Julien Thollet : « Cohérent depuis le départ »

Annoncée jeudi (voir ici), la sélection française pour le Championnat du Monde de cyclo-cross a beaucoup fait causer. L'absence de John Gadret, la non-sélection de Maxime Gagnaire, le Champion de France Juniors, la présence d'une seule Elite Dame... Le sélectionneur national Julien Thollet fait le point pour DirectVelo.com.

DirectVelo.com : Ta sélection pour le Championnat du Monde a été beaucoup critiquée...
Julien Thollet : Je le comprends. Nous essayons d'expliquer au maximum le travail réalisé tout au long de l'année. Forcément, nous ne l'expliquons pas assez à tout le monde. Il y a des choses qui vont rentrer dans les esprits. Dimanche dernier, au Championnat de France Juniors, beaucoup de personnes me tapaient dans le dos en me disant : "bonne chance pour ta sélection". Certes, la hiérarchie a été bousculée ce jour-là. Mais nos critères de sélection ont été publiés pendant l'été. Ils ont été discutés puis validés par le DTN (Vincent Jacquet).

« UNIQUEMENT DES CRITERES INTERNATIONAUX »

Le Championnat de France n'a donc pas été pris en compte dans ta sélection...
On s'oriente vers la performance pour le Mondial. Nous nous sommes basés uniquement sur des critères internationaux. Il est vrai qu'en début de saison, nous avions dit qu'on attendrait le Championnat de France pour donner notre sélection. Mais pour deux raisons, Besançon n'a pas compté : les critères de sélection, donc, et bien sûr le parcours. Le circuit du Championnat de France n'a rien à voir avec celui d'Heusden-Zolder. Nous n'avons donc pas, ou plutôt peu, tenu compte du Championnat de France. Cela surprend beaucoup de monde. Il y a deux Champions de France qui ne vont pas au Mondial. Pour Hélène Clauzel, chez les Juniors Dames, elle nous avait dit qu'elle donnait priorité à la saison de VTT. Pour Maxime Gagnaire, sacré en Juniors, je ne m'en cache pas... Et je l'ai déjà dit, je ne le connaissais pas. Je n'étais sans doute pas le seul. On voit beaucoup de gamins sur la Coupe de France.

Après son succès à Besançon, tu n'as tout de même pas hésité à le sélectionner ?
Il a fait une superbe course à Besançon mais nous avons suivi notre logique. Mais c'est compliqué pour un coureur la première fois en Equipe de France. C'est déstabilisant quand on arrive dans l'environnement Coupe du Monde, or nous sommes à quinze jours du Mondial. Je le redis, le circuit n'est pas le même qu'à Besançon, tout comme les repères. Et la réalité, c'est la grille de départ. Même nos coureurs qui ont été performants au niveau international partent en 2e, 3e voire 4e ligne. C'est une donnée importante. Même si c'est dur, je le répète, nous ne sommes pas dans des sélections-récompenses. Il faut tirer tout le monde vers le haut. Tous les coureurs au départ du Mondial doivent être en mesure de défendre leurs chances.

C'est à dire ?
Je ne parle pas de podium ou de titre, mais batailler dans les 20-25 premiers. Quand on regarde nos critères, c'est mon point de vue et il peut être discuté, terminer dans un Top 20 au niveau international, cela ne me parait pas inaccessible. On ne parle pas de trois Tops 20 ! Les minimas existent dans d'autres disciplines. Les gens peuvent regarder ce qu'il se passe dans la natation ou l'athlétisme. Ceux qui critiquent n'ont pas tous les éléments en main. Je peux comprendre encore une fois. Moi, je travaille dessus depuis juillet. J'entends "une seule Elite Dame au départ (Caroline Mani), c'est inadmissible on devrait remplir les quotas". Mais moi mon but est de remplir les quotas ! C'est à tout le cyclo-cross français de faire en sorte que le niveau national augmente. On a envoyé un signal à tout le monde. Oui, il y a des critiques, mais on entend toujours ceux qui font beaucoup de bruit. J'ai reçu beaucoup de messages plus privés pour me féliciter d'essayer de tirer tout le monde vers le haut.

« NOUS AVONS TENDU LA MAIN A JOHN GADRET »

Outre les Dames, c'est surtout la non-sélection de John Gadret qui a fait beaucoup causer...
Nous nous sommes expliqués au téléphone avec John. Très sincèrement, nous lui avons tendu la main. Avec le DTN, nous étions prêts à passer outre les critères qu'il n'a pas remplis. Nous avons regardé son passé de crossman, de Champion de France, de membre de l'Equipe de France... Mais le minimum quand on prépare le Mondial, c'est d'aller se confronter au niveau international. Il reste deux manches de Coupe du Monde : Lignières et Hoogerheide. Et John a fait un autre choix... Il voulait faire Lignières et aller le week-end suivant à Lanarvily. Je n'ai rien contre cette épreuve mais il aurait dû venir sur les deux Coupes du Monde, s'intégrer au groupe France, apporter son expérience... Il n'a pas entendu ce discours. Il a fait un autre choix sportif, et un autre choix de fin de saison... Je respecte sa décision, il doit respecter la mienne.

Si John Gadret avait accepté de courir à Hoogerheide (Pays-Bas), il aurait donc été au départ du Mondial ?
Le point de négociation a été là-dessus. Je lui ai dit : "Tu as beaucoup d'expérience, viens apporter aux jeunes, viens dynamiser le groupe France." Cela fait 20 ans qu'il fait du cyclo-cross à haut-niveau. Nous avons fait une semaine de stage, il aurait été le bienvenu. Francis Mourey a fait la totalité du rassemblement avec nous... J'ai fait le job depuis juillet. J'ai appelé les meilleurs Elites français : Francis, Fabien Canal, Clément Venturini, Fabien Doubey, etc. J'en ai rencontré certains. Quand John est revenu dans le jeu, en octobre, je lui ai expliqué les règles du jeu. Je comprends qu'il soit déçu... Mais nous avons été cohérents depuis le départ.

Le fait de retenir seulement trois Elites Hommes n'a pas été compris...
Car nous sommes sur le même principe. Seuls trois coureurs ont rempli les critères... Par ailleurs, si on fait marche-arrière d'un an, il n'y avait pas de course Espoirs Dames à l'époque. Cette année, nous avons trois Juniors pour la course des Espoirs. Il faut ouvrir les yeux... Les deux premières manches de la Coupe de France ont été remportées par des Juniors, Hélène Clauzel à Albi et Maëlle Grossetête à Quelneuc. Si nous avions eu qu'une seule course Dames, nous aurions aligné : Caroline Mani, Juliette Labous, Maëlle Grossetête et Evita Muzic. Nous avons une blessée, Pauline Ferrand-Prévot, un arrêt de saison prématuré avec Lucie Chainel, et pour des raisons très personnelles, Marlène Petit n'arrive pas à retrouver son niveau. Le contexte est particulier. La sélection "choque" mais trois jeunes poussent... Mon vœux est de pouvoir remplir tous les quotas, ce n'est pas le cas cette année. Une nouvelle fois, mon but est de tirer tout le monde vers le haut.

Crédit photo : Elisa Haumesser - Cycling Pictures
 

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