rythme. Par contre, lorsque j’ai un dossard sur le dos ce n’est plus la même chose !

« J'AI APPRIS A PERDRE »

Certains coureurs disent de toi que tu es "rusé comme un renard". Tu confirmes ?
Je suis d’accord avec ça (rires). Alors que je courais en Minimes, j’ai participé au Trophée de Saint-Juéry. J’étais dans un groupe de huit à l’avant et à un tour de l’arrivée, deux coureurs sont partis à l’avant. Dans le dernier virage, j’ai dit "à gauche !". Pendant que tous les cinq gars restants regardaient sur leur gauche, j’ai planté une attaque sur la droite de la route. Lilian Calmejane était là d’ailleurs. Le pire c’est que je ne finis que troisième (rires). Bien sûr, ça ne marcherait plus aujourd’hui. Je réfléchis beaucoup sur un vélo, encore plus depuis que je suis en première catégorie. J’imagine que ça vient du fait que lorsque j’étais plus jeune, je comptais mes efforts. Je suis quelqu’un de très calculateur, même dans la vie de tous les jours. Je me suis forgé une certaine réputation dans les catégories inférieures mais ça m’a servi : quand j’arrive pour la gagne je ne suis pas souvent battu. Après je suis aussi plus surveillé. Je trouve ça horrible "d’avoir du monde sur le porte-bagage" même si je faisais pareil en Juniors quand un favori tentait de partir. Ça m’énerve ! Bon, c’est vrai que je suis un coureur sanguin.

T’est-il déjà arrivé de péter les plombs ?
Par le passé oui, je me mettais à faire n’importe quoi. Je prends plus sur moi désormais. J’ai pris conscience que ça jouait par rapport à mes adversaires : ça leur donne un avantage de savoir que je peux devenir nerveux. Je prends soin de cacher ce côté-là.

Es-tu mauvais perdant ?
Dans la vie tout à fait. J’ai tendance à me frustrer. Dans le vélo en revanche, pas du tout. Mes années de galère m’ont appris à perdre. Je me satisfais facilement d’un podium ou d’une bonne place. Peut-être que je dois travailler sur ce point pour avoir la chance de lever les bras plus souvent.

En parlant de ça, comment expliques tu le fait que tu aies terminé à 23 reprises dans le Top 10 dont 13 podiums, pour seulement deux victoires (voir ici) ?
Je ne sais pas vraiment. Peut-être que j’en fais un peu trop quand je me sens bien. Quand je ne gagne pas, je relativise facilement même si ça m’énerve un peu…

Et aujourd’hui, ton objectif c’est de passer pro ?
C’était mon rêve quand j’ai commencé à rouler. Après mes années galères j’ai enfin commencé à avoir des résultats. Je pense que j’ai encore une marge de progression même si c’est difficile à savoir. Je suis concentré sur ce qu’il me reste à faire, j’ai encore une marche à gravir. Parfois je prends le temps de regarder mes vieux trophées, mes veilles médailles. Je me dis alors que je suis content d’en avoir "chié" et d’avoir réussi à progresser.

« JE JOUE BEAUCOUP DU CHALLENGE BBB-DIRECTVELO »

Dans quel domaine penses-tu pouvoir encore progresser ?
Depuis que je suis passé chez Blagnac, j’ai adopté une approche beaucoup plus "professionnelle". Je travaille notamment avec un capteur de puissance, que je n’utilisais pas par le passé. J’ai également mis l’accent sur la diététique. L’alimentation est un problème récurrent chez moi : je viens du sud, la charcuterie est mon péché mignon (rires). Flavien Maurelet a rejoint l’équipe à l’intersaison pour jouer le rôle de capitaine de route. Il m’apporte beaucoup, tout comme David Escudé. Emilien Bergès, qui a aussi intégré le club, nous aide beaucoup également même si depuis quelques temps il est moins disponible.

Quels sont tes objectifs d’ici la fin de saison ?
Je vais essayer de gagner une épreuve de Coupe de France parce que ce qu’il me manque cette saison, c’est une victoire importante. Jusqu’ici, j’ai bâché sur quatre des cinq manches qui se sont déroulées. Pour le reste, je ne sais pas encore. Mon calendrier n’est pas encore bien défini entre mon rôle de stagiaire chez AG2R La Mondiale et celui que j’ai chez Blagnac. Si j’en ai l’opportunité, je pourrai prendre part au Kreiz Breizh Elites, au Tour du Piémont Pyrénéen et à la Vuelta a Toledo.

Il paraît que tu connais par cœur le classement du Challenge BBB-DirectVelo...
Ça remonte à l’époque où je courais pour l’Occitane (rires). Je ne connaissais encore le Challenge, mes coéquipiers de l’époque se sont donc chargés de me le faire découvrir. Ensuite j’ai pris l’habitude de le regarder dès que je "performais". Je suis très compétiteur, une fois que la course est finie, une autre commence : celle du classement du Challenge ! Je trouve qu’il reflète bien le classement amateurs même si pour moi, les 10 ou 15 premiers du classement sont du même niveau. Souvent, j’en parle à d’autres coureurs dans le peloton qui se mettent à le regarder à leur tour. J’en joue beaucoup, c’est devenu un sujet de plaisanteries.

T’aide-t-il à mieux connaître tes adversaires ?
Je ne l’utilise pas à ce point-là (rires). Je le considère juste comme un outil qui me permet de connaître le classement et le déroulement des courses qui m’intéressent. Je n’y ai pas d’objectif particulier en terme de place. Je suis actuellement 4e ce qui est très bien mais si je dégringole en 20e place ce ne sera pas un drame.

Crédit photo : Mathilde L'Azou - Mathilde L'Azou Photographies
 

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