Kevin Reza achève la campagne des classiques ardennaises dimanche avec Liège-Bastogne-Liège et fait le point au terme de sa première partie de saison. Il a fait sa place au sein de la FDJ dans un rôle d’équipier et s’il prend du plaisir à travailler pour ses leaders, il refuse de s’en contenter. Il ne lâchera pas le morceau tant qu’il n’aura pas levé les bras !

Comment ça va Kevin ?

Bien…

Sans rire, tu sembles plus heureux que l’an dernier ?

T’as raison. 2015 a été année difficile, je ne m’en cache pas. Ce fut même une de mes pires années depuis que je suis pro même si j’ai connu des moments galères quand j’ai été néo-pro mais pas comme ça. En fait, je dois le reconnaître, l’adaptation à ma nouvelle équipe a été plus difficile que ce que j’avais imaginé.

Pour quelle raison ?

La structure est très différente de ce que j’avais connu auparavant. L’équipe FDJ initiait aussi un nouveau système de gestion des coureurs. J’ai dû assimiler beaucoup de choses d’un coup mais quand même, je ne pensais pas avoir autant de difficultés. Finalement il m’a fallu presque la saison entière pour m’adapter, appréhender le changement. Apprendre à connaître l’équipe, les coureurs, prendre mes repères.

Tu en as souffert ?

Ca m’a fait drôle parce que d’ordinaire je suis un gars qui s’adapte facilement aux choses. J’étais venu à la FDJ pour prouver que j’avais ma place dans cette équipe, faire des belles courses, obtenir des résultats d’entrée de jeu et ça n’a pas été le cas.

Tu as quand même signé de belles places ?

Mais je ne veux pas me contenter de ça ! C’est ma sixième année professionnelle et je n’ai toujours pas de victoire, ça me bouffe. Le truc qui m’énerve le plus en ce moment est d’entendre mes proches et mes amis me dire ‘’c’est super ce que tu fais, tu as fait une échappée, tu as fait une petite place, un top 10’’. Pour dire vrai, je ne réponds même plus aux appels qui vont me dire ça. Ca m’énerve plus qu’autre chose. Je me pose des questions. J’essaie d’être performant, de faire le boulot qu’on attend de moi et je me demande si je suis fait pour aller chercher un résultat régulièrement où si je dois me ranger à l’idée que je suis un équipier. M’arrêter au travail qu’on me demande, et terminé !

C’est quoi la réponse aux questions ?

Je ne m’y résous pas. J’ai un tempérament à toujours performer et je ne veux pas me dire que je ne vais jamais y arriver, même s’il y a des coureurs plus talentueux que moi qui méritent mon aide. Cette année on m’a demandé de rester auprès d’Arnaud Démare et de bosser pour lui et c’est flatteur mais elle est où ma place ? Est-ce que l’équipe me voit toujours comme un coureur capable de gagner des courses ou un équipier qui aide ses leaders à performer. Pour moi ce n’est pas clair dans ma tête, ce n’est pas facile parce que je n’ai pas de réponses à tout.

Dans ton programme, il y a les courses pour aider les leaders et celles pour ta propre ambition ?

Quand je prends le départ du Tour de Catalogne qui est une course qui pouvait me permettre d’avoir des résultats, je me dis qu’il n’y a pas de leaders, qu’on va compter sur moi. Mais à chaque fois il y a des aléas. Soit des coureurs qui ne vont pas tous dans le même sens et je n’ai pas le soutien qu’un leader est sûr d’avoir. Cela fait des opportunités en moins. Et puis parfois, j’ai été aussi trop attentiste, je n’ai pas su saisir ma chance. Quand je sors de ce genre de courses, je suis frustré de savoir que j’ai les capacités de décrocher de grandes choses mais qu’il m’a manqué le petit truc pour y arriver ou bien un coureur qui m’aide, qui me place pour un sprint. Tout n’est jamais vraiment réuni dans ce cas-là pour que j’y arrive. Ça met le doute, personnellement et au sein de l’équipe. On me dit ‘’c’est bien t’es dans le match, tu as fait un résultat’’ mais je m’en fous.

Et bien malgré tout, Kevin, tu donnes l’impression d’être plus heureux ?

Oui je commence à mieux connaître mes équipiers. J’ai fait stages perso avec certains d’entre eux cet hiver. Ça rapproche et ça crée des liens mais surtout je me suis dit ‘’hors de question de me prendre la tête comme en 2015’’. Après tout, le cyclisme c’est mon boulot mais pas une fin en soi. C’est un sport assez dur pour ne pas en rajouter moralement. J’ai pris des vacances, ça m’a fait du bien. J’ai fait un bon hiver. Depuis le début de saison, je fais depuis tout ce que je peux pour satisfaire mes leaders…

Mais ?

Certes j’entends qu’on est satisfait de mon boulot mais à un moment donné, je pense qu’on espère aussi me voir faire des résultats. Du coup, c’est un peu égoïste mais j’apprends à me concentrer sur moi-même. Tout le monde fait du vélo pour aller au bout de soi-même, pour ne pas avoir de regrets à l’arrivée  mais ça m’arrive trop souvent et ça m’énerve.

C’est bien Kevin de ne pas te contenter d’une échappée à l’Amstel Gold Race ?

Je ne suis pas encore très vieux mais plus très jeune non plus et je ne veux pas me contenter d’une échappée, je ne suis plus néo-pro. Et je retiens que je n’ai pas pu aider Arthur dans le final mais que 4 mecs de l’échappée ont su le faire. OK il a fait mauvais mais c’était pareil pour tout le monde. J’avais le sentiment de n’avoir pas fait mon boulot entièrement. Quand je passe sur la ligne, je bâche, je suis déçu.

Avec Liège-Bastogne-Liège, tu arrives à la fin d’un cycle dans ta saison ?

Je vais couper une semaine et reprendre au Tour de Picardie et je sais que d’ici le Critérium du Dauphiné ou le Tour de Suisse, il y a une série de courses qui peuvent me permettre d’obtenir ce que je cherche. De m’imposer. Je n’ai pas l’habitude de courir en tant que leader, c’est aussi ce qui me fait défaut. Savoir donner les directives comme sait le faire Thibaut. Avoir la confiance pour scorer pour avoir aussi celle de mes équipiers. Ca s’apprend.

Un jour, tu peux aussi bénéficier du retour d’un de tes leaders ?

Oui je pense. Mais un leader a besoin de gagner et sa soif de victoires est toujours plus grande. C’est compréhensible. C’est vrai, le retour dont tu parles peut arriver sur des courses moins élevées mais il faut savoir construire ses propres opportunités.

Le Tour de France est un sujet ?

Oui et non. Tout le monde veut le faire, comme toutes les grandes courses. Le Tour c’est une sélection de 9 coureurs. En tant que Français, je serais content d’y participer. Les directeurs sportifs vont faire leur choix. Je n’en fais pas une obsession. Je sais qu’il y aura des opportunités aussi sur la Vuelta. Bien sûr, je serais très content de le faire mais je refuse d’être abattu si ce n’est pas le cas. Le Tour m’a réussi les deux fois où je l’ai fait et j’aimerais y retourner et y briller dans un rôle précis.

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