Bernard Hinault: «J'ai dit d'accord, on va rentrer dans le tas !»

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    Bernard Hinault: «J'ai dit d'accord, on va rentrer dans le tas !»
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Recueilli par Patrick Louis

Il est le dernier coureur français à avoir ramené le maillot jaune à Paris. C'était lors de son cinquième sacre, en 1985. Depuis, le Breton accueille chaque jour les différents lauréats pour les présenter aux personnalités sur le podium. Bernard Hinault, le «Blaireau» pour le monde de la petite reine, n'a pas perdu son franc-parler. Il ne le perdra d'ailleurs jamais. Rencontre.

Yann Le Quellec, le réalisateur qui vous a dirigé sur «Quepa sur la Vilni», a dit “Hinault c'est un acteur à la John Wayne” !

(Il éclate de rire...)

Vous pourriez avoir d'autres ouvertures cinématographiques ?

Non, non, non. C'est un coup comme ça...

Si on vous proposait un vrai rôle, un paysan breton par exemple...

Non, non, je ne veux pas faire un truc qui dure longtemps, longtemps... Une petite apparition comme ça, mais bon, c'est tout...

La parenthèse ciné vous a plu ?

Oui, c'est marrant à faire. Et c'est marrant de rencontrer d'autres personnes, un autre métier. Moi j'ai trouvé qu'ils avaient beaucoup de patience à chaque prise de vue, tu dois attendre une heure parfois...

Ouhhh ! ça ne vous correspond pas trop...

Non, c'est pour ça que c'est une expérience et qu'elle se limite à ça !

Dans votre chère Bretagne, on parle des algues vertes, des bonnets rouges mais pas trop de maillot jaune. Le Tour va revenir chez vous un jour ?

Oui, c'est sûr, le Tour reviendra en Bretagne...

Mais vous, en tant qu'ambassadeur, quintuple vainqueur, vous supportez ces Tours sans Armorique ?

Mais tu ne peux pas faire autrement ! Ce n'est pas parce qu'on est une région de cyclistes qu'on doit priver les autres du spectacle. Il faut savoir que chaque fois que tu vas en Bretagne, c'est au minimum deux étapes et en fin de compte tu dois partager...

Le gâteau ?

Oui, le gâteau, le spectacle. Le Tour n'existe pas qu'avec la Bretagne, il existe avec toutes les régions et tous les départements...

Et aujourd'hui tous les pays, ça vous énerve toutes ces visites à l'étranger ?

Mais non ! Quand on voit l'enthousiasme qu'on a rencontré en Angleterre. Pour nous, c'était du rêve. Moi, ça fait quarante ans que je suis dans le vélo, je n'ai jamais vu ça. On avait déjà été surpris avec le Grand départ de Londres, là, c'était le double. Le double ! C'était incroyable, ils avaient repeint des maisons en blanc avec des pois rouges ! Un soir on est allé dîner dans un restaurant, les quatre murs étaient différents. Un jaune, un vert, un à pois et un blanc...

Quel hommage !

Oui. Tous les vieux vélos qu'ils avaient trouvés étaient en jaune. Nous, avec Christian on est arrivé le lundi. On nous avait bloqués les places de devant dans l'avion. C'est super, t'allonges les jambes, tu dis tiens t'as de la place aujourd'hui. Ensuite, à l'arrivée, ils ont empêché les passagers de sortir, et pour nous, tapis rouge ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte. Accueil, musique, et quand on est sorti, orchestre, Marseillaise ! Tout ça pour nous, pour le Tour de France...

Comment avez-vous réagi ?

On était bouche bée. On n'est quand même pas des présidents de la République ! Il faut rester à ton niveau, mais c'était un sacré hommage.

Vous avez été reconnu là-bas ?

Ah oui, si j'avais voulu, j'aurais pu m'installer à une table et signer des autographes toute la journée ! On a fait des actions avec les écoles, il y avait des drapeaux français partout.

Dans une interview, Jean-Paul Ollivier a raconté que vous aviez arrêté de vous battre avec les grévistes sur Paris-Nice quand un ouvrier vous a dit : «Bernard, on fait ça pour manger»

Ah non ! J'ai dit : «Tu m'emmerdes pas dans mon boulot, moi je te fais pas chier dans le tien !» Ce n'est pas pareil. C'était le seul Paris-Nice que je pouvais gagner, ils se pointent, ils nous arrêtent et voilà...

En plus, ils auraient pu vous faire mal...

Oh, j'ai eu une côte cassée quand même ! Une cote basse, c'est vrai, ça fait pas mal...

Tout jeune champion de France, vous aviez pourtant mené une grève restée célèbre sur le Tour à Valence d'Agen...

Au départ, ce n'était pas moi. Mais tous les grands de l'époque étaient d'accord, Raas, Knetemann, tous les leaders des grandes équipes. Ils sont venus me voir. Toi t'es Français, t'as le maillot tu dois nous défendre. Bon, j'ai dit d'accord, on va rentrer dans le tas.

Et vous êtes allé au bout...

He ben oui. Et on a fait évoluer notre sport. Aujourd ‘hui, Christian et son équipe sont à l'écoute, les conditions ne sont plus les mêmes. Si t'as une grosse étape, le lendemain, ou la veille, tu en as une petite. Tu dois faire en sorte que les coureurs puissent dormir dix heures.

Un petit mot sur les Français de ce Tour 2014

C'est beau, c'est la jeunesse...

Avec Péraud, 37 ans, sur le podium ?

Mais il est jeune, depuis quand il fait le Tour ? Il est en pleine forme avec en plus l'expérience et la maturité...Et puis il ya deux ou trois jeunes super, mais il faut les laisser tranquilles, leur laisser le temps d'arriver.

Vous n'avez pas peur de perdre votre maillot de dernier vainqueur français ?

Pas du tout, plus vite ils arrivent, mieux c'est. Moi, mon histoire, elle est écrite depuis longtemps. Eux doivent écrire la leur.

Et Nibali ?

Nibali il a préparé son affaire comme on doit la préparer. Partout, sur les pavés, c'était beau. Il disait qu'il n'en avait jamais fait mais dans son équipe, il y a des spécialistes, ils ont mis tous les atouts de leur côté pour gagner. Et ils gagnent..

Que ce soit Vino son patron, ça vous dit quoi ?

(Silence). Faut oublier tout ça...

Et si on apprend demain qu'il y en a encore un qui s'est fait attraper sur le Tour ?

Faut le f.. !


Le match Hinault-Bayrou

François Bayrou, le maire de Pau, avait annulé une inauguration dans sa très sportive cité. Celle de la rue Bernard Hinault, prétextant que ce genre d'hommage doit être réservé à des personnalités disparues. Les deux hommes se sont rencontrées jeudi au départ du Parc Beaumont et Bayrou a indiqué que cinq stèles Bernard Hinault figureraient sur une allée des grands vainqueurs du Tour. Pas rancunier, le Blaireau a indiqué qu'il viendrait. «Si je suis vivant bien sûr !»

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