Bourreau : «Attention aux désillusions chez les néo-pros !»

Entraîneur national chez les Juniors, les Espoirs puis les professionnels, Bernard Bourreau connaît les néo-professionnels de très près depuis 30 ans. Il livre à DirectVelo.com son regard sur l'afflux des néo-professionnels français en 2015.

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DirectVelo : Le nombre important de néo-pros en 2015 est dû en large partie à l'accès de l'Armée de Terre chez les professionnels (statut « Continental amateur »). Est-ce que la montée en grade de cette équipe est une bonne nouvelle pour le cyclisme français ?
Bernard Bourreau : C'est une bonne nouvelle pour l'équipe de l'Armée de Terre elle-même et pour le peloton professionnel qui s'agrandit encore. Nous avons désormais quatre Continentales en France et les premiers à en profiter sont les coureurs néo-pros. Toutefois, le secteur amateur sortira affaibli, comme à chaque fois qu'une équipe amateur se retire : après BigMat, il y a eu le VC Roubaix, puis Jean Floc'h (ensuite montée au niveau Continental Pro), le VC La Pomme... Les amateurs ont besoin de clubs moteurs, qui assurent un bon équilibre, une bonne rivalité sportive. L'Armée de Terre jouait jusque-là ce rôle parmi les clubs de division nationale.

« J'ETAIS UN PEU RESERVE SUR LE RÔLE FORMATEUR DES CONTINENTALES »

Une Continentale est-elle la meilleure structure sportive pour accueillir un néo-pro ?
Oui et non. On constate que peu de coureurs réussissent par la suite à franchir le palier entre une Continentale et une équipe WorldTour. Attention aux désillusions ! Mais ceux qui ont un gros talent s'en sortent toujours, quel que soit le chemin qu'ils empruntent. Mon avis est partagé sur le sujet. Jusqu'à présent, j'étais parfois un peu réservé sur le rôle formateur des Continentales, parce qu'on avait déjà demandé aux clubs DN de remplir cette fonction-là, à leur création en 1993. Je pensais souvent que les jeunes amateurs passaient pros trop tôt via les équipes Continentales. C'est en partie toujours vrai, mais le cyclisme s'est assaini et les jeunes ont maintenant leur mot à dire chez les professionnels. Donc, le passage d'un amateur dans une équipe Continentale peut se justifier, parce qu'il offre aux néo-pros une première confrontation avec des coureurs de niveau WorldTour, sur les épreuves de Coupe de France par exemple.

Est-ce que la quantité des néo-pros est synonyme de qualité ?
Oui, forcément. Plus il y a de masse, plus on sort de bons coureurs. On voit d'ailleurs que chaque équipe française possède son leader français, souvent jeune. Pendant longtemps, les leaders étaient étrangers : c'était le cas dans les années 80 avec Phil Anderson et Stephen Roche en têtes d'affiche de l'équipe Peugeot, mais la tendance s'est poursuivie jusque récemment. A l'époque où j'étais pro [1973-1984], le peloton des Championnats de France était composé de 90 concurrents, soit presque la moitié d'aujourd'hui ! Il y avait peu d'équipes pros, donc peu de coureurs pros et encore moins de néo-pros. La quantité de places disponibles permet à des jeunes talents de se révéler. Je me rappelle qu'à la fin des années 80, des amateurs de qualité comme Thierry Dupuy n'ont jamais eu la chance de devenir pro, faute de place.

Pourriez-vous donner sa chance à un néo-pro en Equipe de France ?
Oui, je l'ai déjà fait. Par exemple avec Arnaud Démare sur les Jeux de Londres en 2012 ou avec Warren Barguil sur le Championnat du Monde 2013. Tout dépend du potentiel de ces coureurs, du type de circuit, de mon choix de leader... Mais si un néo-pro est bon, pourquoi le freiner ?

Crédit photo : Bernard Bourreau a connu au biberon les coureurs français du WorldTour - www.velofotopro.com
 

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