Julie, explique-nous comment se passe ta vie aux États-Unis…
On peut dire que ça se passe super bien ! J’ai des conditions d’entraînement qui sont géniales. Je me suis mise au yoga et ça m’a permis de progresser. Mon team, Rapha-Focus, est juste un support incroyable qui m’a énormément fait progresser en me mettant dans des conditions optimales.

Pourquoi es-tu partie là-bas ?
La raison du cœur, je suis mariée depuis peu à un Américain. Je suis Miss Dunn maintenant !

Comment s’est déroulée ton adaptation ?
D’abord il m’a fallu apprendre la langue, ce qui a été un processus lent et difficile. Mais maintenant, c’est que du bonheur. J’ai de nouveaux amis, plus tous les anciens qui peuvent venir me voir et visiter cette région géniale qu’est l’Oregon. Je suis à une heure des montagnes et quarante-cinq minutes de l’océan Pacifique.

On imagine qu’il y a de nombreuses différences culturelles…
Et pourtant non. Cette région que l’on appelle le  »Pacifique North West » reste une région avec une culture occidentale. Il y a aussi une grosse culture sport outdoor qui me correspond très bien. C’est un peu comme si j’avais trouvé l’endroit où vivre sur Terre qui soit en phase avec ma personnalité. Pour la nourriture, je mange la même chose, sauf le pain. Ça, j’ai dû l’oublier !

Qu’est-ce qui t’a le plus interpellée ?
Ce n’est pas très original, mais les gens ici vivent à un rythme beaucoup plus lent qu’en Europe. Ils sont cools et relax, sportifs. Quand je vais faire une sortie de VTT on est une quinzaine et on a tous le même niveau. Aussi il y a beaucoup de végétariens, peut-être la moitié de mes amis là-bas le sont. Ça m’a interpellée sur la façon dont on pouvait avoir un choix sur son mode de vie, le rendre plus sain.

Quelles sont les différences entre les circuits européens et américains ?
Les déplacements se font en avion, mais les moyens mis en place sont beaucoup plus importants. L’organisation est excellente. C’est facile d’aller courir. Je n’ai qu’à me concentrer sur ma course. La réactivité des organisateurs aussi. Cette année toutes les grandes courses de cyclo-cross aux États-Unis ont aligné la grille de primes des hommes sur celle des femmes suite aux demandes répétées des féminimes, dont moi-même via le mouvement  »equal prize money ».

Quel rapport entretiens-tu avec les Américaines ?
Il y a pas mal d’étrangères qui courent aux États-Unis. Pour ce qui est des Américaines, Meredith Miller et Nicole Duke sont devenues de très proches amies avec qui je m’entraîne et que je vois en dehors des courses. Il y a aussi Georgia Gould que j’apprécie beaucoup car elle est très dynamique dans le développement du sport cycliste. Elle est depuis cette année à la commission UCI de VTT et elle a plein de bonnes idées. Je suis aussi devenue très proche de ma coéquipière Gabby Day, qui est Britannique. J’ai hâte de la voir à Namur !

Et avec Caroline Mani ?
Je connais Caroline depuis toujours. On a passé beaucoup de temps ensemble plus jeune et on se connaît bien. On a passé beaucoup de temps à se chamailler, mais maintenant qu’on est adultes, on apprécie de discuter et de passer du temps ensemble. Sur les courses, nos tentes sont souvent côte à côte. C’est assez marrant de se retrouver là après avoir fait la même chose en France et en Europe, en ayant pourtant pris des chemins très différents. Je pensais que je pourrais passer la voir en Californie, mais je n’ai pas eu le temps. Elle est aussi une redoutable compétitrice, c’est bon pour le sport.

Gardes-tu des relations avec les Françaises ?
J’ai ma  »bande » avec qui je suis depuis toujours en contact. Elle inclut des filles comme Cécile Ravanel et Estelle Vuillemin. J’ai hâte de les avoir aux États-Unis pour leur faire visiter. Je sais qu’on va bien rigoler. Sinon j’ai eu un petit mot de Maryline Salvetat, ça m’a fait plaisir. C’est une fille que j’admirais pour son sérieux et sa manière de se préparer, même si à l’époque ça me dépassait.

Combien de temps resteras-tu aux USA ?
Dans la mesure où mon mari travaille là-bas, c’est plutôt pour une durée indéterminée, mais on n’exclut pas l’option d’un jour venir vivre en France. Il est très motivé pour ça.

Où te situes-tu dans la hiérarchie sur le circuit nord-américain ?
Pour l’instant les deux seules Américaines que je n’ai pas encore battues sont Kathy Compton et Georgia Gould. Pour Georgia ça a failli deux fois, mais on dirait que sa médaille olympique lui a permis d’engranger un capital confiance qui la rend plus forte.

Te verra-t-on en Europe cet hiver pour la saison de cyclo-cross ?
Je suis engagée aux Championnats de France de Nommay, aux Coupes du Monde de Namur, Zolder et Rome, et à Pétange. Donc pas mal de courses en Europe à venir.

Là aussi, peux-tu te placer dans la hiérarchie ?
J’ai participé aux deux Coupes du Monde en République Tchèque où je finis 11ème et 17ème. Aux États-Unis, j’ai couru quasiment tous les week-ends avec Helen Wyman, Gabby Day, Kathy Compton, Katarina Nash. Par exemple je sais qu’avec Gabby, un jour l’une est devant, le jour d’après c’est l’autre. Elle a fait 6ème aux Championnats d’Europe et est régulièrement dans le top 10 de Coupe du Monde, donc ça me donne une bonne idée de ce à quoi je peux prétendre.

Les Championnats du Monde auront lieu à Louisville, dans le Kentucky, as-tu déjà couru sur le circuit ?
J’ai couru quatre fois sur ce circuit, qui a d’ailleurs évolué. C’est un circuit pour Compton. C’est elle qui l’a aménagé en demandant beaucoup de modifications. C’est technique et rapide, un circuit pour vététistes si c’est sec, mais ça risque d’être un gros chantier en janvier. Il y aura beaucoup de portages et de course à pied.

Les Mondiaux sont-ils un objectif pour toi ?
Mon objectif c’est d’y faire un top résultat ! Y aller pour y aller ne m’intéresse pas vraiment. Je suis tellement motivée pour cette course. C’est même ma motivation quotidienne à l’entraînement. En second objectif il y a les Championnats de France. Je ne suis pas passée loin du titre sur route en juin. Je sais que j’ai les ressources pour aller chercher un titre. J’ai passé un cap de ce côté-là et ça, c’est vraiment top !

À quoi ressemblera ton calendrier en 2013 ?
J’ai signé pour deux ans avec le Team Rapha-Focus et j’aurai des courses au Japon jusqu’en février. Donc l’intersaison risque d’être courte. Probablement quelques objectifs VTT. Peut-être la Sea Otter Classic et la Coupe du Monde de VTT au Canada. J’ai aussi des projets comme rouler le plus long col du monde en Colombie, cinq heures de montée et deux heures de descente.

Envisages-tu de te spécialiser dans une de ces trois disciplines ?
Si vous évoquez des podiums en Coupe du Monde, pour l’instant j’y travaille tous les jours dans le sens où je fais du mieux que je peux en mettant toutes les chances de mon côté avec mon coach. Je sens que j’active les bons leviers, ça va venir ! À ce niveau, toutes les filles s’entraînent à fond et ont du talent. Gratter des places c’est difficile, mais ça se fait tout doucement. C’est un processus lent, mais à 24 ans j’ai des bases solides mentalement et physiquement. Rien de ce que je fais n’est tombé du ciel, c’est ma force.

Propos recueillis le 20 décembre 2012.