Arnaud Démare est un homme heureux. De retour de La Clusaz où il est allé travailler sous un super beau temps, idéal pour faire du vélo et en n’ayant pas à mettre un coupe-vent dans les descentes de cols, le leader de l’équipe Groupama-FDJ se projette sur le championnat de France qui se déroule dimanche à Mantes-la-Jolie. Il y remet son titre en jeu mais le disputera avec une grande ambition.

 

 « Je pense avoir fait honneur au maillot »

Arnaud, quelle image retiens-tu particulièrement de cette deuxième année en bleu-blanc-rouge, quel en est le symbole ?

Sans hésiter, ma victoire d’étape dans le Tour de France à Vittel avec ce maillot. Être champion de France c’est énorme, gagner dans le Tour avec le maillot bleu-blanc-rouge, ça dépasse tout. J’ai dans les yeux la photo du protocole. Voilà, c’est l’image de mon année. De juin à juin.

Es-tu satisfait de cette année ?

À chaque fois je pense avoir fait honneur au maillot. Après le Tour, j’ai gagné en fin de saison la Brussels Classic, j’ai fini deuxième de la classique de Hambourg… Sans être en super forme. Puis j’ai encore gagné une étape de Paris-Nice avant une belle campagne de classiques avec des podiums dans Kuurne-Bruxelles-Kuurne, Milan-San Remo et Gand-Wevelgem. Enfin, j’ai gagné dans le Tour de Suisse ma dernière course en bleu-blanc-rouge. Et devant le gratin du mois de juillet, ce qui est bon pour ma confiance et celle de mes équipiers.

Dans cette année, il y a eu également des moments compliqués ?

Si on parle moments compliqués, c’est aussi mon abandon dans le Tour de France et j’ai surtout été affecté pour le public. C’était dur de quitter la ferveur qu’il y avait autour de moi. Depuis une semaine, j’avais bénéficié de beaucoup d’encouragements. C’était impressionnant… Oui, ça m’a attristé d’abandonner le Tour parce que je n’avais jamais connu ça. Je n’oublie pas non plus que mes équipiers étaient là, avec moi dans la souffrance. Cette année, je n’ai plus trop eu le même programme que certains d’entre eux mais quand on se retrouve on est content. Je peux parler d’une véritable amitié, au-delà du sport, qui s’était affirmée aussi dans une grosse galère. Cette étape-là, dans les Alpes, c’était à la fois chouette et triste.

Il y eu également le dernier Paris-Roubaix…

Pour Paris-Roubaix, je connais mon erreur ! Disons que j’ai été victime de mon surplus de motivation. Je n’avais en réalité pas récupéré convenablement du Tour des Flandres qui avait été très exigeant mais d’une semaine à l’autre, cet écart était fou. Je n’étais clairement pas dans le jour pour faire un résultat. Ce fut une déception importante compte tenu de tout ce qui avait été fait, de l’ambition de l’équipe, de l’investissement de l’équipe… Décevoir à ce point, c’était dur. Je peux dire aujourd’hui que c’est dans ces moments-là que je rebondis et que je construis mes victoires à venir. Paris-Roubaix m’a « reboosté » pour le Tour.

 

« Je suis prêt pour le Tour. »

Parlons-en, comment te sens tu à dix jours du départ ?

Je pense avoir eu la préparation idéale pour le Tour. Je suis prêt. Il me reste une semaine et demi pour peaufiner des détails. L’avantage aussi est que je sais à quoi m’attendre. Après une victoire d’étape, en portant le maillot vert, je dois être vigilant sur les toutes les sollicitations, sur les exigences du protocole. Je vais devoir savoir me mettre dans une bulle pour récupérer. Froome, on peut en dire tout ce qu’on veut mais le mec va tous les jours au protocole, au contrôle anti-dopage, à la conférence de presse. Ça signifie que comme moi, il est à l’hôtel une heure et demie après ses équipiers. C’est un gros truc à gérer. C’était nouveau pour moi mais maintenant je le sais.

Tu sais Arnaud, tu donnes l’impression d’arriver à maturité physique, à 26 ans ?

Je pense en effet avoir passé un nouveau cap depuis la victoire dans le Tour. J’ai la chance aussi d’avoir des équipiers vraiment dévoués, même bien plus que ça. Même dans les classiques, on a passé un cap. On y était déjà reconnus par les autres mais on a pris le manche, on a roulé. On a réussi à atteindre la stabilité dans la performance.

Il est impossible de ressortir un de tes équipiers en particulier mais Olivier Le Gac personnalise bien les progrès dont tu parles ?

Il y a quelques années, il avait disputé les Flandriennes avec nous. Il s’était montré. Depuis il a pris de la maturité. Surtout de la sérénité et de la force. Dans le dernier Tour de Suisse, il m’a impressionné. Je pense que sa victoire d’étape dans les Quatre Jours de Dunkerque lui a fait du bien.

Il semble aussi que Jacopo Guarnieri soit mieux aujourd’hui que l’an dernier à cette époque ?

Il y a un an Jacopo avait eu une approche du Tour compliquée par la naissance le 8 juin de sa petite fille. Il avait abandonné au dernier moment dans le Critérium du Dauphiné mais avait loupé la période des cols à monter qui est cruciale. Il avait été performant sur le Tour mais cette année il a un rôle super important parce qu’on se connaît beaucoup mieux… Tu sais, pour nous la période allant de Paris-Roubaix au prologue du Tour de Suisse était vraiment longue mais c’était bien. On s’est posé, on a travaillé tranquillement, l’équipe nous a fait confiance pour ça. Jusque dans la première partie du Tour de Suisse qui était difficile.

Groupama-FDJ sur le Tour de France ? « Une équipe de pote. »

Que penses-tu de ton équipe dans le Tour de France ?

Elle est nouvelle, je n’ai pas couru avec tout le monde cette année mais c’est une équipe prête, variée avec des mecs sympas. Pour le sprint, je n’ai pas tous les experts comme l’an dernier mais Jacopo Guarnieri et Ramon Sinkeldam sont des piliers du train. Avec Olivier qui met en action plus tôt. Je m’attendais peut-être à un coureur de plus avec le forfait de Thibaut Pinot mais Rudy Molard et Arthur Vichot ont déjà travaillé pour moi sans rechigner en dépit de leur ambition qui est différente. Les rares fois où on a travaillé ensemble, il n’y a rien eu à dire. Rudy dans Paris-Nice, Arthur dans le Tour de Suisse. Tobias Ludvigsson je l’ai découvert à Gran Canaria le mois dernier. On n’avait jamais fait aucune course, aucun stage ensemble et c’est un super mec aussi. Pour dire les choses vraies, je trouve qu’il s’agit d’une équipe fraîche. Une équipe de potes et d’opportunistes, capables de créer l’exploit. Volontairement, je ne parle pas de David Gaudu qui est néo-pro et qui va découvrir. Ça va lui faire tout drôle mais c’est un choix d’équipe.

« Un championnat de France ouvert. »

Quelle est la différence entre ta première année de champion de France (juin 2014-juin 2015) et celle-ci ?

C’est une question d’expérience. Je ne vais pas dire que j’ai savouré plus ou que je ne le méritais pas la première fois mais ce maillot que je remets en jeu dimanche, il est à moi, je l’ai mérité. En 2014, j’avais fait une sacrée saison mais là, je le fais au niveau World Tour. C’est un autre niveau. J’ai plus de maturité. À Saint-Omer, quand on m’a remis le maillot il y a un an, j’ai savouré, je savais ce que j’allais vivre. Dimanche, je le remets en jeu… Je ne le rends pas.

Quelle sera ton ambition à Mantes-la-Jolie ?

J’ai dans un coin de la tête la possibilité de le gagner de nouveau. C’est faisable. Des coureurs qui savent le faire sont nombreux côté Groupama-FDJ. Anthony Roux, Olivier Le Gac, Arthur Vichot pour ceux qui me viennent en tête sont en grande forme. Tout va dépendre de la tactique d’équipe. Ou bien tout jouer sur moi ou bouger le cocotier pour durcir la course. La côte l’an dernier à Saint-Omer faisait mal. Celle de Mantes-la-Jolie n’est pas plus dure. Il y en a une deuxième où le placement sera important. Nous sommes dans le Vexin, les maisons sont à fleur de route dans un village. Ce sont deux kilomètres sinueux. Le peloton sera étiré sur 1’30’’ à 2’00’’ et puis il y aura une bosse de 700 mètres. Je pense quand même qu’il peut y avoir sprint. Si ça bouge dans cette côte, c’est assez loin de l’arrivée. Je n’oublie que 50% du parcours est en ville avec des ronds-points. Il y a pas mal de paramètres… C’est un championnat ouvert mais maîtrisable.

Par Gilles Le Roc’h.

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