Boonen en enfer
- Publié le 08-04-2006 à 05h00
Le champion du monde est candidat au double doublé Tour des Flandres/Paris-Roubaix, un exploit jamais réalisé!
ENVOYÉ SPÉCIAL EN FRANCE PHILIPPE VAN HOLLE
CISOING Comme souvent, Tom Boonen a commencé sa conférence de presse par une boutade. Alors qu'un confrère lui faisait remarquer qu'il n'avait sans doute pas appris grand-chose lors de sa reconnaissance de la finale, vendredi matin, le champion du monde répondait, du tac au tac: «Rien! Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi je me retrouve devant vous!» Cette seule anecdote prouve à quel point le coureur Quick Step est décontracté à la veille d'un rendez-vous qui pourrait le voir écrire, en lettres d'or, une page inédite de l'histoire du cyclisme. Personne, en effet, n'est jusqu'ici parvenu à gagner deux années successivement à la fois le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. La chose ne l'obsède pourtant pas. «Je prends les courses comme elles viennent, dit-il. On verra bien dimanche soir comme celle-ci se sera déroulée. On pourra alors tirer les conclusions.» Toujours cette faculté à relativiser tout et tout le temps, c'est ce qui fait indéniablement l'une de ses grandes forces...
Au fond, est-ce vraiment nécessaire de reconnaître le parcours?
«Oui, ça fait du bien de se remettre dans l'ambiance, de reprendre quelques points de repère. Certains trouvent que ce n'est pas nécessaire, je ne leur donne pas tout à fait tort non plus. Mais regardez cette fois-ci, avec la réintégration de la Forêt d'Arenberg, je trouve que j'ai bien fait de venir. S'il est vrai que je n'ai pas appris énormément ce vendredi matin, j'ai quand même pu voir par moi-même que cette trouée n'était toujours pas en excellent état, bien qu'ayant été entièrement refaite.»
Comment cela?
«Cette tranchée reste un très mauvais passage. Normalement, dans quasi tous les tronçons, il y a une ligne qu'on peut suivre lors de sa progression, avec, c'est vrai, l'un ou l'autre trou que l'on ne peut pas vraiment éviter, mais dans le bois de Wallers, il n'y plus la moindre ligne. Les pavés sont alignés, sans véritable uniformité. Certains ressortent un peu, d'autres sont assez écartés les uns des autres, mal rejointoyés. D'évidence, il s'agit d'un tronçon très difficile. La terre qui remplissait les joints a été retirée, mais ça ne nous arrange pas du tout, car elle rendait le revêtement un peu plus plane. Non, c'est, par exemple, vraiment plus dur que le Koppenberg, qui n'est déjà pas un cadeau»
Le danger est donc toujours là!
«Le danger est essentiellement lié à la vitesse. Or l'entrée est légèrement en descente, on arrive-là à 65-70 à l'heure; au bout de 800 m, on a perdu 10 km/h, mais on débouche alors sur la plus mauvaise partie. On commence à rebondir d'un pavé sur l'autre. Si certains coureurs abordent cet endroit déjà fatigué, ils perdent plus facilement le contrôle de leur machine et c'est alors que les chutes surviennent. Si vous êtes derrière eux, vous priez pour avoir de la chance.»
Vous avez dû souffler un peu à Gand-Wevelgem, vous sentez-vous d'attaque pour l'enfer?
«Oui, oui, J'ai parfaitement récupérer. L'enfer peut venir! Et mon équipe est superforte!»
© Les Sports 2006
Pour entrer dans la légende
C'est, comme il le disait lui-même, dimanche dernier après son second succès au Ronde, la classique qui lui convient sans doute le mieux. Cette perspective ne rassure certainement pas ses adversaires qui ne savent plus très bien à quel saint se vouer pour espérer battre Tom Boonen dans une grande épreuve pavée. Néo-professionnel, le Campinois s'y est classé 3e et ce dimanche d'avril 2002, Johan Museeuw l'avait adoubé sur le podium, le désignant comme son successeur. Trois ans plus tard, le Lion nous semble déjà loin mais l'on y pensera, demain, quand les concurrents du 104e Paris-Roubaix pénétreront, plein pot, sur les infâmes pavés de la Trouée de Wallers-Arenberg, l'autre vedette, cet- te année, de la course sur le parcours de laquelle elle revient restaurée, plus sûre mais tout aussi exigeante. Arenberg, c'est la légende d'une classique mythique, d'un autre âge, de tous les excès, une épreuve comme il n'y en a aucune autre qui n'est pas surnommée la Reine des Classiques pour rien.
Vingt-sept secteurs pavés, pour un total de 52,7 km, un cinquième de l'épreuve, peuvent permettre à Boonen, s'il confirme son succès de l'an dernier, de devenir le premier champion de l'histoire à réaliser un double doublé, Tour des Flandres-Paris-Roubaix, et consécutivement de surcroît. Et si le champion du monde ne gagnait pas, Patrick Lefevere, dont un des coureurs s'est imposé huit fois depuis 1995 au vélodrome roubaisien, peut toujours rêver voir Pozzato ou Nuyens gagner. Il faudra toutefois aux Quick Step faire échec à la révolte orchestrée par les Discovery du tandem Hincapie-Hoste (et aussi Gusev, Devolder), dans laquelle les Davitamon de Van Petegem et de Van Bon rêvent, le Flandrien en tête, de jouer un rôle majeur, tout comme Klier, Cancellara, Ballan, Kopp, Zabel, Guesdon, Wesemann, Michaelsen, Flecha, Eisel, Hushovd et bien d'autres qui rêvent tous d'entrer dans la légende.
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