La Grande Interview : David Menut

David Menut est un adepte du détail, de l'analyse, de la remise en question. Une tête qui phosphore, même quand (et surtout quand) les jambes rencontrent une panne passagère – c'est rare chez lui cette année, mais ça peut toujours arriver. Le coureur de l'Armée de Terre, 22 ans, vainqueur de Paris-Mantes et 2e du Tour de Gironde cette saison, estime qu'il “se doit d'être méticuleux” pour passer professionnel. Le Tour du Limousin, disputé dans sa région d'origine, lui donne un avant-goût de cet objectif à plus long terme puisqu'il est stagiaire avec BigMat-Auber 93. DirectVelo l'a appelé entre deux étapes, pour recueillir ses confidences. Il n'était pas en grande forme. Mais David Menut maîtrise l'art du temps. Quelle que soit son équipe en 2015, il va remodeler son calendrier, changer ses habitudes. Comme il l'a fait en début d'année, en un éclair, observant une pause imprévue pour mieux débuter son programme sur route. “Là, il fallait vite prendre la bonne décision”, rappelle-t-il. Et quand il s'agit de chosir, le “soldat” ne se trompe pas souvent.

DirectVelo : Jusqu'à présent, tu es l'auteur d'une saison régulière au premier plan. D'ailleurs, tu es actuellement 6e du Challenge DirectVelo et 2e du classement Espoirs derrière ton équipier Marc Sarreau...
David Menut : Forcément, je regarde ce classement toutes les semaines. Je pense que la plupart des meilleurs se sentent concernés et suivent le classement de DirectVelo. C’est devenu incontournable et c'est un bon reflet de la saison amateur. J'ai un peu reculé récemment, mais je vais essayer de maintenir une position dans le haut du classement jusqu’au terme de la saison. Pour essayer de marquer les esprits !  

"CE N'EST PAS LA GRANDE FORME"

-A présent, tu fais tes débuts comme stagiaire professionnel. Satisfait de l'expérience ?
Je ne suis pas sûr d'être à la hauteur. Je suis arrivé sur le Tour du Limousin avec des points de repère. Je savais par exemple comment l’équipe fonctionnait grâce à ce que m'en avaient dit Théo Vimpère et Flavien Dassonville. J’étais à l’aise. Je pensais juste à faire au mieux, à démontrer – d’abord à moi-même – que j’avais le niveau pour courir chez les pros. Mais à bien y réfléchir… peut-être que j'étais inconsciemment stressé. Je voulais montrer que j’étais capable d’être acteur, qu’il m’était possible de peser sur la course. Au lieu de ça, je finis dans le gruppetto sur les deux premières étapes [et 65e jeudi au sommet des Monts de Guéret, NDLR]. Je n'avais simplement pas de jambes. Dommage.


-Sous le regard de ton public, tu voulais bien faire ?
Oui. Je me souviens avoir vu Théo Vimpère [également originaire de la région] débuter chez les pros sur le Tour du Limousin il y a deux ans, ce qui m’avait immédiatement donné envie de faire la même chose ! Je le voyais très supporté ici. Et ça lui avait donné des ailes : il avait été très actif. Je voulais faire la même chose cette année. Mais comme ce n’est pas la grande forme…


-Comment expliques-tu cette baisse de régime ?
Je suis tombé malade sur le Trophée d’Or, mi-juillet. J’ai récupéré petit à petit, je me sentais mieux sur le Tour Alsace et je réussis même à me classer 7e sur la dernière étape. J’étais plutôt satisfait. Et puis, rechute : je suis retombé malade juste derrière. J’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir récupérer convenablement, pas aussi rapidement que d’ordinaire. Rien de grave, ce ne sont que des petits rhumes à chaque fois. Mais je me dis que tout ça n’est pas si anodin, qu’il y a sans doute une baisse de régime plus générale. Mon abandon sur la dernière manche du Coupe de France DN1 était inévitable. Je paie toujours cette fameuse accumulation de la fatigue. Ma saison a été longue. J’ai beaucoup enchaîné, notamment entre le cyclo-cross et la route. Je ferai le point en fin de saison, mais je commence à me poser des questions.

"IL FAUDRA FAIRE DES CHOIX A L'AVENIR"

-A propos de ton calendrier ?
Oui, je semble piquer du nez en fin de saison. Or, je suis quelqu’un qui me pose vite des questions. J’aime comprendre ce qui ne fonctionne pas. C’est vraiment con en plus que ça m’arrive maintenant, en plein stage chez les pros. Du coup, ça me préoccupe encore davantage. J’espère que l’on ne me jugera pas que sur mes résultats actuels. Mais il faudra sûrement faire des choix à l’avenir.

 

-Ça pourrait passer par un abandon du cyclo-cross ?
C’est une possibilité. L’hiver dernier, je n’avais coupé que deux semaines entre la route et le cyclo-cross. D’un côté, ça permet de ne pas trop galérer pour revenir à la compétition, de ne pas prendre de poids également. Mais à force trop tirer sur la corde… Il va falloir réfléchir et voir comment mieux gérer mon calendrier à l’avenir. Maintenant, je dis aussi ça à chaud parce qu’actuellement, je suis un peu dans le creux de la vague. Mais il faudra prendre un peu de recul et faire un point complet durant la trêve hivernale.

-Tu comptes encore retrouver tes moyens ?
Mais oui, il y en aura d’autres ! Je ne lâche pas l’affaire, j’ai l’âme et le mental d’un coursier... Pourquoi ne pas faire quelque chose dimanche sur le Championnat de France Espoirs, que j'enchaîne directement après le Tour du Limousin ? Le seul problème, c'est que tout le monde a la même envie ce jour-là. Et puis, si je reste sur cette forme-là, je ne sais pas si je serai présent !

"LE PROGRAMME DE L'ARMEE EST UN VRAI PLUS"

-Cette année, ton passage à l’Armée de Terre semble t’avoir fait du bien ?
C’était d’abord un changement de calendrier complet pour moi, même si le CR4C Roanne m’a apporté beaucoup, avec des courses peut-être plus montagneuses. Le programme de l’Armée, c’est un vrai plus : à n'en pas douter, le meilleur qu'une équipe amateur puisse fournir. Avec l’Armée, j’ai franchi un gros cap, avec beaucoup d'épreuves de classe 2, des courses où ça roule très vite, qui permettent de débloquer le moteur et de prendre de la force. Je suis sûr que tout ce travail finira par payer dans les semaines ou les mois à venir.


-Quand tu fais partie de l'équipe d l'Armée, seule la victoire semble envisageable…
C’est clair ! Sur la plupart des courses, on prenait le départ pour gagner. Après, ce qui est bien, c’est que tous les coureurs peuvent jouer leur carte, malgré le gros collectif. On ne se tire jamais dans les pattes, au contraire. Chacun aurait pu jouer un peu plus sa carte et finalement, ce n'est pas du tout le cas. De toute façon, on le voit dans les résultats. 90% des mecs de l’équipe ont levé les bras au moins une fois cette année. Le fait de tout le monde marche, ça aide à obtenir tes propres performances.

-Tu as profité de cette dynamique?
Bien sûr ! Je me souviens notamment du début de saison avec Romain Combaud. On s’est souvent retrouvés devant ensemble, à faire des résultats sur les mêmes courses. Sur Paris-Mantes, on fait premier et troisième [David Menut s'impose devant Cyrille Patoux, du VC Rouen 76 (voir ici)]. Aux Boucles Guégonnaises, c’est Romain qui avait gagné et j’avais pris la deuxième place. C’est arrivé plusieurs fois que l'on se tire l'un et l'autre vers le haut ! A un moment donné, quand on se retrouvait tous les deux dans une échappée, un regard suffisait. Dans ma tête, je me disais : « Aujourd’hui, on va scorer » (sourires) ! Ça m’a beaucoup aidé cette année de courir avec des coureurs d’un tel niveau à l’Armée. Gagner la Coupe de France DN1, c’est top (voir ici). Peu de coureurs peuvent se vanter de l’avoir gagnée.

"DES RESULTATS DES MA REPRISE"

-Etait-il facile de te faire ta place dans un groupe aussi soudé et performant ?
C’est vrai que j’ai douté un peu au tout début de saison. David [Lima Da Costa, le directeur sportif] voulait me faire participer à un maximum de courses. Il voulait que j’enchaîne après le Mondial de cyclo-cross, pour aller jusqu’au Grand Prix Souvenir Jean Masse, la première manche de la Coupe de France DN1. J’avais participé à un stage avec l’équipe… et ça n’allait pas. Je n’avais pas la tête à ça. J’étais fatigué de ma saison de cyclo-cross. Pendant ce temps-là, je voyais tous les collègues de l’équipe qui marchaient déjà super fort au stage puis sur les toutes premières courses. Là, il fallait vite prendre la bonne décision. J’ai parlé avec David, et nous avons opté pour couper une bonne semaine. Et dès ma reprise, j’ai eu des bons résultats. A partir de là, je ne me suis plus posé de questions. J’avais confiance en moi.


-Tu sembles très méticuleux, toujours à la recherche d’explications et de solutions lorsque quelque chose coince…
C’est normal, je ne fais que du vélo actuellement. Je veux essayer de passer pro – même si ce n'est pas une fin en soi. Pour y parvenir, je me dois d’être méticuleux. Il n’y a pas de secret dans le sport. Je m’entends très bien avec mon coach Nicolas Ollier, avec qui je bosse depuis toujours. On se comprend très bien, on essaie de prendre les meilleures décisions à chaque instant. C’est aussi pour ça que je ne m’affole pas pour mes petits soucis actuels. J’en discuterai avec lui. Et puis avec le mental et l’envie, on peut toujours y arriver.


-Une équipe Continentale pourrait voir le jour en 2015 sur les bases de l'Armée de Terre (lire ici). Est-ce une bonne option pour toi ?
Pour le moment, ce ne sont que des bruits de couloir. Certes, on en parle entre coureurs et avec le staff également. J’attends de voir la suite. Je sais que David fait de son mieux. On sera informé en temps voulu. Mais c’est sûr que cette équipe constituerait une très bonne solution pour mon avenir.

 

Crédit photo : Aurélie Tscheiller

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