«C'est une kermesse de 300 km!»
- Publié le 16-03-2006 à 07h46
Le champion du monde ne lui trouve rien de spécial mais rêve de gagner Milan-Sanremo
SANREMO A quelques jours de Milan-Sanremo, le premier grand rendez-vous classique de la saison, nous avons rencontré Tom Boonen. C'était durant Paris-Nice, mais quelques jours plus tard, les propos du champion du monde ont toujours la même pertinence.
Samedi, c'est Milan-Sanremo. Depuis des mois, vous en parlez. Vous rêvez vraiment de triompher sur la Via Roma, dans le maillot de champion du monde?
«Ce serait formidable en effet! On m'a dit que ce n'était plus arrivé depuis Giuseppe Saronni en 1983. Je n'avais même pas trois ans...»
C'est une classique qui vous transcende, qu'a-t-elle de si spécial?
«Honnêtement, rien! Son parcours, n'a rien de spécial. Mais Milan-Sanremo, c'est un monument. Par son nom, tandis que le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix, c'est le tracé qui fait la légende et la difficulté. Quand j'étais jeune, je rêvais d'ailleurs bien plus du Tour des Flandres. Surtout que je suis Flamand.»
Vous êtes dur avec la Primavera.
«C'est une grande kermesse de 300 kilomètres. C'est une classique de sept heures que vous pouvez perdre en une seconde, même si vous n'avez commis aucune faute et que vous êtes très fort.»
L'an dernier vous aviez perdu, où avez-vous commis une faute?
«Nulle part, en fait! J'étais bien partout où il le fallait: 5 ou 6e à la Cipressa, encore 4e au Poggio, juste dans la roue de Petacchi, derrière le petit groupe d'échappés sur lesquels nous sommes revenus ensuite. Puis Paolo (Bettini) a emmené le sprint. J'étais en troisième position dans la roue de Petacchi. Paolo s'est écarté pour essayer que Petacchi doive lancer le sprint de loin, mais ce n'est pas un petit coureur et il a temporisé, je me suis fait enfermé, le sprint est parti de l'autre côté.»
Que comptez-vous faire cette année?
«Rien, je vais refaire exactement la même chose. Je vais suivre et attendre le sprint. J'espère que j'aurai encore deux ou trois équipiers avec moi après le Poggio. L'idéal serait que Tosatto et Trenti soient là.»
Vous n'avez pas peur d'un sprint face à Petacchi?
«Non! Je ne sais pas où il en est (NdlR: quand l'entretien a eu lieu, Petacchi n'avait pas enlevé la dernière étape de Tirreno) et moi je suis fort. Plus fort que l'an passé, mais ce n'est pas pour cela que je vais gagner samedi.»
Quel serait le scénario idéal de ce sprint?
«On a vu à la Ruta del Sol que les deux trains, celui de Milram et le nôtre, en même temps, ce n'était pas possible. Il y a eu du tirage. Il faut simplement partir au bon moment. Le sprint, c'est toujours une loterie.»
Vous préférez être devant ou derrière Petacchi?
«Pour le battre, dans sa roue! Lui aussi, c'est le seul qui puisse me passer dans les derniers deux cents mètres. Il l'a fait deux fois à la Ruta, car j'avais commis quelques petites erreurs, mais je l'ai battu le dernier jour. Je l'ai laissé revenir à ma hauteur, il croyait que j'étais à bloc, puis je suis reparti. Le duel a duré deux cents mètres et j'ai pris l'avantage. C'était très jouissif! Et pour Milan-Sanremo, c'est très important.»
Pourquoi?
«Parce que c'est le dernier sprint qui compte. Le sprint, c'est beaucoup dans la tête, c'est une guerre psychologique...»
Comment ça se passe entre vous?
«Il y a beaucoup de respect. Nous sommes deux sprinters corrects. D'une manière générale, les cow-boys qui existait il y a dix ou quinze ans ont disparu. Il n'y a plus d'Abdou, ou plus beaucoup!»
Pourquoi?
«Parce que maintenant, avec la télévision qui s'incruste partout, le jury et les spectateurs voient tout et notamment les tricheurs ou les dangers publics.»
Restons dans le domaine du sprint. Zabel a gagné six fois le maillot vert au Tour. C'est un record que vous pourriez battre?
«Je vais d'abord essayer de le gagner une fois avant de songer à six. Le maillot vert, c'est vrai, est fait pour moi, prendre des points tous les jours, être régulier, c'est quelque chose qui me plaît puisque je ne peux pas rêver d'un bon classement général au Tour à cause de la montagne. L'an dernier, sans malchance, j'aurais déjà pu le remporter. Quand j'ai abandonné, après mes chutes, j'étais en tête du classement et ceux qui me suivaient sont restés aux mêmes places.»
Vous rêvez donc de prendre votre revanche dès cette année?
«Oui. Il y a huit ou neuf jours propices aux sprinters. L'important sera de gagner une étape dans les premiers jours, comme l'an passé, après, tout est toujours plus facile. En plus, cela démoralise les autres sprinters!»
Et le maillot jaune?
«Le porter est possible cette année. Le prologue est beaucoup plus court que l'an passé (6 km). Après, il n'y a pas de contre-la-montre par équipes. Ce qui serait formidable, c'est d'arriver en jaune en Belgique. On a vu, il y a deux ans, combien il y avait de supporters lors du passage du Tour dans notre pays.»
Autre chose, le mensuel Vélo Magazine a demandé à des spécialistes de désigner ceux qui seront, selon eux, vos dix principaux futurs adversaires dans les classiques. Parmi eux quatre Belges, Gilbert, Nuyens, Devolder et Steegmans. Qu'en pensez-vous?
«Gilbert est un vrai candidat pour toutes les classiques, fort, intelligent, qui ne commet pas de faute. Nuyens, il est aussi fort et intelligent, très intelligent. Il sent la course, comme moi. Et il est dans une bonne équipe (il rit) . Il va gagner beaucoup grâce à moi, comme à Kuurne. Steegmans était très costaud au Volk et il est rapide, mais, actuellement, j'ai mes doutes au-delà de 200 km. Enfin, Devolder est toujours très fort. Chez les jeunes, c'était suffisant mais chez les pros... Car son problème, c'est la tête. Or, on peut améliorer les jambes, pas la tête...»
© Les Sports 2006
Boonen attendu au pied du Poggio
Il est clair que le champion du monde est le seul coureur de Paris-Nice craint par les favoris de Tirreno
ENVOYÉ SPÉCIAL EN ITALIE PHILIPPE VAN HOLLE
SAN BENEDETTO Voici venu le moment de l'attente. Certains grands champions qui se sont illustrés sur la via Roma avaient pour habitude de dire qu'une victoire à Milan-Sanremo tient aussi à la manière dont on gère les jours qui séparent la fin de Paris-Nice ou de Tirreno-Adriatico de la Primavera. La démarche du peloton français est évidemment différente de celle effectuée par les coureurs ayant pris part à l'épreuve italienne. Les participants à la Course au Soleil, qui ont pu récupérer davantage et plus tôt, se sont pour la plupart astreints à une longue sortie (entre 5 et 7 heures de vélo) ce mercredi, tandis que les Italiens, qui n'ont terminé leur course de préparation qu'avant- hier, axent plus, ces derniers jours avant la Classicissima, sur la récupération. Nombre de coureurs ayant disputé la Course des Deux Mers sont restés sur l'Adriatique ce mercredi. Hier matin, ils ont effectué un petit entraînement d'une heure et demie, juste de quoi se délier les muscles des jambes, histoire aussi d'éliminer les dernières traces d'acide lactique que le massage de la veille n'aura pas pu évacuer. L'après-midi, ils auront embarqué dans les voitures pour se rendre à Milan qu'ils auront atteint en fin d'après-midi. Ce jeudi, c'est une sortie de 2h30-3 heures qui les attendait. Une fois de plus, rien de très intense, comme le lendemain où ils ne feront guère plus d'une soixantaine de kilomètres.
«Cela dépend de chacun, insiste ainsi Philippe Gilbert. Mais, en ce qui me concerne, je suis quelqu'un qui doit s'attacher à conserver son jus pour la course. Voilà pourquoi, je ne ferai vraiment pas grand-chose d'ici samedi.»
Philippe n'effectuera pas non plus de reconnaissance de la finale. De son propre aveu, il n'aime pas trop ça. Au contraire, par exemple, d'Alessandro Petacchi qui compte bien se rendre sur la Cipressa et le Poggio ce jeudi. «J'ai besoin d'effectuer ces quelques kilomètres sur la fin de l'itinéraire de la Primavera pour, d'une certaine façon, me mettre dans la course,» dit le dernier vainqueur en date sur la Via Roma.
Il est à peine utile de préciser qu'en Italie, les gros bras sortant de Tirreno, ne se soucient que d'un seul adversaire en provenance de Paris-Nice: Tom Boonen. Tous l'attendent au pied du mur, au pied du Poggio plus que probablement. Petacchi, Freire, Hushovd, Zabel sont prêts pour la bagarre et ne doutent pas un instant de leur capacité à vaincre. «Je crois qu'il y a beaucoup de pression sur les épaules de Boonen, confiait Petacchi hier en aparté. Après son début de saison tonitruant, chacun sait qu'il a fait de Milan-Sanremo son premier objectif de l'année. Il est un peu dans la position qui était la mienne l'an dernier. Je n'avais fait un secret pour personne de mes ambitions à Sanremo. Moi, en plus, j'avais atteint mon objectif et gagné sur la Via Roma. Je suppose que tous les supporters de Tom (Boonen) attendent qu'il en fasse autant. De mon côté, c'est fait depuis 2005, je suis donc d'autant plus relax, mais pas moins motivé à l'idée de gagner une deuxième fois, soyez-en sûr!»
Comme d'habitude, il n'y aura qu'un vainqueur et beaucoup de déçus, sur le coup de 17 heures, ce samedi, à Sanremo. C'est la dure loi du sport mais c'est aussi tout ce qui fait son charme...
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