Johan Le Bon - Olivier Le Gac. Rencontre entre deux champions

Quand un champion du monde juniors rencontre un autre champion du monde juniors, de quoi parlent-ils? Johan Le Bon, sacré en 2008, et Olivier Le Gac, titré l'été dernier, se sont croisés à Châteaulin.

Johan Le Bon (à gauche) et Olivier Le Gac se sont retrouvés en marge du stage de l'équipe Bretagne-Schuller dans le Sud-Finistère. Photo Philippe Priser
Johan Le Bon (à gauche) et Olivier Le Gac se sont retrouvés en marge du stage de l'équipe Bretagne-Schuller dans le Sud-Finistère. Photo Philippe Priser
Première question, est-ce que vous vous connaissez? Johan Le Bon: «Un peu. On a fait chambre commune, mi-août, lors des championnats de France de l'Avenir à Brécey (Manche). Avant cela, je connaissais surtout ses frères: Sylvain, qui a pratiquement le même âge que moi, et Laurent avec qui j'ai notamment couru le Tour de Bretagne. Olivier, j'en avais juste entendu parler... » Olivier Le Gac: «Depuis que je fais du vélo, j'entends parler de Johan. Avec mes frères, dans les journaux, sur internet. Nos pères (Dominique Le Bon et Denis Le Gac) ont dû courir ensemble mais comme je n'ai jamais vu courir le mien quand j'étais gamin... Après, je ne sais pas si c'était une coïncidence de se retrouver en chambre, cette semaine-là à Brécey, mais j'avais trouvé ça plutôt sympa. Cela nous avait permis de faire connaissance. Si le comité de Bretagne ne nous avait pas placés ensemble pour les «France», je n'aurais jamais osé te parler (il regarde Johan). Ce titre, quelque part, nous a rapprochés.» Justement, vous souvenez-vous de quoi vous aviez discuté dans la Manche? J.L.B.: «Je l'avais félicité pour son titre de champion du monde et je lui avais dit d'en profiter au maximum. Être champion du monde, c'est quelque chose d'extraordinaire. Je me souviens également lui avoir dit qu'il avait vraiment de la chance car il allait porter le maillot arc-en-ciel durant un an. Ça va être un an de plaisir. Comme j'étais junior 2 l'année de ma victoire, je n'ai malheureusement pas eu cette chance.» O.L.G.: «On avait aussi parlé de l'après-championnat du monde, de ce qui m'attendait. Je me suis d'ailleurs vite rendu compte du changement: lors de la Ronde des Vallées à Hémonstoir, une semaine après mon titre, c'était un peu de la folie. Avant, pendant et après la course. Ce jour-là, par exemple, je n'avais même pas pu m'échauffer. Tout le monde voulait une photo ou un autographe, tout le monde voulait voir le maillot, je ne m'attendais jamais à ça. Pendant la course, j'étais énormément marqué. Forcément, je n'étais pas préparé à tout ça. Johan a dû vivre la même chose.» Pensez-vous avoir des points communs? O.L.G.: «L'envie de gagner (spontané). En compétition, ce qui nous rapproche, c'est d'abord l'envie de gagner. On court tous les deux pour ça. Je pense également que nos deux caractères se ressemblent. Quelqu'un qui nous connaît bien me l'a déjà dit. Comme Johan, par exemple, j'aime bien être assez tranquille.» J.L.B.: «Quand une course se termine à 17h, j'aimerais bien être dans mon coin à 17h01 et penser déjà tranquillement à la prochaine. Tout ce qu'il y a autour, je ne suis pas fan. Olivier et moi avons aussi la chance d'être bien entourés. Si on en est arrivé là, on a en tous les deux conscience, c'est aussi grâce à nos familles.» Comment avez-vous accueilli le titre mondial de l'autre? J.L.B.: «J'avais suivi les résultats d'Olivier depuis le début de la saison et je n'ai pas été plus spécialement surpris que cela d'apprendre qu'il avait gagné. Quand j'ai vu la vidéo de sa victoire, j'ai compris qu'il était allé chercher le titre en costaud. Avec l'épisode de la chaîne qui saute à 800 mètres de la ligne d'arrivée et tout... Plus tard, j'ai également vu sur internet la façon dont il avait gagné la finale de la Ronde Finistérienne à Châteaulin et ça n'a fait que confirmer ce que je pensais. Fallait voir tous les clients qu'il y avait là-bas... D'un autre côté, ça m'a fait un peu bizarre de voir un autre coureur breton sacré champion du monde deux ans après moi. Deux ans, c'est rien, finalement. J'étais content pour lui et pour tout dire, un peu pour moi, aussi: je savais qu'avec sa victoire, j'allais être un peu plus tranquille. Tu m'as enlevé une épine du pied (il sourit en regardant Olivier).» O.L.G.: «Quand Johan a gagné en Afrique du Sud en 2008, sincèrement, je ne m'intéressais pas plus que cela au vélo. Je jouais au foot à Plabennec, je ne regardais même pas le Tour de France à la télé. Et puis, champion du monde juniors, ça me paraissait tellement inaccessible... Je me souviens quand même de la photo d'arrivée, avec l'Italien derrière.» J.L.B.: «C'est pareil pour moi lorsqu'Arnaud Gérard a été sacré en 2002, finalement. À cette époque, je débutais à peine le vélo, je ne pouvais même pas imaginer ce que représentait un titre de champion du monde. Je n'avais que les courses du coin en tête.» Comment l'avez-vous vécu alors? O.L.G.: «Du jour au lendemain, ma vie a changé. C'est sûr, il y a un avant et un après championnat du monde. À part à Hémonstoir où j'ai un peu accusé le coup, je le vis bien. De toute façon, je ne suis pas du genre à me prendre la tête avec ça. Ce n'est que du bonheur et j'en profite au max! D'un autre côté, comme Johan, j'aime passer un peu inaperçu et là, je sais que ce n'est plus possible...» J.L.B.: «Pour un coureur, porter le maillot arc-en-ciel, sincèrement, il n'y a rien de plus beau. C'est le top! Et puis, champion du monde, c'est à vie. Quand on tape «champion du monde» sur internet, on tombe sur nos noms. Quand on aura 60 ans, ce sera encore le cas. Maintenant, cela fait un an et demi que je suis passé professionnel et pour avancer, je n'ai plus trop envie que l'on me reparle en permanence de mon titre même si, d'un autre côté, je sais qu'il est là. Et il le sera toujours. Mais, sincèrement, il n'a pas non plus que des bons côtés...» La médaille d'or a un revers? J.L.B.: «Personnellement, je viens de passer deux années compliquées, en partie à cause de ce titre. Partout où je cours depuis ma victoire en Afrique du Sud, on me présente comme le champion du monde juniors 2008, le grand espoir du cyclisme français ou encore le successeur de Bernard Hinault. C'est lourd, très lourd à porter. Moi qui aime être seul dans mon coin, en plus... Faut vraiment arrêter avec ça: si j'étais le nouveau Bernard Hinault, j'aurais déjà gagné des étapes dans le Tour de France. Je reconnais que j'ai commis des erreurs, aussi; quand je suis passé professionnel, je voulais à tout prix montrer que j'étais champion du monde et résultat, j'ai parfois fait un peu n'importe quoi en course. On ne fait pas carrière chez les pros avec un titre de champion du monde juniors. Cyril Gautier et Tony Gallopin me l'ont dit: quand tu passes pros, tu remets les compteurs à zéro, j'ai mis du temps à m'en rendre compte et si je peux éviter ça à Olivier... D'ailleurs, si tu veux mon numéro pour en parler...» O.L.G.: «Avant même le championnat du monde, on m'a également comparé à Bernard Hinault et à Johan (après la victoire d'Olivier en première catégorie à Clohars-Carnoët). Ça ne m'a pas plu. À l'époque, j'avais dit que je voulais éviter les comparaisons et les gens l'ont compris.» Johan, si vous aviez un conseil à donner à Olivier? J. L. B.: «Olivier, je n'ai aucun doute là-dessus, sera encore plus fort la saison prochaine. Il va grandir, il va prendre de la force, il va continuer sa progression. Il sera plus fort mais cela ne veut pas dire qu'il gagnera autant de courses que cette saison. Il lui arrivera même peut-être de galérer, parfois en deuxième catégorie. Si j'avais un conseil à lui donner, ce serait donc de ne pas chercher à tout gagner, de bien cibler ses objectifs et... de bien se boucher ses oreilles, parfois. Tout le monde, j'en suis sûr, va vouloir lui donner des conseils, il devra faire le tri.» O.L.G.: «Avec ce que Johan a vécu, je suis un peu préparé pour la suite. Je sais plus ou moins ce qui m'attend. Je sais que cela ne va pas être simple. Du coup, j'ai presque hâte que la saison prochaine soit terminée et en même temps, j'ai très envie de la vivre. Je ne me mets pas la pression. J'ai conscience qu'un titre n'est qu'une étape. Je vais continuer de bosser. Je sais très bien que je ne vais pas tout gagner, je sais que je ne vais même pas gagner autant de courses que cette année; je vais donc essayer d'en gagner des belles...»

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