ITW - Lorenzo Manzin : «Être performant chez les pros»

 

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Pour le moment, l'équipe FDJ.fr a été assez calme sur le marché des transferts. Malgré cela, elle a tout de même recruté deux néo-pros pour la saison 2015 : Lorenzo Manzin et Marc Sarreau. Cyclism'Actu est allé à la rencontre du premier cité, dans le but d'en savoir un peu plus sur son parcours et sur son arrivée chez les pros. Originaire de l'île de la Réunion, Manzin a un parcours assez atypique puisqu'il est venu en métropole, à l'âge de 16 ans, pour mener un double projet : scolaire et sportif. Le projet scolaire est désormais réussi puisqu'il dispose, pour le moment, d'un Bas ES et d'un BTS et le projet sportif est, lui, aussi plus qu'une réussite, puisqu'après avoir fait ses dents en DN1, à Nantes, le natif de Saint-Denis va passer dans le monde professionnel en 2015 avec la FDJ.fr, même s'il y est déjà depuis le mois d'août en tant que stagiaire pro. Cette saison, Manzin a réalisé de belles performances et notamment lors de sa première course avec la FDJ.fr, sur le Tour du Poitou-Charentes, où il a terminé 3e de la 2e étape. Une performance qui prouve qu'il a déjà le niveau pour passer chez les pros à seulement 20 ans. Dans ce long entretien pour Cyclism'Actu, Lorenzo Manzin parle de tous les sujets : ses débuts, son parcours personnel et sportif, sa saison 2014 et bien évidemment son futur.

 

Lorenzo, pour commencer décrivez-nous un peu votre "parcours personnel".

Je suis originaire de l'île de la Réunion, de Saint-Denis. J'ai 20 ans depuis le mois de juillet. Je suis venu au cyclisme par l'intermédiaire d'un ami d'enfance. Lui était déjà inscrit dans un club et il m'avait proposé de venir avec lui. Je suis issu d'une famille de sportif (athlétisme, foot, handball...etc), mais personne avant moi n'avait pratiqué le cyclisme. J'ai essayé le football en club pendant un mois à l'âge de 6 ans, mais ça ne me plaisait pas trop de devoir partager la récompense après les tournois...

 

Pourquoi avoir choisi le cyclisme ?

J'ai choisi le vélo, car c'est un sport ou je considérais que l'on pouvait compter que sur soi-même. De plus, quand j'étais petit j'étais hyperactif. Ce sport me permettait de bien canaliser mon énergie. Mais, en parallèle du vélo, j'ai continué à jouer au foot avec des copains jusqu'à la catégorie des Minimes, ensuite j'ai fait un choix. Par ailleurs, j'ai toujours été passionné par le sport de haut niveau. Dans mon enfance, j'ai adoré des coureurs comme Robbie McEwen ou Lance Armstrong. Mais, j'adorais aussi regarder courir les coureurs de mon club quand j'étais encore sur l'île. J'aime bien un coureur comme Philippe Gilbert.

 

"J'ai commencé (le vélo) à l'âge de 6 ans et demi"

 

Vous avez commencé le vélo à partir de quel âge ?

J'ai commencé à l'âge de 6 ans et demi. C'était en première année de Poussins. Ma première course se déroulait dans une zone industrielle. J'ai été formé au Vélo Club de l'Est. C'était l'un des meilleurs clubs d'école de cyclisme en France. Cette école compte 6 titres de Championne de France. Dès mon plus jeune âge, on m'a appris à avoir un esprit de compétition. J'ai participé à plusieurs Championnats de France chez les jeunes. Une fois, nous avions même été Champion de France. C'était en 2003 à Contrexeville.

 

Quel a été votre parcours de cycliste jusqu'à maintenant ?

Je peux découper mon parcours de cycliste en 4 parties : de ma première licence à mon titre de Champion de France de la course aux points en 2009, de mon titre à mon entrée au Pôle Espoirs de la Roche-sur-Yon, du Pôle Espoirs à mon intégration au sein de la DN1 de Nantes et du Team UC Nantes Atlantique à la FDJ.fr. J'ai eu des hauts et des bas, comme tous les coureurs, mais mes plus grandes satisfactions ont été mes titres sur les Championnats de France et ma victoire sur le Tour de la Réunion en 2013.

 

"Les Championnats de France sur piste à Hyères, à 7 ans, ça a été le déclic pour moi"

 

Votre parcours est donc assez particulier.

Oui. Très jeune, j'ai côtoyé des champions réunionnais comme Didier et Elodie Henriette. Ils évoluaient tous les deux en équipe de France et j'ai toujours suivi leurs parcours avec beaucoup d'attention. À l'âge de 7 ans, j'étais venu voir les Championnats de France sur piste à Hyères et ça a été le déclic pour moi. Je suis venu en métropole à l'âge de 16 ans pour intégrer le Pôle Espoirs. J'ai été accueilli par une famille réunionnaise. Ceci a facilité mon intégration. Je suis venu pour mener un double projet : scolaire et sportif. Pour continuer ma progression, je n'avais pas d'autre choix que d'intégrer un Pôle Espoirs. Celui-ci me permettrait d'allier études et cyclisme. Aujourd'hui, je dois mon intégration à une famille réunionnaise qui a bien voulu m'accueillir dès mon arrivée. Ils m'ont mis dans de bonnes conditions et ils m'ont apporté beaucoup dans mon apprentissage. Mais, j'ai aussi eu la chance d'avoir été bien encadré par le Pôle Espoirs et par mon club d'accueil, le CCC. À l'âge de 16 ans, ce n'est pas évident de tout laisser et de partir de chez soi, mais lorsque qu'on évolue dans de bonnes conditions et qu'on a la chance de faire notre passion, ça devient plus facile ! 

 

"Le cyclisme n'est pas le sport numéro 1 à la Réunion"

 

Parlez-nous un peu de votre île. Quelle est la place du cyclisme là-bas ?

Le cyclisme n'est pas le sport numéro 1 à la Réunion. D'autres sports comme le football, le handball ou le karaté devancent le vélo. Cela s'explique par le fait que dans ces disciplines il y a beaucoup d'athlètes de la Réunion qui évoluent à un haut niveau. J'espère qu'avec mon passage chez les pros, les mentalités vont changer et que notre sport se développera encore plus sur l'île !

 

"Arriver au plus haut niveau du sprint mondial"

 

Quel est votre rêve dans le cyclisme ?

J'aimerai progresser d'année en année et arriver au plus haut niveau du sprint mondial : gagner des étapes sur un Grand Tour, sur des courses par étapes. Mais, dans un premier temps, je vais être néo-pro, donc je verrai comment je progresse au fil des courses.

 

Est-ce que vous faites encore des études à côté du cyclisme ?

Après avoir obtenu mon Bac ES, il y a deux ans, je viens d'obtenir mon BTS technico commercial. Je vais peut-être faire une licence par correspondance à partir de cet hiver.

 

"J'ai réussi à remplir les deux grands objectifs que je m'étais fixé"

 

Pour revenir à votre saison 2014, quel bilan tirez-vous de votre début de saison 2014, jusqu'au mois d'août ?

J'ai un bilan plutôt positif. J'étais scolarisé pendant une bonne partie de la saison, ce n'était pas toujours évident. Mais, j'ai réussi à remplir les deux grands objectifs que je m'étais fixé : marquer des points en Coupe de France et obtenir mon BTS.

 

"Quand on est étudiant, ce n'est pas évident d'avoir un bon niveau chaque week-end"

 

Vous avez remporté de belles courses chez les amateurs en 2014 : une étape sur le Tour d'Eure-et-Loir, une sur les Boucle de l'Artois, une autre sur La SportBreizh...etc. Ces résultats prouvent, en quelque sorte, votre bon niveau cette saison ?

En effet, ce sont de belles courses que j'ai pu remporter. Je n'ai pas trop brillé sur les autres courses amateurs, mais j'étais assez régulier en Coupe de France. Et quand on est étudiant, ce n'est pas évident d'avoir un bon niveau chaque week-end.

 

Vous avez aussi réalisé de belles performances sur le Tour de Bretagne (2.2), où vous avez pris de belles places d'honneur. Votre 2e place sur la 2e étape, où vous étiez énervé après la ligne, était une réelle déception pour vous ?

Ça a été une grande déception... Je suis encore un peu frustré aujourd'hui... Gagner une étape au Tour de Bretagne, ça parle. Et finir deuxième de cette façon, c'est toujours difficile à accepter.

 

Vos performances en classe 2 vous ont prouvé que vous aviez le niveau pour passer chez les pros ?

Mes performances m'ont montré que j'avais surtout progressé par rapport à ma première saison en amateurs.

 

"C'est toujours une fierté de porter le maillot tricolore !"

 

Vous avez aussi terminé 12e du ZLM Tour avec le maillot de l'équipe de France. C'était une fierté de porter le maillot tricolore ?

C'est toujours une fierté de porter le maillot tricolore ! Même si je n'ai pas eu l'opportunité de le porter souvent cette saison, j'en garde un bon souvenir.

 

Quel est le moment fort de votre début de saison 2014 ?

Ma 3e place au Grand Prix Jean Masse, car ça m'a permis de prendre confiance pour les arrivées au sprint massif.

 

Et le plus mauvais moment ?

J'ai eu une période difficile entre juillet et début août. J'étais malade et hors de forme, j'ai dû reprendre les bases et me reposer avant tout.

 

Vous avez signé un contrat de néo-pro avec la FDJ.fr à partir de la saison 2015. Vous étiez suivi depuis longtemps par cette formation ?

Je suis suivi par la FDJ.fr depuis ma première année chez les Juniors. Ils m'ont apporté un soutien matériel et scolaire.

 

"Mon objectif, ce n'est pas de devenir professionnel, mais d'être performant chez les pros"

 

Ce contrat pro, c'est un aboutissement ?

La FDJ.fr me donne l'opportunité de faire de ma passion mon métier. C'est une chance inouïe pour moi ! Mon objectif, ce n'est pas de devenir professionnel, mais d'être performant chez les pros.

 

Pourquoi avoir choisi de passer pro à la FDJ.fr ?

La FDJ.fr me suit et m'apporte son soutien depuis la catégorie Juniors. Ma priorité a toujours été à la FDJ. Simplement pour les remercier de leur confiance. J'ai eu d'autres propositions, mais quand je vois les performances d'Arnaud Démare, de Nacer Bouhanni et de Thibaut Pinot, je me dis que l'équipe sait comment s'y prendre pour faire progresser les jeunes. Si je n'avais pas eu cette proposition, je serai peut-être resté chez les Amateurs une année de plus...

 

"Si la FDJ.fr m'engage c'est qu'ils savent que je suis prêt à franchir le cap"

 

En début d'année vous aviez pour objectif de passer pro en 2015 ?

En arrivant en Espoirs, je m'étais donné 2-3 ans pour essayer de passer pro. En début d'année, je voulais faire une bonne saison, sans y penser. À 20 ans, je ne sais pas si c'est le bon âge, mais si la FDJ.fr m'engage c'est qu'ils savent que je suis prêt à franchir le cap. Je serai entouré de personnes très compétentes. Je ne me fais pas de soucis et je fais totalement confiance au staff. Il y a 5 ans, j'aurais dis que passer pro étais un rêve. Mais, depuis deux ans ça a été un objectif. Ça fait 3 ans que je suis dans la fondation FDJ, donc j'ai pu participer à quelques stages avec la FDJ.fr. Je suis conscient de la chance qui va se présenter devant moi.

 

"Pour une première, j'ai été surpris"

 

Avant votre passage chez les pros, vous réalisez un stage pro à la FDJ.fr depuis le début du mois d'août. Comment s'est déroulé votre début de stage avec la FDJ.fr ?

Pour une première, j'ai été surpris. D'entrée, l'équipe m'a fait confiance et m'a mis dans une bonne atmosphère. Être protégé par des coureurs comme Mourey, Chavanel ou Ladagnous, c'est gratifiant. Avoir Sébastien (Chavanel, ndlr) comme lanceur, ça m'a beaucoup apporté dans l'approche des sprints. Il a beaucoup d'expérience et ça va beaucoup m'apporter de travailler à ses côtés. Je pense que mon intégration s'est bien déroulée. Il y a une bonne ambiance. Les gars ont été très sympa avec moi et m'ont donné quelques conseils pour l'avenir.

 

Que représente la FDJ.fr pour vous ?

Depuis quelques années, la FDJ.fr, c'est l'équipe qui monte en puissance au niveau mondial, comme on a pu voir sur le dernier Tour de France avec Thibault Pinot ou encore sur le Giro avec les victoires de Nacer Bouhanni. C'est une équipe qui a su se roder et qui sait comment faire pour emmener ses coureurs au plus haut niveau.

 

Depuis le début de votre stage, quels sont les changements majeurs que vous avez pu noter par rapport au monde des Amateurs ?

La physionomie de la course, les structures, les tactiques et le niveau sont les choses qui diffèrent du niveau amateurs. Chez les pros, il y a une hiérarchie et un respect entre certaines équipes.

 

Les courses pros et les courses amateurs sont-elles si différentes que cela ?

Chez les pros, les courses sont plus contrôlées, c'est le peloton qui décide et non pas les coureurs. Chaque coureur à un boulot à faire.

 

"Je n'ai pas été surpris par mes résultats sur le Tour du Poitou-Charentes"

 

Votre première course avec la FDJ.fr a été le Tour du Poitou-Charentes. Quel bilan tirez-vous de cette première course ?

Je tire un bilan plutôt positif. J'ai pu prendre mes marques avec certains gars de l'équipe, j'ai appris à connaître la façon de courir. Après une période un peu difficile, avec ma maladie, j'ai pu me rassurer. Je n'ai pas été surpris par mes résultats. J'étais conscient de mes capacités avant le départ, mais le plus dur a été de faire les résultats. Quand on est sprinteur c'est plus "simple" de faire des résultats qu'un jeune grimpeur ou rouleur.

 

L'équipe devait être contente de vous pour une première course ?

Je pense que l'équipe a été contente oui.

 

Ça doit faire bizarre de sprinter à côté d'un coureur comme Mark Cavendish, non ?

C'est sûr, ça fait bizarre au début, mais après ça reste un coureur comme un autre. Mais, c'est sûr qu'il est très respecté dans le peloton.

 

"Des courses en Belgique, le Tour de Vendée et Paris-Bourges avec la FDJ.fr"

 

Quel est votre programme de courses pour la fin de saison ?

Des courses en Belgique, le Tour de Vendée et Paris-Bourges avec la FDJ.fr. Et je finirai par Paris-Tours avec l'équipe de Nantes.

 

"Et pourquoi pas essayer de décrocher une victoire"

 

Avec quels objectifs ?

Je sais que la forme revient petit à petit. Je vais y aller pour y être le plus performant possible. Et j'aimerai bien finir la saison, comme tous les coureurs. Et pourquoi pas essayer de décrocher une victoire.Avec quels objectifs en tête ?

 

"Continuer mon apprentissage sans me brûler les ailes"

 

Quels seront vos objectifs en la saison 2015 ? Ce sera surtout une année de découverte ?

Je n'ai pas encore eu de discutions avec les dirigeants de l'équipe, mais ça sera sûrement une année d'apprentissage. Mais, si l'occasion se présente, j'essaierai de saisir ma chance. Sur certaines courses, je serai sûrement le poisson pilote d'Arnaud (Démare, ndlr). Cela va me permettre de prendre de l'expérience dans l'approche des sprints. Je pense que sur certaines courses, j'aurai aussi ma carte à jouer, mais tout dépendra des courses et de la forme. J'aimerai bien faire des courses par étapes, comme le Tour Down Under, le Tour de Catalogne, le Circuit de la Sarthe, le Tour du Poitou-Charentes., afin de continuer mon apprentissage sans me brûler les ailes.

 

Pensez-vous faire un Grand Tour en 2015 ?

Pour un Grand Tour, on ne sait jamais. Je fais confiance aux dirigeants. Ils seront adaptés mon programme en fonction de mes qualités.

 

"Je verrai comment j'évolue avec le temps..."

 

Dans le futur, quel type de coureur aimerais-tu devenir ?

Chez les jeunes et chez les amateurs, j'avais un profil de sprinteur-puncheur. Avec le temps, j'aimerai retrouver ses qualités chez les pros. J'aimerai ressembler à Peter Sagan ou à Nacer Bouhanni, pour le punch. Je verrai comment j'évolue avec le temps...

 

Propos recueillis par Alexis ROSE .