"Je ne veux pas devenir un coureur frustré !"
- Publié le 21-04-2007 à 04h59
Boogerd regrette l'évolution du cyclisme
VALKENBURG Partir avant de devenir frustré, c'est un peu l'idée du coureur Rabobank.
On dirait que vous ne vous sentez plus trop dans votre monde, au sein d'un peloton dont les habitudes ont fortement changé.
"La mentalité n'est plus la même. Celle des jeunes n'est plus la mienne, sans dire cela de manière négative. Je me retrouve parfois dans ma chambre avec un gars qui a 13 ou 14 ans de moins que moi. Oh ! ça ne se voit pas vraiment mais quand j'y réfléchis, je me dis que ce n'est pas normal. Je crois que c'est bon, ça suffit comme ça. Je ne veux pas finir en coureur frustré, qui sera toujours là, à 38 ans, et qui ressassera le bon vieux temps en disant : C'était mieux avant. Les oreillettes ont aussi tout chamboulé dans les courses. Je n'ai pas grandi avec elles; moi, je ne pensais qu'à une chose : attaquer. Maintenant, le directeur sportif sait déjà presque avant vous que... vous faites partie d'une échappée : il regarde la télé et il commande tout depuis la voiture. L'intuition d'un coureur n'a plus aucune importance. Pour moi, cette évolution signifie un peu la mort du cyclisme. Si ça continue comme ça, dans trois ans, il n'y aura plus d'amateurs pour regarder une épreuve com- me Paris-Roubaix."
Avez-vous pris votre décision en concertation avec l'équipe Rabobank ?
"Non, j'en ai parlé avec ma femme, mes parents et mon frère. Ce sont les gens qui importent vraiment dans ma vie. Ma mère était plutôt contente et soulagée, mon père, lui, se demandait comment il allait vivre les courses l'an prochain, sans moi, et mon frère, terre à terre, m'a demandé s'il n'était pas possible de tirer un an de plus, à l'arrière du peloton, en acceptant de réduire mon salaire de moitié. (Rire.) Je lui ai dit que ce n'était pas possible, que, même pour ça, il faudrait que je m'entraîne encore trop !"
Y a-t-il quelque chose qui puisse encore vous faire changer d'avis ?
"Un titre de champion du monde ! Je rempilerais pour six mois. En 1985, Zoetemelk a réalisé cet exploit juste avant d'avoir 39 ans. Il avait dit qu'il arrêterait mais a continué pendant une saison et demie... période durant laquelle il a encore gagné la Gold Race ! Voilà qui me ramène à la course de dimanche, pour laquelle je devrais bénéficier d'un rôle libre, sachant que Freire sera sans doute désigné comme l'ultime finisseur."
Ferez-vous encore du vélo après votre carrière ?
"Je ne suis pas du genre à continuer intensivement pour montrer aux jeunes que je suis toujours aussi bon qu'eux. Vous ne me verrez certainement pas au stage de préparation de l'équipe, l'an prochain, rouler avec mes ex-équipiers. Mais du sport santé, oui; du vélo mais aussi un peu de tennis, un peu de foot et, comme tout coureur qui arrête, je ferai sans doute un marathon (NdlR : allusion à Armstrong). Et plus tard, professionnellement, je trouverai sans doute un job dans le vélo, parce que c'est mon monde et que je n'en connais pas d'autre."
© La Dernière Heure 2007