Caroline, juste avant de te classer 3ème du Challenge National à Flamanville, tu as fait ton retour en Coupe du Monde à Namur où tu as pris la 19ème place. Comment juges-tu ta prestation ?
Il faut analyser ce résultat. J’ai fait un départ très poussif, car je ne suis jamais vraiment à l’aise sur les départs en montée. C’est très difficile de se positionner et j’ai du mal à me mettre dedans à bloc. Mentalement et physiquement, c’était un circuit très exigeant. Techniquement je n’étais pas trop mal, mais il fallait que je me remette dans le bain des courses européennes.

Quelles sont les différences majeures entre le circuit américain et européen ?
Aux États-Unis, nous n’avons eu que des temps secs. C’étaient donc des courses très rapides, full gaz tout le temps. C’est difficile de me remettre dedans et de parvenir à me mettre minable dans la boue. C’est un peu bizarre comme sensation. Il faut que je me réadapte à ces types de course différents. Mais je ne suis pas inquiète. Je prépare sereinement le Championnat de France. J’étais très fatiguée au moment de rentrer en Europe. Ça a été une saison chargée en émotions, en déplacements, en courses. J’ai déjà pratiquement fait une saison aux États-Unis et c’est comme si c’en était une deuxième pour moi en Europe.

Quand as-tu coupé ?
Je suis rentrée le 6 décembre. Je suis restée quelques jours chez moi pour me reposer un peu. Il fallait le temps de remettre en route et de bosser. C’est vrai que ce n’était pas évident. Ma 19ème place à Namur n’a rien à voir avec les performances que j’ai pu faire. Mais il faut analyser le résultat et faire en sorte que ce soit meilleur lors des échéances à venir. Physiquement, je ne suis pas trop mal. Il manque un petit ajustement et ça peut être là.

Comment vas-tu préparer le Championnat de France ?
J’essaye de retrouver un bon état de forme. Aux États-Unis, j’ai pris un peu de poids comme chaque année. Il faut descendre la balance. On fait ce qu’on peut. On se prépare physiquement et mentalement pour donner le meilleur et ne pas avoir de regrets. On part pour gagner, pour faire une médaille, mais c’est une course d’un jour. Tout peut se passer, on l’a déjà vu.

Ta prochaine échéance, c’est la Coupe du Monde de Rome le week-end prochain ?
J’aimerais aller à Rome, mais c’est très difficile. Je n’ai pas de support ici au niveau de l’équipe de France et je dois me débrouiller. On va voir comment cela se passe au niveau de l’organisation. Ce n’est pas forcément évident. La fédération ne prend plus en charge les Élites et je n’ai pas une famille dans le milieu du vélo. Heureusement j’ai des copains qui ont pu me donner un coup de main, car autrement ça aurait été difficile à gérer.

Te sens-tu oubliée ?
Disons que la politique de la fédération a un peu changé. Quand je suis arrivée dans le cyclo-cross, il y avait plus de moyens et plus de motivation. À l’époque, on n’amenait même pas les roues ! Il y avait Laurence Leboucher, Maryline Salvetat, Christel Ferrier-Bruneau, etc. J’étais un peu la petite jeune. J’ai eu la chance que Laurence me prenne sous son aile au départ. En équipe de France, on se déplaçait ensemble, on faisait les Coupes du Monde, les stages. C’est ce qui a fait qu’on s’est retrouvé devant au niveau mondial. Il faut se reconcentrer et réussir à revenir à ce niveau. Ce n’est pas forcément évident, mais il ne faut pas baisser les bras.

À ton sens, que faudrait-il pour que la France retrouve le statut qui était le sien l’an dernier quand cinq Françaises étaient dans le Top 20 de la Coupe du Monde à Zolder ?
Il faudrait créer une dynamique. C’est ce que l’on avait avant, mais que l’on n’a plus, car on ne se voit plus ! On se croise, mais c’est tout. La veille de la Coupe du Monde à Namur, j’étais à table au restaurant et je voyais les Allemands. Ils étaient tous ensemble… Il y a une politique, il faut que l’on fasse avec. À l’époque, quand on faisait des stages, il y avait une vraie émulation, un vrai groupe. Quand un Junior faisait une performance le matin, ça nous boostait ! Il y avait des Tops mondiaux tous les ans. Le niveau augmente chaque année. Il faut que l’on reste dans le bon wagon alors que l’on est en retrait pour le moment.

Voir une Junior terminer 3ème du scratch au Challenge National à Quelneuc, est-ce inquiétant, ou signe que la relève est là ?
Il y a un côté positif et négatif. C’est un peu dramatique de voir qu’il n’y a que deux filles devant. Ce n’est pas évident : il y a Lucie Chainel et Marlène Morel-Petitgirard et derrière une Junior, Emeline Gaultier que l’on n’avait pas forcément vue avant. D’un autre côté, c’est une bonne chose. Les Juniors peuvent se dire qu’elles peuvent accéder au podium. Personnellement, je ne peux pas courir en France. On me reproche de partir à l’étranger et de ne plus être dans le système français. Mais je gagne ma vie là-bas ! J’ai eu des expériences au niveau professionnel et sportif intéressantes.

À Namur, tu as conseillé Laura Perry, licenciée comme toi au CC Etupes…
Je connais un peu Laura. J’aime bien faire la reco et lui donner des conseils. Je commence à avoir de la bouteille, même si je ne suis pas bien vieille ! C’est comme ça que j’ai commencé. J’ai eu la chance d’avoir Laurence qui faisait les recos avec moi et qui me montrait quelques petites choses. Je n’ai pas l’expérience de Laurence, mais j’en ai quand même un peu. Si je peux la transmettre… Il faut penser à la relève ! On nous reproche de ne pas être au niveau, de ne pas faire de médailles. Mais si on ne nous prend pas en charge, on ne pourra pas aller les chercher. Il ne faut pas uniquement penser à court ou à moyen terme. Il faut être sûr que ces filles-là n’arrêtent pas et qu’elles puissent avoir la chance de découvrir le plus haut niveau national et international.

Les Championnats du Monde se sont tenus l’an dernier à Louisville. Providence serait candidate pour accueillir une manche de Coupe du Monde dans un avenir proche. Sens-tu que le cyclo-cross se développe aux États-Unis ?
Je connais par cœur le circuit de Louisville, mais je n’ai pas eu la chance d’être conviée au Mondial… L’ambiance aux États-Unis est particulière. Je m’éclate là-bas ! C’est une grande famille. Pros, hommes comme femmes, sont considérés de la même manière, ce qui est toujours sympa. Surtout qu’en Europe, une femme n’est pas considérée comme pro, car on ne gagne pas des mille et des cents. Que tu sois de Raleigh, de Cannondale, on te donnera toujours un coup de main. Tu peux aller boire un café sous la tente et discuter avant la course. L’ambiance est plus conviviale. Il y a moins de tension. En Europe, c’est la compétition, c’est chacun dans sa tente, et personne ne se parle. On est certes très pros en Europe, mais le niveau est vraiment costaud aux États-Unis.

Est-il encore en train d’augmenter ?
Oui, clairement. Cela fait deux ans que je cours là-bas. Chaque année, le niveau augmente. Il n’y a pas si longtemps, j’ai terminé 5ème d’une course aux États-Unis. Toutes celles qui avaient terminé devant moi avaient fait un Top 10 en Coupe du Monde. Il y a Katherine Compton, Katerina Nash, etc. La sélection américaine a fait l’effort de venir en Europe pour les Coupes du Monde pour apprendre. Elles étaient huit au départ à Namur et une d’entre elles est même restée sur le carreau, car il n’y avait plus de place. Ils font vraiment un bon boulot. On peut prendre exemple sur eux. Ils s’inspirent de l’Europe, mais nous devons également nous inspirer d’eux. Ils ont des choses que nous n’avons pas forcément. Les deux approches peuvent se compléter pour faire une belle discipline.

Propos recueillis à Namur le 22 décembre 2013.