P. Momparler : « Pas inquiet pour le cyclisme espagnol »

Ce samedi matin, le meilleur représentant espagnol du Championnat du Monde Juniors, Miguel-Angel Ballesteros a pris la 54e place de l’épreuve, loin, très loin des meilleurs. Vendredi déjà, il fallait descendre jusqu’à la 18e place du classement du Mondial Espoirs pour apercevoir le nom d’un coureur espagnol. Au dernier Championnat d’Europe de Nyon (Suisse) déjà, tandis que les délégations françaises et italiennes collectionnaient les médailles (six chacune), l’Espagne revenait, elle, bredouille. Sur le dernier Tour de l’Avenir, épreuve reine de la saison dans la catégorie Espoirs, le meilleur espagnol, Mikel Iturria avait terminé à une très modeste 50e place. Alors que les Contador, Rodriguez ou Valverde approchent doucement mais surement de la fin de leur carrière, faut-il s’inquiéter pour la relève espagnole ? DirectVelo.com a posé la question à Pascual Momparler, sélectionneur national des équipes masculines Juniors et Espoirs.

DirectVelo.com : Les Juniors et Espoirs espagnols ont été inexistants cette année sur les plus grandes épreuves internationales, y compris cette semaine à l’occasion du Mondial de Ponferrada…
Pascual Momparler : Ce n’est pas un phénomène nouveau. Il faut regarder les résultats depuis des années, et vous verrez que l’Espagne n’a jamais vraiment fait de grands résultats dans les catégories de jeunes ces dernières saisons (il faut par exemple remonter à 2003 pour retrouver trace d’une médaille espagnole sur un Championnat d’Europe, NDLR). Des gars comme Alejandro Valverde ou Alberto Contador ne faisaient pas de grands résultats dans les catégories Juniors ou Espoirs. Ils ont commencé à avoir de gros résultats un peu plus tard. Maintenant, oui les résultats ne sont pas exceptionnels. Je ne vais pas dire le contraire.

« BEAUCOUP D’ESPAGNOLS STAGNENT EN ESPOIRS »

Comment expliquer ces mauvais résultats ?
Dans la plupart des autres grands pays de cyclisme, les Espoirs ont l’occasion de faire de longues courses tout au long de la saison, les épreuves le plus prestigieuses au Monde. Le calendrier espagnol ne permet pas forcément cela. Le calendrier est limité. Le nombre de courses se réduit saison après saison. Et puis les distances ne sont pas aussi longues. Le problème, c’est que comme les courses font 120 ou 130 kilomètres, les coureurs roulent en conséquence. A l’entrainement, ils font trois heures maximum puis ils rentrent à la maison. Mais sur un Tour de l’Avenir, ça ne suffit pas, lorsque l’on se retrouve face à des adversaires qui ont beaucoup plus de caisse et de kilomètres de compétition dans les jambes.

Dans ces conditions, comment ces coureurs espagnols peuvent-ils progresser ?
Justement, beaucoup d’entre eux stagnent en Espoirs à vrai dire. Il faut attendre qu’ils passent professionnels pour les voir passer un gros cap. C’est sûr qu’ils n’explosent pas en Juniors ou en Espoirs, tant qu’ils restent dans un club régional. Ils ont simplement besoin de se montrer comme étant les meilleurs du pays, via de bons résultats en Coupe d’Espagne par exemple. Forcément, les équipes professionnelles espagnoles donnent une chance aux meilleurs jeunes amateurs espagnols, même s’ils n’ont pas été exceptionnels sur les courses à l’étranger. Et puis de toute façon, les sélections espagnoles ne se déplacent par énormément à l’étranger. En tout cas beaucoup moins que la France ou l’Italie. Cela joue aussi.

La marche à franchir doit alors être énorme lorsqu’un jeune espagnol débarque chez les professionnels…
C’est certain. Ce n’est pas toujours facile pour les gars. Mais ils ne font pas les plus grandes courses non plus la première année. Je suppose que c’est la même chose dans les tous les pays. En tant que néo-pro, un gars comme Marc Soler par exemple (qui sera chez Movistar l’an prochain, NDLR) ne fera pas les plus grandes courses World Tour dès sa première année pro. Il fera de plus petites compétitions. Il faut prendre le temps d’apprendre.

« PLUS PERSONNE NE VEUT INVESTIR »

Un coureur qui remporte la Coupe d’Espagne apporte-t-il autant de garanties à une équipe professionnelle qu’un coureur vainqueur d’une manche de Coupe des Nations ou d’une étape sur le Tour de l’Avenir ?
Il ne faut pas croire que le niveau du cyclisme espagnol amateur soit mauvais. L’an passé, le Français Loïc Chetout a été en tête de la Coupe d’Espagne pendant un moment puis il a finalement perdu le classement final. Il a été battu par des jeunes espagnols. Et aujourd’hui, c’est l’un des meilleurs Espoirs français. Il est présent ici à Ponferrada pour ce Championnat du Monde. Cela montre que le niveau de la Coupe d’Espagne ne doit pas être si mauvais.

Les places chez les pros se font de plus en plus chères en Espagne, avec le grand nombre de disparition d’équipes ces dernières saisons…
Et c’est un point important ! Il ne faut pas oublier que nous n’avons plus que deux grandes équipes professionnelles avec la Movistar et la Caja Rural. En France, il y a une dizaine d’équipes professionnelles dans lesquelles vous pouvez espérer signer un contrat lorsque vous êtes en Espoirs. Nous n’avons que deux équipes. Comment pouvons-nous travailler dans ces conditions-là ? Pour moi, c’est impossible… Honnêtement, à la place d’un coureur espagnol Espoirs, je partirais tenter ma chance à l’étranger. D’ailleurs, c’est ce que font certains coureurs. Regardez Mario Gonzalez par exemple (Champion d’Espagne sur route Espoirs 2013, NDLR), il est parti dans une équipe polonaise (ActiveJet). Il y a aussi des coureurs qui cherchent des équipes en France parfois. Nous ne pouvons plus retenir nos coureurs. Le cyclisme espagnol n’est pas attractif. Nous avons besoin d’un calendrier plus fourni et d’un plus grand nombre d’équipes…

Mais est-ce seulement envisageable dans les circonstances actuelles ?
Non, en fait ce n’est pas possible. En Espagne, le football a trop de poids. Avoir le nom de son sponsor sur le maillot du Real Madrid a bien plus de valeur aujourd’hui que de sponsoriser une équipe cycliste de rang Continental. C’est tout pour le foot ici. Plus personne ne veut investir dans le cyclisme.

« IL FAUT ETRE PATIENT »

Penses-tu vraiment qu’il puisse y avoir des futurs Contador, Valverde ou Rodriguez dans les sélections Juniors ou Espoirs actuelles, car on ne voit personne arriver actuellement…
On se pose ces mêmes questions depuis des années en fait. A l’époque, personne ne s’attendait à voir Miguel Indurain faire de tels résultats. A la fin de carrière de Miguel Indurain, les gens se demandaient si c’était la fin d’une époque. Puis Abraham Olano est arrivé. Puis la génération d’Alberto Contador et tous les autres. Nous avons quand même un bon nombre de talents depuis des années (sourires). Encore une fois, il faut être patient avec les jeunes. Je prends l’exemple de Jesus Herrada. Il vient de remporter une étape du Tour du Poitou-Charentes et de la Route du Sud. Il a été Champion d’Espagne l’an passé. Il a 24 ans maintenant. Mais lorsqu’il était dans la catégorie Espoirs, il n’avait pratiquement rien fait (2e d’étape au Tour de l’Avenir ou 8e du Championnat du Monde contre-la-montre comme principales références, NDLR). On doit donc laisser le temps aux coureurs de progresser. En tout cas, nous en Espagne, avons vraiment besoin de temps.

As-tu des noms à nous donner ?
Miguel Angel Benito par exemple. Il vient tout juste d’avoir 21 ans. Il est stagiaire chez Caja Rural et il s’est bien débrouillé très récemment sur les semi-classiques italiennes (22e des Trois Vallées Varésines, NDLR). On a quand même gagné le Tour de l’Avenir l’an gagné aussi avec Ruben Fernandez, professionnel chez Caja Rural désormais. Il ne faut pas s’inquiéter pour le cyclisme espagnol. Je suis persuadée que nous toujours de très bons coureurs au meilleur niveau Mondial dans dix ans.

Crédit photo : Nicolas Mabyle – www.directvelo.com
 

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