La Grande Interview : Julien Guay

Julien Guay, 27 ans, restera finalement amateur au moins un an de plus. L’ex-professionnel de Roubaix-Lille Métropole s’était engagé en 2013 avec Sojasun espoir-ACNC en espérant rejoindre l’équipe première en 2014. Or, celle-ci disparaît cette fin de saison faute d’un budget suffisant. Sans faux-semblant, il raconte à DirectVélo sa déception et son « erreur » de ne pas avoir noué contact plus tôt avec d’autres employeurs. Un retour chez les pros, il y croit encore. "Pour 2015, c’est possible", dit-il. Mais Guay se dit "quand même content" de rempiler avec Sojasun espoir, un club dans lequel il se trouve "heureux". Il espère faire aussi bien l’an prochain que ses douze succès et sa cinquième place au classement individuel DirectVélo. Parce que "pouvoir faire ce métier est un plaisir absolu."

DirectVélo : Comment vis-tu le fait de ne pas avoir trouvé d’équipe pro pour 2014 ?
Julien Guay : Je suis forcément déçu. Rester en amateur une année de plus n’était pas mon choix numéro un. J’avais d’autres perspectives pour l’année prochaine mais je vais malheureusement devoir rester dans la même situation qu’en 2013. Je suis d’autant plus frustré que je pense avoir fait le tour de la question en amateur. Mais c’est le jeu. Je préfère me dire qu’il y a des choses bien plus graves dans la vie. Je resterai dans l’équipe Sojasun espoir l’année prochaine et je suis quand même content de courir pour eux.

« J'AI ENCORE DE BELLES CHOSES A FAIRE SUR LE VELO »

Aurais-tu signé avec l’équipe Sojasun si celle-ci avait continué l’année prochaine ?
Oui, la situation était très claire depuis pas mal de temps : j’avais ma place, à la condition que l’équipe continue. Par la suite, il y a eu toute cette période d’attente pendant laquelle je ne savais pas si l’équipe allait retrouver un sponsor et donc si j’allais pouvoir décrocher un contrat chez les pros. Fin septembre, je ne me faisais déjà plus d’illusion. Sur le coup, je dois avouer que ça a été très dur pour moi mentalement. Mais après tout, je préfère me dire que j’ai encore de belles choses à faire sur le vélo.

Tu n’avais pas pris de contacts avec d’autres équipes ?
Lorsque j’ai quitté Roubaix-Lille Métropole fin 2012, je me suis dit que ma seule chance de retourner chez les pros un jour serait d’aller dans une équipe réserve type Sojasun espoir. Comme il se trouve que j’ai été stagiaire dans l’équipe première cet été, et qu’en plus les dirigeants de Sojasun m’avaient assuré un contrat pour 2014, je ne suis pas allé voir ailleurs, au cas où. Quand j’ai compris que la piste de Sojasun allait tomber à l’eau, je me suis décidé à démarcher d’autres équipes. C’était bien trop tard et c’est là mon erreur. Certains dirigeants m’ont dit : "Si tu avais appelé plus tôt..." On ne sait jamais vraiment ce que pensent les managers dans ces cas-là, mais j’ai forcément des regrets. L’option la plus sérieuse, c’était La Pomme Marseille. J’y ai vraiment cru mais ils n’ont finalement pas donné suite. Dommage : c’est une équipe qui aurait pu me correspondre.

Et à l’étranger ?
Je n’ai pas essayé de contacter d'équipes. Aller courir en Belgique voire en Asie ou en Amérique comme le font certains, ce n’est pas mon truc. Ou alors il aurait vraiment fallu que ce soit une grosse équipe. Je ne me voyais pas partir dans une galère. C’est peut-être encore une erreur de ma part car ça pourrait très bien se passer dans ce genre d’équipes à l’autre bout du monde. Mais je ne me sens pas de tenter ce genre d’aventure. J’ai préféré rester à Sojasun espoir.

Le fait que plusieurs équipes cessent leur activité en Europe n’a pas dû t’aider...
Avec le nombre de coureurs sur le marché cet hiver, et notamment tous les gars de Sojasun, les chances étaient plus minces. Aujourd’hui encore, il y a toujours des coureurs de qualité sur le marché. C’est la galère pour beaucoup !

As-tu hésité avant de repartir avec Sojasun espoir ?
Je ne suis pas le genre de coureur à changer d’équipe tous les ans ! J’aime la stabilité. Pour moi il était logique de continuer avec cette équipe dans laquelle je suis heureux. Elle a un très bon programme de course avec plusieurs épreuves en classe 2. En plus, le club est basé à côté de chez moi. J’y joue le capitaine de route pour les plus jeunes, un rôle qui me plaît beaucoup.

DOUZE VICTOIRES ENTRE MAI ET SEPTEMBRE

Tu tires un bon bilan personnel de ta saison ?
Oui, même si on peut toujours faire mieux. J’ai eu du mal à concrétiser au début, mais c’est la même chose chaque année : je n’arrive pas à gagner une course avant le mois de mai depuis les rangs Juniors (rires) ! Je fais quand même des places sur le podium (notamment 2e de Manche-Atlantique et 2e d’étape au Circuit des Ardennes, NDLR) mais je ne gagne pas. Si l’an prochain je conjure le mauvais sort, ce sera la grosse côte (rires) !

La suite de la saison a été fructueuse...
J’enchaîne douze victoires entre mai et septembre, dont le Grand Prix de la Saint-Laurent Elites, en Coupe de France DN1. J’ai pris énormément de plaisir pendant toute cette période et j’espère que je continuerai sur cette lancée en 2014.  

Tu es donc bien motivé à l’approche de la nouvelle saison ?
Oui. J’adore le vélo. Pouvoir faire ce métier est un plaisir absolu. J’adore rouler, partager mon expérience avec les plus jeunes, ressentir l’adrénaline de la victoire... Même à l’entraînement, je m’applique autant que lorsque j’étais pro avec Roubaix-Lille Métropole. Rien n’a changé, je garde le même sérieux. Il y a encore beaucoup de courses que je n’ai pas eu l’occasion de gagner, que ce soit en Coupe de France ou en classe 2 par exemple. Je pense au Tour de Normandie, au Tour de Bretagne, au Rhône-Alpes Isère Tour, mais aussi au Championnat de France. Viser un résultat sur ce type de courses, c’est une vraie source de motivation. Je suis toujours aussi heureux lorsque je découvre le calendrier de la saison à venir. Le cyclisme est ma passion, tout simplement.

Combien de temps serais-tu encore prêt à continuer chez les amateurs ?
Ça dépendra des conditions dans lesquelles je pourrai courir. Si je gagne assez pour pouvoir vivre du cyclisme, comme c’est le cas actuellement, alors je suis prêt à continuer pas mal de temps. Si je risque de manger des pommes de terre tous les jours, il sera temps d’arrêter. Pour le moment je suis surmotivé et je mesure la chance que j’ai d’être coureur. Je commence à avoir de l’expérience mais j’ai encore des choses à apprendre et à découvrir.

Et ce retour dans le peloton professionnel ?
Pour 2015, c’est possible. Il faudra que je fasse l’an prochain une aussi bonne saison qu’en 2013, voire même meilleure, si possible. Je n’ai pas tiré un trait définitif sur le monde professionnel. Après tout, Franck Vermeulen est bien passé pro à 35 ans (rires) ! Tout est possible. Maintenant, je suis quand même réaliste et j’ai conscience que la barrière de l’âge pourrait commencer à devenir un problème. Un manager préférera toujours prendre un jeune de 20 ans. Le cyclisme pro est l’un de mes objectifs mais pas mon obsession comme il y a deux ou trois ans. Le cyclisme est ma passion, tout simplement.

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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