Brandt : «Je n'éprouve aucun regret»
Christophe Brandt nous parle à bâtons rompus de sa carrière, de sa reconversion. Mais, surtout, d'une passion indéfectible pour le vélo.
- Publié le 29-10-2010 à 06h00
Christophe, vous prenez donc votre retraite en tant que coureur professionnel. Il n'y a pas de regrets?
Pas encore (rires)! Non, cette décision a été mûrement réfléchie. Depuis mon accident à la fin du mois d'août 2006, ce n'était plus pareil. C'est évident que j'aurais encore fait deux ans de plus sans cette terrible chute. Mais cela veut aussi dire que je n'en ai pas marre du vélo ou de la compétition. Disons que cette décision est raisonnable et raisonnée. Personne ne m'a forcé à arrêter à trente-trois ans.
Cela veut dire que votre reconversion se fera dans le monde du vélo?
Oui, sans aucun doute. Je n'attends qu'une réponse favorable pour débuter en tant que directeur sportif.
Revenons une dernière fois sur cet accident.
Je n'ai pas le sentiment d'être un miraculé. Parce que je n'ai jamais eu conscience de la gravité de mon état. On m'a enlevé un rein et c'est uniquement cela qui m'a ensuite empêché de retrouver mon vrai niveau. Après cet accident, c'était difficile de reprendre la compétition parce que mon entourage avait tellement souffert. C'est d'ailleurs mon épouse qui m'a encouragé à continuer. Et je dois dire que j'ai encore travaillé bien plus après ma remise sur pied. J'ai été victime de mon caractère.
Un caractère bien trempé, on le sait. Mais qui est aussi spécifique au coureur cycliste?
Pratiquer ce métier est simple... quand tout va bien. Quand se profile un problème, on ne trouve personne pour t'en faire la remarque. C'est à toi de te remettre en question, de te gérer. C'est parfois compliqué. Ce boulot est aussi très individualiste. Pour moi, la qualité première d'un coureur, c'est sa capacité d'autocritique ou d'auto-analyse. Et tout cela vient avec l'expérience, l'analyse de ses sensations. Celui qui marche bien dans toutes les courses, c'est celui qui reste lucide et qui fait preuve d'intelligence. Il doit pouvoir faire les choix de ce qui est le meilleur pour lui, au bon moment. Sinon, on risque de tomber sur un os et tous les schémas d'entraînement ne serviront à rien.
Vous avez vécu onze ans au plus haut niveau du cyclisme : qu'est ce qui a changé?
Sur le plan du matériel et de l'encadrement, il n'y a plus rien de commun. Les vélos de maintenant sont incroyablement légers et rigides. Et sur n'importe quelle épreuve, on a souvent deux directeurs sportifs, un médecin, trois masseurs, trois mécaniciens, un attaché de presse. Sans parler des autobus ou du cuistot qui nous suit sur un grand tour. Le milieu s'est hyperprofessionnalisé. Je me suis aussi rendu compte que les coureurs ont aussi changé, mais c'est une remarque qui vaut aussi pour notre société : certains jeunes qui débarquent dans le peloton n'ont plus aucun respect pour leurs aînés. Ils pensent connaître tout alors qu'ils ont tout à apprendre. Pour certains, le métier ne se définit que par l'argent. Il faut leur rappeler que sans la passion, on ne peut pas devenir cycliste professionnel.
Question bateau : et le dopage dans tout cela?
Certains ont compris, d'autres ne comprendront jamais. Je pense que le peloton est beaucoup plus sain, grâce à l'efficacité des contrôles et au passeport sanguin. Cela explique sans doute qu'une échappée ne prend plus vingt minutes d'avance comme avant : le peloton roule à vitesse constante et bon nombre de courses se terminent au sprint.
Si c'était à refaire, vous referiez du cyclisme votre métier?
J'ai fait des études de marketing. Mais je me voyais mal dans un bureau. Non, j'ai eu vraiment la chance de faire de ma passion un métier. Avec une grande discipline personnelle. Mais quand on peut se diriger soi-même, c'est le top. Pour quelqu'un qui a de l'amour-propre, du caractère, il peut tout gérer et surtout ses contrats ou ses transferts. Le milieu cycliste est un petit monde, où, après trois ou quatre saisons, tu connais tout le monde. Ce qui autorise à changer d'air.
Alors, pourquoi dix ans chez Lotto?
Ils m'ont donné la chance de participer à des grands tours. Et au gré des nouveaux sponsors, je n'ai jamais eu l'impression de courir pour la même équipe.