Ivan Basso s'explique

Giampietro Agus (Le Figaro)
Ivan Basso s'explique
©Photonews

Interview exclusive en marge de la présentation du Giro
MILAN Cinq mois après avoir été exclu du Tour de France et mis au ban du cyclisme international pour son implication supposée dans le scandale du dopage lié à l'affaire Puerto, Ivan Basso était, ce samedi, à Milan, où il s'est présenté avec son nouveau maillot de l'équipe américaine Discovery Channel et a tenu à dire, haut et fort, qu'il n'a jamais trempé dans aucune affaire, qu'il n'a jamais été en contact avec le docteur Fuentes et qu'après une longue enquête judiciaire, les plus hautes instances sportives italiennes l'ont absous de tout soupçon.

Ivan Basso, comment allez-vous ?

"Je vais bien, très bien même car tout est finalement rentré dans l'ordre. Désormais, je peux recommencer à courir, faire mon métier de coureur professionnel et, croyez-le, j'attends avec une certaine impatience et anxiété le moment où je serai à nouveau au départ d'une course. La compétition m'a beaucoup manqué."

Comment avez-vous passé ces cinq mois ?

"Ils ont été très délicats en raison de la confusion autour de cette affaire. J'étais dans l'attente d'un jugement de la part des plus hautes instances sportives italiennes (le comité olympique et la fédération cycliste) auxquelles a été transmis avec beaucoup de retard le dossier espagnol qui était supposé me concerner. J'ai attendu la conclusion de l'enquête et la publication du jugement qui m'a totalement lavé de tout soupçon. Mais ce ne fut pas toujours facile. Ma famille, ma femme, mes enfants ont été d'une importance capitale pour moi pendant ces mois. Je m'entraînais tous les jours et j'étais heureux de les retrouver quand je rentrais à la maison. Leur regard, leur sourire, leur présence ont été pour moi une sorte d'aiguille qui a permis à la balance de pencher du bon coté. Mes amis aussi ont été importants, en particulier mon ancien coéquipier Giovanni Lombardi, qui m'a beaucoup soutenu. Et tous les supporters, les anonymes qui m'ont salué, souri et encouragé toutes les fois que je les croisais quand je sortais m'entraîner."

Pendant ces cinq mois, avez-vous pensé à Marco Pantani ?

"J'ai beaucoup pensé à Marco parce que, dans ces moments-là, on se sent impuissant devant de telles situations. Oui, j'ai beaucoup pensé à lui... Marco Pantani est dans mon coeur. Je garde de lui un immense souvenir comme athlète et comme hom-me. Mais je ne veux pas parler de lui en évoquant l'affaire qui m'a tenu loin des courses pendant ces longs mois."

Avez-vous parfois pensé à tout arrêter, à raccrocher le vélo au clou ?

"Non, absolument jamais. Car je savais que ce n'était qu'une question de temps et, qu'un jour ou l'autre, tout rentrerait dans l'ordre."

Quels sont vos projets ?

"Je ne vous étonnerais pas en affirment que j'ai toujours les mêmes projets et les mêmes objectifs : gagner ou, du moins, essayer de gagner en respectant naturellement, comme toujours, mes adversaires. J'ai l'ambition de bien prester la saison prochaine, dans le Giro et dans le Tour."

Vous aimeriez peut-être réussir le doublé : le Giro et le Tour ?

"Il s'agit, en effet, du sentiment profond que j'ai dans ma tête et dans mon coeur mais je sais aussi que ce ne sera pas facile. J'aurai à me battre contre des adversaires très forts, qui seront peut-être meilleurs que l'année dernière, à des jeunes qui auront sûrement progressé. Mais c'est vrai, je pars pour courir le Giro et le Tour et, si possible, pour les gagner."

Que répondez-vous à ceux qui disent que votre nom a été cité plusieurs fois dans ce fameux dossier et qu'il n'y a jamais de fumée sans feu... ?

"On a beaucoup parlé de cette affaire et on en a dit tout et, souvent, son contraire. Les gens sont fatigués, et moi le premier. En ce moment, à la veille de mon départ pour les Etats-Unis où je commencerai mon premier stage avec ma nouvelle équipe Discovery Channel, je dois me concentrer exclusivement sur la saison prochai- ne. Car les gens, ceux qui aiment le cyclisme, attendent de moi que je remonte sur un vélo et que je sois aussi fort qu'avant. Et pour être aussi fort que je l'étais il y a cinq mois, il faut qu'on me donne la possibilité de faire mon métier et d'être tranquille. C'est la dernière fois que je commenterai cette affaire qui, ne l'oublions pas, m'a obli- gé à quitter le Tour avant son départ, et ce, sur base de rumeurs, de soupçons et de calomnies qui se sont révélés totalement infondés. Mais je me devais d'obéir à mon employeur qui, lui, devait respecter le code éthique souscrit avec les organisateurs du Tour de France. Oui, mon nom apparaît dans un fax dont on ne connaît pas l'origine et est cité, par des personnes que je ne connais pas, dans des conversations téléphoniques mais l'enquête, je le répète, m'a reconnu étranger à tout."

On a également parlé du test ADN auquel vous auriez refusé de vous soumettre.

"Je vais vous dire clairement et pour la dernière fois : lors de ma première convocation par les enquêteurs de la justice sportive italienne, j'ai dit, ce qui figure dans le P.-V., que j'étais prêt à me soumettre au test ADN. Je n'ai rien à cacher ou à prouver. J'ai subi, attendu, respecté la longueur de la procédure et les décisions de la justice sportive qui a dit une fois pour toutes que je n'ai rien à voir avec cette affaire. Ce n'est pas à moi de prouver quoi que ce soit, de prendre l'initiative. Il y a une enquête, un dossier a été instruit et je ne suis pour rien dans cette affaire."

À propos du dernier Tour de France... Qui est, selon vous, le vrai vainqueur ?

"Il s'agit là d'une question assez délicate... Mais, selon moi, le vainqueur moral du dernier Tour de France est Oscar Pereiro que j'estime beaucoup et que je considère comme un garçon formidable. Mais je trouve normal et même nécessaire que Landis ait la possibilité de se défendre jusqu'au bout. En tout cas, jusqu'au moment où les institutions fédérales et judiciaires le lui permettront. J'aime bien Pereiro et Landis, et j'aimerais que les deux puissent avoir gain de cause... Mais c'est impossible. Et, croyez-moi, ce n'est pas de la diplomatie à quatre sous de ma part mais seulement du respect envers deux adversaires que j'estime beaucoup."

Comment voyez-vous le cyclisme de demain et, selon vous, y a-t-il un avenir pour ce sport ?

"Je crois que le cyclisme est un des sports les plus aimés mais qu'il est souvent accusé injustement d'être le seul fruit pourri du système. Je ne suis pas pessimiste. Certes, ce sport doit évoluer et se moderniser. Mais je crois dans les gens, dans leur affection et leur passion. Et je suis prêt à parier que malgré tout ce qu'on raconte et qu'on entend sur ce sport, malgré tous les problèmes supportés depuis si longtemps, il y aura, l'année prochaine, sur les étapes du Giro et du Tour, des milliers de personnes passionnées. Car ce sport est et restera dans le coeur des gens."

Quel rôle a joué Lance Armstrong dans votre transfert de CSC à Discovery Channel ?

"Important, naturellement. Mais il faut aussi que je vous dise que, d'une certaine façon, il était écrit quelque part que le moment où je serais libre sur le marché, je porterais le maillot de Dicovery Channel. Incontestablement, une des meilleures équipes au monde et qui, à mon avis, vient d'enrôler un bon coureur..."



© La Dernière Heure 2006

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