Sébastien Joly compte les jours. Après avoir été un coureur puis un entraîneur de l’équipe FDJ, il y débute samedi et quelques jours avant l’arrivée de Groupama, sa carrière de directeur sportif. Le hasard fait bien les choses, les routes qu’il connaît par cœur en Ardèche et dans la Drôme seront celles de son intronisation.

Sébastien, te sens-tu l’âme d’un néo-pro ?

Non pas vraiment, j’ai un peu d’expérience quand même. Je débute samedi dans la voiture de l’équipe mais ce n’est pas non plus un nouveau job. J’ai été directeur sportif de l’équipe Europcar en 2013 et je pense avoir accumulé une bonne expérience parce que j’avais eu un calendrier de courses assez dense. Je constate qu’en cinq ans la méthodologie a beaucoup évolué, ne serait-ce que dans la préparation des courses. Avant je travaillais avec une carte et un stabilo et il m’arrivait de découvrir le parcours avec le road book des organisateurs. Désormais, tout se fait en amont et notamment avec Google Earth. Par rapport à 2013, chez nous le programme de courses des directeurs sportifs est allégé mais le travail avant de retrouver les coureurs est important.

« je commence à domicile, je pense bien connaître le terrain »

C’est un avantage pour toi de débuter dans la Classic de l’Ardèche et dans la Drôme Classic ?

C’est vrai, je commence à domicile, je pense bien connaître le terrain. Cet hiver, au moment où nous nous sommes réunis pour planifier la saison, certains de mes collègues avaient envie de faire ces courses, Thierry Bricaud a gentiment suggéré qu’il fallait me laisser y aller. On m’a fait une faveur. Cependant, le parcours a changé en Ardèche, les routes sont plus larges cette fois mais je vais aller faire un repérage en vélo.

Quand tu as arrêté ta carrière, tu pensais déjà à cette reconversion ?

J’y pensais mais je ne me suis jamais positionné pour ça. Je n’ai tapé à la porte de personne. En fin de carrière j’étais émoussé et il m’était nécessaire de prendre du recul. Après six mois, je suis devenu technico-commercial pour une marque de roues italienne. Jean-René Bernaudeau s’est rapproché de moi par l’intermédiaire de Thomas Voeckler et m’a proposé un job de directeur sportif-entraîneur. J’ai saisi l’opportunité et j’ai même travaillé, déjà, à l’amélioration du matériel. J’ai un bon bagage. En fin d’année, Jean-René voulait que je m’installe en Vendée. J’ai refusé et j’ai donc arrêté. J’ai été entraîneur personnel de coureurs pendant un an avant de rejoindre l’équipe FDJ.

Avec l’équipe FDJ, bientôt Groupama-FDJ, tu continues aussi à entraîner des coureurs ?

Pour la première fois je suis directeur sportif à 100%. Dans certaines courses, au cours des dernières saisons, j’ai été directeur sportif adjoint ponctuellement. L’entraînement me plaisait énormément, surtout avec tout ce qu’on a mis en place depuis 3 ans. J’ai beaucoup appris au contact de Julien Pinot et David Han. Sur tous les plans. J’allais dans les courses pour organiser les étapes de contre-la-montre et l’échauffement mais être en course sans être dans la stratégie de l’équipe, ça me frustrait un peu. Il m’est arrivé, à côté du directeur sportif, d’être sur les freins. J’en ai discuté avec Marc Madiot il y a quelques temps. Il y a eu une création de poste grâce à Groupama. Désormais les tâches sont bien réparties. Nous sommes trois directeurs sportifs dans les Grands Tours. Nous sommes deux en voiture 1 et un autre en voiture 2. Sur une grande course World Tour, tout seul c’est difficile. Il faut gérer les oreillettes, le téléphone, l’Ipad, les infos avec les assistants et puis conduire. On essaie d’évoluer. Le fait que Jussi Veikkanen soit à 100% avec nous aujourd’hui, permet qu’on soit mieux organisé. Après un bloc de courses, il est nécessaire pour le directeur sportif de souffler pour revenir fort.

Tu as une prédilection pour un type de courses ?

Je m’oriente sur les courses par étapes. J’aime les classiques mais Martial Gayant et Fred Guesdon maîtrisent bien le terrain et la culture des classiques. Mon programme va me permettre d’enchaîner le Tour de Catalogne, le Tour du Pays-Basque et le Giro. Ce sont des courses par étapes montagneuses. Jusqu’à la fin de la saison dernière, j’étais l’entraîneur de coureurs de classiques, je faisais des reconnaissances, je testais le matériel et je suis heureux de les retrouver plus tard, notamment dans l’Eneco Tour en août, tout comme je serai heureux de travailler avec les jeunes dans le Tour de Wallonie. En fait, je ne veux pas me spécialiser. J’ai créé des liens avec mon groupe de coureurs et j’ai besoin aussi de les voir à l’oeuvre.

Qu’en est-il de ton poste de testeur de matériel ?

Ça, je le garde. On n’a trouvé personne pour le faire cette année. Avec l’aide de Frédéric Grappe, je vais continuer cette saison et on avisera en fin d’année. C’est une des parties du job qui m’intéresse le plus. C’est inné de m’intéresser au matériel, au textile et à tous les composants du vélo. On évolue en permanence. En trois ans, avec le fabricant Lapierre on a passé un palier dans cette équipe. Les vélos de contre-la-montre, de montagne, de routier-sprinteur et de Paris-Roubaix ont bien progressé. De la même manière, en un an, on a fait évolué le textile avec notre partenaire italien Ale mais dans tous les compartiments du jeu il reste des choses à faire.

Forcément, l’arrivée de Groupama est très importante pour le développement de l’équipe ?

Tout le monde est très heureux de l’arrivée de Groupama et le pôle sport va pouvoir augmenter sa capacité à évoluer. Yvon Madiot et Martial Gayant sont désormais dans un rôle de superviseur. Je pense qu’on peut parler de réorganisation. C’est une nécessité pour progresser, pour être dans le coup. On s’entend tous très bien et l’interaction est super importante entre nous. Par exemple, le rôle de Martial est très important, il nous apprend beaucoup. Il y a un échange d’expériences intéressant et permanent.

Tu es déjà dans la préparation du Tour d’Italie ?

Lundi nous avons une réunion des directeurs sportifs et des entraîneurs, elle est traditionnelle après le week-end d’ouverture en Belgique et ces deux courses chez moi. Dès le lendemain, Martial Gayant, Jussi Veikkanen, Julien Pinot et moi aurons une réunion pour le Giro. Nous profiterons du Tour des Alpes fin avril pour faire des reconnaissances d’étapes du Tour d’Italie, mais au mois de février on y travaille déjà.

Dans ton nouveau job, quelle est la philosophie de base : attaque ou défense ?

Tu le sais bien, l’un et l’autre se décident en fonction du coureur que tu as sous la main. J’ai eu de bonnes expériences de courses avec Andy Flickinger chez Europcar en 2013, on avait fait des choses intéressantes. Depuis, les schémas de courses ont évolué mais je préconise plutôt l’attaque par mon tempérament. Je l’étais quand j’étais coureur et ça reste.

« Ce job est un enrichissement personnel »

 

C’est assez formidable qu’à 38 ans tu aies déjà tout cet acquis dans le cyclisme professionnel ?

Coureur, directeur sportif et entraîneur, oui c’est un background complet. Le fait d’avoir acquis l’expérience d’entraîneur, hyper pointue, m’aide à comprendre les coureurs, d’avoir une proximité tout en m’orientant vers la direction sportive. Je crois bien cerner le sujet. Je peux dire que dans tous les aspects de leur métier, les 28 coureurs de l’équipe sont hyper pointus. La différence est là. Moi j’ai tout connu, j’a été un des tout premiers à travailler avec un capteur de puissance mais je connais aussi l’inconvénient quand le capteur est un frein. Quand le regard du coureur ne le quitte pas. Fort de mon bagage, quand j’ai une question à poser je la pose. Quand je ne sais pas, je le dis. Ce job est un enrichissement personnel.

Peut-on dire que passer d’un statut d’entraîneur à celui de directeur sportif, c’est passer de la théorie à la pratique ?

Je veux dire que je suis très motivé. En tant que coach, j’étais aussi dans la pratique parce que dans cette équipe, les entraîneurs sont sur le terrain. Avant je réfléchissais sans forcément le dire, maintenant je vais faire ce que je pense. J’ai aussi la chance d’être dans le Tour de Catalogne avec Thierry Bricaud, puis avec Yvon Madiot dans le Tour du Pays-Basque. J’aime prendre le meilleur de chacun.

  

 

« Chez nous, il y a une belle émulation. […] Nous sommes compétents sur tous les terrains. »

Certes il y a les deux victoires de Marc Sarreau dans l’Etoile de Bessèges mais y-a-t-il désormais la pression de la gagne dans ton équipe ?

Non, il n’y a pas de pression puisqu’on a débloqué le compteur avec Marc Sarreau. Sans pression, j’aimerais quand même gagner une des deux courses du week-end. Nous avons aussi un acquis, l’équipe est solide. Il y a eu un bel exemple le week-end dernier dans le Tour du Haut-Var. Il n’y a pas eu la victoire mais quelque chose de fort collectivement avec Thibaut Pinot, Rudy Molard et le petit Madouas. Gagner c’est bien mais le comportement de l’équipe c’est important. Le comportement a également été formidable dans l’Etoile de Bessèges et le Tour de Provence avec les jeunes. On fait ce métier pour gagner mais l’attitude, ça compte. Chez nous, il y a une belle émulation. Il n’y a plus deux fronts, celui de Thibaut Pinot et celui d’Arnaud Démare. Nous sommes compétents sur tous les terrains.

Ton début à la direction sportive coïncide ce week-end avec le retour à la compétition d’Arthur Vichot ?

Arthur s’est bien préparé. Le nouveau parcours va bien lui convenir. Samedi, la montée de Saint-Romain nécessite de la force et il en a. Il est serein. Bien sûr, il sera l’un des coureurs protégés. Ces courses lui plaisent, il est toujours placé mais j’ai besoin de parler avec lui vendredi avant de déterminer une stratégie.

Quel est ton groupe pour les deux courses de ce week-end ?

J’ai neuf coureurs pour sept places dans chacune et je vais faire tourner. Il y a Arthur Vichot, Steve Morabito, Sébastien Reichenbach, Benoît Vaugrenard, Léo Vincent, Romain Seigle, David Gaudu qui fera les deux, Anthony Roux qui vient d’être papa et dont les ennuis au pied semblent se régler et Matthieu Ladagnous qui a fait une bonne rentrée dans le Tour du Haut-Var après être rentré d’Australie.

Par Gilles Le Roc’h

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