(L’interview a été réalisée pendant le Défi Eric Caritoux) Quel est le souvenir que vous gardez d’Eric Caritoux ?

Je me souviens d’un garçon discret, sympathique et très talentueux. Mon premier souvenir d’Eric  que j’ai, c’était pendant mon premier championnat de France, à Montluçon. J’avais beaucoup souffert, c’était très long. J’avais été lâché, et alors qu’il me restait un tour, je faisais partie d’un petit groupe de coureurs qui comme moi n’avaient pas tenu. Et au moment où on passait sous la flamme rouge, Daniel Mangeas annonçait le nom d’Eric Caritoux. Je me suis dit que j’allais quand même finir, mais je n’ai jamais pu franchir la ligne, à cause du podium, du protocole… Je n’ai donc pas été classé.

Nous sommes actuellement au sommet du Ventoux. Est-ce que vous avez des souvenirs particuliers de cette montagne lorsque vous étiez coureur ?

Je n’ai pas vraiment de bon ou de meilleur souvenir… Peut-être cette année sur le Dauphiné, où j’arrive seul avec Richard Virenque pour la gagne… Il remporte finalement l’étape, et moi je prends le maillot de leader, puisque j’avais réussi à lâcher Indurain. On avait creusé un bel écart, c’était peut-être ma meilleure montée. Sur le Tour après je n’ai peut-être pas de grand souvenir, le Ventoux est une montagne difficile, qui m’a rarement réussi.

On peut lire en grimpant le Ventoux une banderole, où des critiques sont faites sur le fait que l’arrivée du Tour le 14 juillet dernier ne se soit pas faite au sommet, à cause du vent. Que pensez-vous des critiques ?

Et bien ça me surprend un peu, ça se voit que les gens qui ont écrit ça n’étaient pas là le jour J tout simplement. Il faut se mettre à la place des coureurs et des organisateurs, c’était la bonne décision à prendre. Je suis passé là haut après l’arrivée, à moto, et je peux dire que je ne faisais pas le malin. Après je comprends que ça puisse être frustrant, on a toujours envie d’arriver au sommet du Ventoux, mais je pense que c’était la bonne décision à prendre ce jour-là, je pense qu’il y aurait eu moins de dégâts, les coureurs se seraient neutralisés par peur du vent, et de prendre trop de risques. Les organisateurs ont eu raison de privilégier la sécurité. Ce n’était tout simplement pas possible de faire courir le risque aux coureurs mais aussi aux spectateurs, d’aller jusqu’au sommet.

La Vuelta vient de s’achever. Qu’en avez-vous pensé ?

J’ai vu que certains coureurs rouspétaient parce que les finals d’étape étaient trop difficiles. Moi j’ai trouvé ça attractif, les étapes étaient plus courtes, avec quelques difficultés qui n’étaient parfois pas trop longues… je pense que ça m’aurait plu de commenter une belle course comme celle-ci. On a vraiment eu une belle Vuelta, avec un scénario différent chaque jour, plus palpitant que sur le Tour, c’est vrai.

Un autre événement a eu lieu cet été : les Jeux Olympiques. Quel bilan peut-on tirer de l’équipe de France de cyclisme ?

On ne peut pas parler de fiasco pour l’équipe sur route, avec la quatrième place d’Alaphilippe… c’est frustrant car il était très fort ce jour-là, on avait le sentiment que la gagne était accessible. Il comprendra peut-être plus tard, avec le recul, qu’avec un meilleur positionnement la course aurait pu en être toute autre. S’il avait gagné ce jour là, il aurait apporté à la France sa première médaille d’or, cela aurait apporté une belle dynamique.

Après sur piste c’est dommage, mais ça ne fait que confirmer la donne des Mondiaux en début d’année, où l’on a fait des performances qui n’étaient pas forcément celles que l’on attendait. Mais je n’accable pas les coureurs, c’est comme ça, ça existe les contre-performances. Et en VTT, on a Marotte qui termine quatrième, et Koretzky s’il ne crève pas… Après tous nos représentants n’étaient peut-être pas dans les meilleures dispositions, comme Pauline Ferrand-Prévot par exemple.

Qu’est ce que vous lui conseillerez à Pauline Ferrand-Prévot, justement ?

Je ne suis pas son agent, donc elle fait ce qu’elle veut (rires). Une chose est sûre, elle est très douée, mais elle fait peut-être trop. Il n’y a qu’à voir sa coéquipière Marianne Vos, elle aussi elle a eu besoin de tout couper pour se remotiver, elle a fait un burn-out. Pauline est bonne partout, alors forcément il y a cette tentation de tout faire, mais l’organisme peut dire stop aussi.

Les Mondiaux approchent à grand pas. En tant qu’ancien sélectionneur de l’équipe de France, qu’auriez-vous fait ? Si vous étiez encore à cette place, prendriez-vous un, deux, ou trois sprinteurs ?

Je prendrai les trois (Bouhanni, Coquard et Démare ndlr). Quand tu as la chance d’avoir trois coureurs qui vont aussi vite, pourquoi s’en priver ? S’il y a une chute, et qu’il n’y a plus personne, ce serait très dommage de prendre ce risque. Il y a suffisamment de place dans la sélection pour emmener un poisson-pilote. Je ne pense pas que la France va contrôler la course, elle ne va pas non plus la durcir, elle va attendre le sprint.

Et je pense que tous les trois ont tellement de fierté et d’orgueil, qu’ils souhaitent tous se sublimer, montrer qui est le meilleur des trois. Je pense que ça va créer une émulation. Après, je ne sais pas comment ils s’entendent, comment sera l’ambiance, mais c’est à tenter.